La presse marocaine lève le drapeau blanc

Dix ans après l’accession de Mohammed VI au trône du Maroc, le bilan de la situation de la liberté de la presse est contrasté. Après les prétendues avancées du début du règne, les reculs et crispations se sont multipliés, notamment à partir de 2002. Les mesures musclées de dissuassion ont contraint les journalistes marocains à lever le drapeau blanc en adoptant la politique “d’autocensure”. Bref, la liberté de presse au royaume chérifien attendra des jours meilleurs. L’histoire du magazine Tel Quel publiée par Backchich en est la preuve.

Tel Quel poignarde Ali Amar et Calmann-Lévy

Mais le pire était à venir pour Ali Amar ! Il existe au royaume enchanté du Maroc une tradition de solidarité confraternelle au sein de la presse indépendante. Celle-ci est en effet régulièrement condamnée à des amendes délirantes lorsqu’elle égratigne « Sa Majesté »

Le 20 juin dernier, l’hebdomadaire Tel Quel est passé outre ce pacte tacite (chacun dans son style, le Journal Hebdomadaire comme Tel Quel, ont beaucoup œuvré pour la liberté d’expression au Maroc). Comment ? En publiant un communiqué non signé et intitulé « Manipulation, La dernière de Amar » qui fleure mauvais le règlement de comptes. L’affaire est délicate : Tel Quel a annulé à la dernière minute la publication d’un encart publicitaire pour le livre d’Ali Amar, « le best-seller introuvable au Maroc ».

Le communiqué du magazine explique que ce dernier refuse « toute publicité ayant un rapport quelconque avec la monarchie », qu’elle soit élogieuse ou non, ce qui lui permet de défendre sa liberté éditoriale par rapport au palais royal. Un vrai manque à gagner quant on sait que les journaux marocains croulent sous les messages félicitant Mohammed VI lors de l’Aïd ou de la Fête du Trône.

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Mais Tel Quel n’en reste pas là et s’en prend à Ali Amar en des termes d’une violence rare dans les colonnes de cet hebdomadaire : « Difficile de garder la moindre estime pour un “confrère” quand il se comporte de manière aussi retorse et malhonnête que Ali Amar ». Tel Quel reproche en effet à l’auteur du « Grand malentendu » de les avoir berné en leur demandant de passer, ristourne à l’appui, une publicité « au nom d’un ami » sans préciser qu’il s’agissait de son propre livre.

… Mais ne publie pas de droit de réponse

Une version que réfute fermement Ali Amar qui affirme avoir contacté la directrice commerciale de Tel Quel en lui spécifiant bien que Calmann-Lévy« envisageait d’acheter un espace publicitaire dans les pages du magazine en question dans le cadre de la promotion de mon ouvrage ». Dure de la feuille la dame au point de confondre « au nom d’un ami » avec « Calmann-Levy »s’interroge-t-il soutenant que Tel Quel a notifié l’annulation de la publicité au motif de « la non-conformité du contenu avec sa ligne éditoriale » et l’a expliqué en ces termes à Calmann-Lévy.

La maison d’édition du « Grand malentendu », justement. Dans son communiqué, Tel Quel lui tire également à boulets rouges dessus : « qu’une maison d’édition sérieuse comme Calmann-Levy se laisse entraîner dans une manipulation aussi grossière est, en revanche, plus surprenant. Et triste, pour sa crédibilité » (sic !).

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Ces propos ont provoqué un droit de réponse en bonne et due forme de Calmann-Levy qui interpelle Tel Quel : « Nous vous rappelons que nos directeurs commerciaux respectifs ont échangé entre le 12 et le 17 juin dernier pas moins de cinq mails afin de convenir des modalités techniques et financières et de la date de parution de cette publicité, et que tous nos mails mentionnaient en objet : « Pub Ali Amar – Mohammed VI Le grand malentendu ». Vous ne pouvez donc soutenir sérieusement que nous aurions agi en nous dissimulant derrière notre auteur, et participé ainsi à une opération de “manipulation” ». Aux dernières nouvelles, Tel Quel n’a toujours pas publié ce droit de réponse. Pas très fair-play, tout ça…

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