Le plan d’autonomie marocain

Dans tout conflit territorial, il est tout naturel d’explorer toutes les voies et les moyens de le résoudre. Dans le cas du Sahara Occidental, il y a eu beaucoup de discussions sur l’autonomie que le Maroc présente comme proposition mais qui n’attire pas l’intérêt des sahraouis, parce que non seulement ils n’acceptent qu’une solution basée sur l’autodétermination, mais aussi parce qu’il y a des sérieuses doutes sur la sincérité de la proposition marocaine.
Le conflit du Sahara Occidental a été sous la médiation de L’ONU depuis presque 20 ans. Une grande partie de ce temps a écoulé dans la tentative d’organiser un référendum d’autodétermination qui demanderait au peuple du Sahara Occidental s’il veut s’intégrer au Maroc ou être indépendant.
Ce projet a été largement abandonné en 2000 pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le Maroc a eu un nouveau Roi, Mohammed VI, qui a accédé au trône en juillet 1999. Malgré le soutien de Washington et Paris, ce roi jeune et inexpérimenté n’a pas le courage de son père pour courrir des risques sur une question particulièrement sensible, comme le Sahara Occidental. La monarchie a, pendant des décennies, cultivé l’idée de la marocanité du Sahara et réprimé toute idée contraire. Pour la plupart des Marocains, le Sahara Occidental est une partie du Maroc. Pour le roi, se lever, aujourd’hui, et dire le contraire reviendrait à reconnaître une erreur qui a coûté cher au peuple marocain, un peuple qui croit encore en la divinité de la monarchie.
En septembre 1999, il y a eu des manifestations massives au Sahara Occidental pour plus des revendications sociales, culturelles et économiques. Dans ces manifestations ont participé beaucoup de colons marocains  et des sahraouis amenés par le Maroc pour participer au référendum. C’était la preuve définitive que le Maroc n’avait aucune chance de gagner le référendum.
“D’autre part, même supposant qu’un référendum ait lieu, si le résultat n’est pas accepté par l’une des parties, il est important de souligner qu’aucun mécanisme d’exécution n’est prévu par le plan de règlement onusien, et il est improbable que ce mécanisme soit proposé appelant à l’utilisation de moyens militaires pour son application effective. La France et les EU s’y auraint opposé.
Une nouvelle proposition appelée “la troisième voie” est apparue, une solution entre l’indépendance totale pour le Sahara Occidental et l’intégration totale au sein du Maroc. Une sorte d’accord entre le Polisario et le Maroc qui donnerait au Sahara Occidental un certain degré d’autonome et liberté politique au sein Royaume du Maroc.
La personne chargé de dessiner cette troisième voie était James Baker, l’ancien Secrétaire d’État américain et le plus important négociateur désigné pour le Sahara Occidental avant Christopher Ross.
Entre 2001 et 2003, Baker présentait deux propositions d’autonomie différentes. Dans les deux cas, Baker a proposé que le Sahara Occidental devienne une partie autonome du Maroc pendant quatre ans. Après cette période, les sahraouis et les colons marocains voteraient sur le statut final du territoire. Le Maroc a accepté la première parce qu’elle n’a pas mentionné explicitement l’indépendance comme une option pour le statut final et rejeté la deuxième en 2003 parce qu’il y avait l’indépendance comme troisième choix de vote.
Le Front Polisario a fait exactement l’inverse : rejeter la première et accepter la deuxième. Après que le Polisario ait embrassé la proposition de Baker de 2003, la balle était dans le camp marocain. Plus de deux ans plus tard, Rabat était obligé de faire une contre-proposition.
En novembre 2005, le Roi Mohammed VI a déclaré son intention de considérer l’autonomie comme solution pour le conflit du Sahara Occidental. Cela n’a vraiment rien de nouveau. Depuis les négociations de Marrakech en 1989, la position du Maroc était que l’indépendance ne doit pas être mise sur table, et tout le reste des options peut être discuté. Pour sa part, le Front Polisario a rejeté l’autonomie comme seule option.
Le Polisario a accepté une autonomie pour une période transitoire avant l’organisation d’un référendum sous l’égide des Nations Unies, à condition que tout référendum incluse l’option de l’indépendance. Les autres options peuvent être l’autonomie ou l’intégration dans le Maroc. Mais celui-ci veut un référendum seulement sur l’autonomie. C’est-à-dire deux choix de scrutin : acceptez-vous l’autonomie ou Non ? Personne n’est tout à fait sûr de ce qui arriverait si la réponse est “Non”.
Le Maroc veut faire croire qu’il est sérieux concernant l’autonomie, mais l’est-il? Est-ce que le roi Mohammed VI est sincère ou c’est juste une réponse à la pression internationale? Malgré le rejet de Rabat de son Plan en 2003, Baker est encore resté pendant une autre année sans que le Maroc ne présente aucune contre-proposition viable.
Quand Baker a démissionné, le ministre des Affaires Etrangères du Maroc a attribué cela à la ténacité de sa politique étrangère. Quand le gouvernement américain s’est arrangé pour la la libération des derniers prisonniers de guerre marocains chez le Polisario, la réponse du Maroc à ce bouquet de fleurs était l’intensification de la répression contre les nationalistes sahraouis dans la ville d’El Aaiun.
Si le Maroc était sérieux sur l’autonomie et voulait saper le soutien du Polisario, la meilleura chose qu’il aurait pu faire c’était mettre en œuvre le plan d’autonomie tout de suite. Après le retrait de certains de ses colons et de son armée, Rabat devrait accorder un gouvernement du Sahara Occidental localement élu, mené par des sahraouis et qui a le contrôle exclusif de son économie, des affaires sociales et culturelles et du maintien de l’ordre. Cela inclurait le contrôle des revenus gagnés de la pêche et des phosphates. Le Sahara Occidental serait autonome et le gouvernement marocain central ne serait pas capable d’y s’en prendre. Et même si cette initiative unilatérale ne résoudrait pas le conflit de Sahara Occidental à la satisfaction de la communauté internationale, elle démontrerait que Rabat est sérieux en sa proposition. Et les sahraouis profiteraient des avatages de cette intitiative.
Le fait que le Maroc ne fera pas, et ne peut pas faire cette intitiative montre que cette autonomie n’est que des paroles en l’air. En plus, l’armée marocaine est lourdement retranchée dans l’économie locale du Sahara Occidental. Du trafic des drogues et la contrebande aux milliards de dollars de l’industrie de pêche, ses petits doigts se trouvent dans chaque partie de cette tarte appelée le Sahara. Pendant que le ministre des Affaires Etrangères marocain fait le tour du monde pour parler de l’autonomie, le Ministère de l’Intérieur et les forcess de sécurité serrent l’étau sur le territoire. Les rapports récents du Secrétaire général notent que le Maroc travaille pour améliorer son potentiel de défense. Le Maroc a signé un accord de pêche avec l’UE, qui inclut les eaux sahraouies; Rabat cherche aussi à signer des contrats d’exploration pétroliers dans les côtes du Sahara Occidental.
Cela, ressemble-t-il la volonté d’un gouvernement qui envisage l’octroi d’une autonomie ?
Conformément à la première proposition de Baker, celle que le Maroc a accepté, la pêche et l’exploitation d’hydrocarbures seraient des compétences du gouvernement autonome sahraoui. Rabat n’a pas encore fait un seul geste comme preuve qu’il est prêt à partager le contrôle de ces atouts économiques clés du Sahara Occidental. Et encore moins d’y renoncer. Il est tout simplement inimaginable que le gouvernement marocain lâche cette vache laitière qu’il trait depuis 34 ans et qui constitue la clé de son rêve d’hégémonie dans la région.
Supposons que le plan d’autonomie est accepté et avalé par la communauté internationale. Si l’administration locale revient aux sahraouis, y a-t-il une garantie que les élections seront différentes du modèle marocain que, jusqu’à maintenant, a maintenu Khalihenna Ould Rachid au pouvoir grâce aux divers méthodes de trucage et de falsification? Cela ne sera jamais consenti par les 200.000 sahraouis qui rentreront des camps de réfugiés dont une grande majorité a grandi dans l’idéal nationaliste et une grande partie ayant perdu des parents dans la guerre contre le Maroc. Peut-être qu’une partie s’installera et essayera de faire face au fait que la lutte existentielle dans laquelle ils ont grandi a été perdue. Mais il y a une autre partie assez importante qui ne le fera pas, particulièrement quand ils verront qu’il n’y a pas de travail, aucune chance et aucune autonomie réelle puisque le territoire sera dirigé, comme c’est le cas aujourd’hui, par la clique du palais, une poignée d’oportunistes sans foi ni loi. Toute personne honnête ne pourra pas nier cette vérité. Cela ne sera pas pardonné par tous ces hommes qui sont devenus des experts en armes et dont certains se sont battus pendant des années contre les forces marocaines sous le slogan de “Toute la patrie ou le martyr”.
Un retour massif des nationalistes convaincus condamnés à rester surplace dans la pauvreté, le chômage, la corruption et supposés être heureux d’avoir perdu tout ce pour quoi ils se sont battu, enfin, des perdants tout azimuth, avec à côté un corps de police pour imposer les marionnettes de Rabat renforcés d’un nombre d’ex-dirigents du Polisario dont l’intégrité et la loyauté seraient incertaines ou des transfuges. La realpolitik prônée par les défenseurs du plan d’autonomie marocain sera confrontée à cette réalité sur le terrain.
Dans le cadre d’une autonomie il n’y aura aucune stabilité. Si les gens sont traités comme Sultana, Asfari et les autres, quelle stabilité peut-on espérer?
Ces chers réalistes doivent comprendre que le tabassage d’une fille de temps à autre ne suffira pas pour garantir cette stabilité lorsque les réfugiés retourneront à leur terre dans la période post-autonomique. On ajoute à ceux-là toute une génération dont les parents ont été torturés ou emprisonnés et qui, dès le décès de Hassan II en 1999, ont envahi les rues pour se manifester, et d’autres qui, depuis, ont grandi dans une ambiance à l’image de l’Intifada palestinienne. La seule chose qui les a empêchés de mettre en marche une version locale de l’équipe des martyrs d’Al-Aqsa ou du Hamas, est le refus absolu du Polisario de laisser l’Intifada tourner dans la violence.
A ceux-là vont s’ajouter tous les ex-combatants du Polisario mécontents de cette situation imposée contre leur volonté. A ce moment-là, on peut imaginer ce que va devenir toute autonomie qui n’est pas consensuellement respectée ou acceptée dans un référendum libre et juste.
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