Il y a peu d’actes de diplomatie plus frappants qu’un ancien président américain atterrissant dans le pays le plus interdit au monde pour sauver deux femmes d’années d’emprisonnement et de travaux forcées . Si Hollywood l’avait produit, cela semblerait presque banal. Même les gens les plus critiques envers Bill Clinton devraient célébrer ce sauvetage comme triomphant et humain. Mais au même temps que les familles des deux femmes font un soupir de soulagement, une question tenace reste à poser : Bill Clinton vient-il de faire du monde un endroit plus dangereux?
Pour les gouvernements, où j’ai exercé en tant que diplomate, aucune crise est plus grande que celle de la prise d’otages. C’est l’appel téléphonique que tous les officiels craignent, d’habitude l’enlèvement est annoncé par l’ambassade locale. Un système bien lubrifié se lance dans l’action : hauts fonctionnaires – et d’habitude le président lui-même – seront informés dans les plus brefs délais. Les réunions de crise sont immédiatement convoquées ; la façon dont un gouvernement répond dans les premiers moments peut être crucial.
Les enlèvements se passent aujourd’hui en Somalie, Irak, Colombie, tout comme en Corée du Nord. Partout où les otages sont pris, les gouvernements doivent afrronter le même dilemme désespéré et intraitable. Au moment où les gouvernements décident frénétiquement comment réagir, les familles des otages seront dans un état de détresse imaginable. Si la Presse se saisit de l’histoire, la pression sur les gouvernements pour répondre – de toutes les façons possibles – devient immense. Devrions-nous répondre publiquement, mais aussi immédiatement en prêtant aux preneurs d’otages l’attention qu’ils cherchent ? Devrions-nous essayer de les libérer par la force ? Mais l’action militaire est d’habitude évitée parce trop risquée : rappelez-vous la tentative américaine désastreuse de libérer les otages de l’ambassade à Téhéran en 1980.
Les rançons posent des dilemmes semblables. Il est facile de déclarer qu’aucune rançon ne devrait être payée quand ce n’est pas votre mari ou votre fille qui est dans la captivité, parfois menacée de mort. J’ai demandé, une fois, un compte rendu sur un otage européen qui avait été séquestré pendant des années par un gang terroriste au Liban. Sa souffrance était immense. Il a pleuré pour exprimer sa gratitude envers le fonctionnaire qui avait organisé le paiement secret pour le libérer. Des meilleures options absentes, les gouvernements chercheront souvent une sortie embrouillée et insatisfaisante. Ils peuvent offrir quelques concessions, et si c’est possible dans le secret, dans l’espoir que cela ne se répand pas et encourage d’autres. Kim Jong Il a été récompensé pour son kidnapping avec la visite d’un notable leader américain. L’Administration peut insister sur le fait qu’aucune concession politique importante n’ait été faite (et il est possible que nous ne le saurons jamais), mais la visite en soi était une sorte de paiement de rançon. Nous pouvons être sûrs que la Corée du Nord continuera à prendre “des prisonniers”, de la Corée du Sud ou, encore mieux, de l’Amérique et cherchera des concessions pour leur sortie. Dans le monde entier, les preneurs d’otages, s’il s’agit d’états, des terroristes ou des pirates, sont régulièrement payés, dans le secret total, sans fanfare. Le message est clair : la prise d’otage obtient des résultats. Téhéran, Hizbollah et Pyongyang et d’autres groupes violents à travers le monde, en prendront note.
D’une façon ou d’une autre le monde entier est dans la prise des kidnappeurs : personne n’a de bonne solution. Nous avons cruellement besoin d’un débat sur la façon de changer les termes de la diplomatie des otages, en réduisant la récompense pour ceux qui utilisent de telles techniques coercitives – et en encourageant ceux qui ne le font pas. Le but devrait être de refuser ceux qui utilisent l’enlèvement et la violence pour attirer l’attention qu’ils demandent. L’idéal serait une sorte d’interdiction volontaire – sa légifération produirait l’effet contraire – pour réduire au minimum l’attention aux motifs et buts des kidnappeurs et des terroristes, s’il s’agit des groupes comme Al Qaeda ou des états comme la Corée du Nord.
Une autre mesure pourrait, à temps, commencer à diminuer la force de ceux qui utilisent de telles méthodes viles et repréhensibles pour attirer l’attention sur leurs besoins : commencer à récompenser ceux qui n’utilisent pas la violence, comme le Front Polisario, au Sahara Occidental. Leur pays a été envahi par le Maroc en 1975. Depuis le cessez-le-feu en 1991, ce groupe a refusé de prendre des otages, tuer des civils ou utiliser une quelconue sorte de violence. Au lieu de cela, ils continuent à utiliser les moyens pacifiques et diplomatiques pour arriver à l’autodétermination pour le peuple de cette terre occupée. Mais, en absence d’enlèvements ou de violence dans les titres des journaux, ils continuent à être ignorés dans les cercles politiques, abandonnés dans le désert pour décider si un retour aux armes servirait mieux leurs buts.
Une nouvelle doctrine s’offre, avec laquelle les EU peuvent envoyer un message fort et positif au monde : ceux qui embrassent la violence recevront une récompense politique plus grande que ceux qui ne le font pas.
٭ Carne Ross est un ancien diplomate britannique et directeur de Independent Diplomat, un groupe consultatif diplomatique à but non lucratif, qui conseille aussi le Front Polisario.
By Carne Ross٭
There are few acts of diplomacy more striking than a former American president swooping in to the world’s most forbidding nation to rescue two women from years of imprisonment and hard labor. If Hollywood produced it, it would almost seem trite. Even Bill Clinton’s harshest critic should celebrate this rescue as triumphant and humane. But as the women’s families breathe a sigh of relief, a nagging question remains : has Bill Clinton just made the world a more dangerous place? Inside government, where I once worked as a diplomat, no crisis is greater than a hostage crisis. It’s the phone call that every official dreads, usually from the local embassy saying that nationals have been taken. A well-oiled system swings into action : senior officials — and usually the president himself — will be urgently informed. Emergency meetings are immediately convened ; how a government responds in the first moments can be critical.
Kidnappings are going on today in Somalia, Iraq, Colombia, as well as North Korea. Wherever hostages are taken, governments face the same desperate — and intractable — dilemmas. As governments frantically decide how to react, the families of the hostages will be in all-too-imaginable distress. If the press get hold of the story, the pressure for governments to respond — in any way possible — grows immense. Should we respond publicly, but thereby immediately giving the hostage-takers the attention they seek? Should we attempt to free them by force? But military action is usually discarded as too risky : remember the disastrous US attempt to free the Tehran embassy hostages in 1980. Ransoms pose similar dilemmas. It’s easy to declare that no ransoms should be paid when it’s not your husband or daughter who’s in captivity, sometimes under threat of death. I once debriefed a European hostage who had been held for years by a terrorist gang in Lebanon. His suffering was immense. He wept to mention his gratitude to the official who had organized the secret pay-off to get him out.
Absent better options, governments will often seek a messy and unsatisfactory way out. They may offer some concessions, and ideally in secret, in the hope that this doesn’t leak and encourage others. Kim Jong Il was rewarded for his hostage-taking with a visit by a prominent American leader. The Administration may insist that no substantive policy concessions were made (and we may never know), but the visit alone was a kind of ransom payment. We can be sure that North Korea will continue to take “prisoners,” whether from the South or better yet, America, and will seek concessions for their release. All over the world, hostage-takers, whether states, terrorists or pirates, are being regularly paid off, hush-hush, without fanfare. The message is clear : hostage-taking gets results. Tehran, Hizbollah and Pyongyang, and other violent groups across the world, will be taking notes.
Somehow the whole world is in the grip of the hostage-takers : no one has a good solution. We badly need a debate on how to alter the terms of hostage diplomacy, by reducing the rewards for those who use such coercive techniques — and increasing them for those who don’t. The aim should be to deny those who use kidnapping and violence the attention they crave. The ideal would be some kind of voluntary prohibition — to legislate it would produce the opposite effect — to minimize attention to motives and goals of kidnappers and terrorists, whether groups like Al Qaeda or states like North Korea.
Another measure might, in time, start to diminish the force of those who use such vile and objectionable methods to draw attention to their needs : start to reward those who don’t use violence, like the Polisario Front of the Western Sahara. Their country was invaded by Morocco in 1975. Since a ceasefire in 1991, this group has refused to take hostages, kill civilians or use violence of any kind. Instead, they continue to use peaceful and diplomatic means to pursue self-determination for the people of this occupied land. But, in the absence of headline-grabbing kidnapping or violence, they continue to be ignored in policy circles, left in the desert to ponder whether a return to arms would better serve their purposes.
A new doctrine offers itself, with which the US can send a strong and positive message to the world : those who foreswear violence will receive greater political rewards than those who do not.
٭ Carne Ross is a former British diplomat and director of Independent Diplomat, a non-profit diplomatic advisory group, which also advises the Polisario Front.
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