Les gestes de complaisance de Paris envers le royaume du Maroc sur le conflit sahraoui se succèdent, sans que cela ne suscite le moindre remous au sein de la communauté internationale, pourtant tenue par les engagements des Nations unies sur la question. Vendredi dernier, le Premier ministre français, François Fillon, a réitéré l’appui de Paris à la proposition d’autonomie marocaine, qu’il conçoit comme étant «la base la plus pertinente pour sortir de l’impasse dans laquelle nous nous trouvons». «Nous faisons tous nos efforts pour encourager la négociation autour de cette proposition et nous soutenons notamment tous les efforts de l’ONU et de son envoyé spécial pour y parvenir», a-t-il encore asséné, sans juger opportun de rappeler les principales résolutions du Conseil de sécurité de cette même ONU sur la question. Pour comprendre cet enthousiasme qui animait le Premier ministre français, il faut préciser que ce dernier recevait, à l’occasion, son homologue marocain, Abbas El-Fassi, pour signer une dizaine d’accords avec la France, à l’occasion de la 10e rencontre de haut niveau franco-marocaine, qui s’est tenue à Matignon. Plus zélé encore, El-Fassi a pour sa part accusé l’Algérie d’être «dans une position de statu quo». «L’arme de l’Algérie c’est l’achat des armes», pour le Front Polisario, a-t-il accusé, déplorant aussi que «les revenus du pétrole et du gaz algériens» aillent à «la propagande» et au «soutien du Polisario, au détriment du développement du pays et des besoins du peuple algérien». Illusion française Plus cynique, il plaidé pour «une solution politique et juste» qui sauvegarde «les liens d’amitié et de fraternité avec l’Algérie pour pouvoir construire le Maghreb arabe». «Je vous rappelle que la frontière orientale entre le Maroc et l’Algérie est fermée depuis 1995. Comment peut-on concilier un Maghreb arabe, de tous les peuples du Maghreb, avec une frontière fermée ?», a-t-il encore lancé. Tous les observateurs s’accordent à dire que cette rhétorique dont nous abreuvent les responsables et médias marocains, de façon assez récurrente depuis plusieurs années, est symptomatique d’un malaise profond. D’abord, le refus d’Alger de se soumettre au chantage marocain sur la question des frontières : le gouvernement de Sa Majesté a beau appeler à une «normalisation des relations entre les deux pays», mais comme il fait toujours abstraction de toutes les questions litigieuses, il ne pouvait y avoir d’avancée. Il y a entre autres la question de la réouverture des frontières, sur laquelle les Marocains seraient prêts à faire des concessions, eu égard à son caractère vital pour l’économie marocaine qui traverse actuellement une grave crise, et sur laquelle l’Algérie ne pourrait céder sans rien obtenir en contrepartie. Il y a, ensuite, cette épineuse question du Sahara Occidental qui bloque tout. Alors que les Marocains butent sur un nouvel échec après l’impasse des négociations, pour n’avoir pu faire la moindre concession sur son plan d’autonomie factice, ils vont chercher l’appui des puissances occidentales pour sortir de l’impasse. Et c’est de bonne guerre que Paris, en froid avec Alger, se propose pour porter «souverainement» la voix du Maroc. Les motifs de ce soutien indéfectible sont faciles à expliquer : après avoir perdu leurs entrées dans les circuits économiques algériens – résultat d’une succession de maladresses des dirigeants français greffée à la naissance d’une nouvelle conscience en Algérie –, et provoqué un conflit permanent avec Alger sur certains contentieux politiques et historiques, les Français se sont vus contraints de se rabattre sur Rabat, et de s’y accrocher comme une ultime chasse gardée, où ils continueront à bénéficier de toutes les largesses pour investir et exercer une influence indiscutable sur les choix stratégiques de ce pays. Il faut noter que Paris, qui continue à être le premier fournisseur du Maroc en armement, n’a jamais réussi à vendre, à titre d’exemple, ses rafales aux Algériens, en dépit de toutes les démarches entreprises pour reconquérir son ancienne colonie. Cela dit, ces nouvelles déclarations des dirigeants français, appuyant ostentatoirement la position marocaine sur la question sahraouie, ne peut que compliquer davantage les relations, déjà assez vulnérables, entre Alger et Paris. Même si rien ne doit étonner les Algériens qui, loin d’être dupes, n’espèrent plus grand-chose de ces professions de foi que auxquelles le président Sarkozy aime s’adonner épisodiquement pour entretenir l’illusion. Mussa Acherchour