Si le besoin crée l’organe ,et si la nature a horreur du vide, alors dans un futur indéterminé, combien même réussira-t-on à éradiquer par tous les moyens imaginables la culture du pavot, de la coca et celle du cannabis et par la même occasion éviter tous les autres drames corrélatifs, l’humanité s’arrangera toujours pour concocter de nouvelles mixtures en réponse à ses pulsions. Les Drogues de synthèse avec d’autres amuse-gueule addictogènes menacent déjà nos postérités, ce seront des enjeux futurs qui reconfigureront la planète avec les mêmes disparités meurtrières, à moins que
Le spleen et l’envie de s’encanailler, le chaos politique et l’appat du gain rapide, seront les ingrédients pour le lancement de ces laboratoires postmodernes d’un plaisir revu et corrigé.
Soyons vigilants aux humeurs du peuple, nous éviterons l’émergence et la dissémination de ces matrices à malheur. Pour ce qui est de ces semences de la discorde que le Rif essaime, il est certain que même si le Maroc n’a guère ménagé ses efforts dans la lutte antidrogue, l’enchevêtrement des causes et des enjeux a grandement amenuisé ses chances de pouvoir éradiquer à court terme ce fléau à sa source.(7)
En dépit de toutes les tentatives de Développement Humain initiées par Le Royaume chérifien ainsi que les différentes conventions ratifiées dans le cadre de la lutte contre la drogue, selon certaines sources et jusqu’à un passé récent, l’économie du cannabis constituait la principale source de revenus au Rif, susceptible de constituer même l’une des premières sources de devises du Maroc et de contribuer de façon massive à l’économie du pays. (8)
Dans la lutte contre la drogue, Le Maroc est actuellement membre du centre de coordination pour la lutte anti-drogue en Méditerranée (CeCLAD-M), participe également en qualité d’observateur avec Le Maritime Analysis and Operations Center for Narcotics (MAOC-N) Centre opérationnel d’analyse du renseignement maritime pour les stupéfiants.
Le gouvernement marocain se targue d’avoir accompli des progrès considérables en matière de lutte contre la drogue, en réduisant de manière importante la culture du cannabis.
Le département d’Etat US et l’ONDUC semblent relativement satisfaits de cette bonne volonté du royaume chérifien. Mais à voir autour de nous un monde qui continue à se disloquer sous l’effet du Cannabis, quel crédit peut-on aveuglément accorder à ces quitus ?
Le pavot des provinces afghanes contre les plus grandes puissances du monde
Le cas de l’Afghanistan est encore plus édifiant. Certaines similitudes avec le Maroc mais une situation sociale et politique truffée de tant de paradoxes à vous refiler des névroses. Des milliers de tonnes d’opium sont ponctuellement produites chaque année (entre 6 330 et 9308 tonnes) en 2009, soit plus de 90% de la production mondiale. La culture du pavot, dont le rapport est, en fonction des conjonctures, dix fois supérieur à celui du blé. Cette manne représente parfois plus de la moitié du produit national brut. La drogue est en Afghanistan un vecteur de développement et de reconstruction tant au niveau du secteur rural qui regroupe 70% de la population qu’à celui de l’économie globale. Néanmoins les ravages qu’elle sème à travers l’Asie et l’Union européenne sont incalculables. Ce ne sont pas les misérables cultivateurs de pavot qui en tirent les plus gros bénéfices mais une autre maffia composée de génies du crime.
Selon Viktor Ivanov, directeur du Service fédéral russe de contrôle des stupéfiants (FSKN). «L’année dernière, l’héroïne afghane a tué plus de 100.000 personnes dans le monde, ce qui dépasse le nombre des victimes de la bombe atomique larguée sur Hiroshima». Toutes les tentatives de la communauté internationale ( aides financières Programmes de cultures alternatives, interventions militaires) pour mettre fin à la culture du Pavot restent infructueuses.
Interrompre brutalement ce cycle vital de la narco économie afghane sans aucune transition économique viable à moyen terme, aurait des répercussions désastreuses sur l’économie rurale, le processus de reconstruction et le développement du pays, et cela bien que tout le monde soit conscient que cette prodigieuse manne financière repousse à jamais l’échéance de mettre en place une véritable politique de développement économique saine et durable. Ces narcodollars constituent également pour tous les partis belligérants du pays une source de financement à leur interminable guerre, alimentent la corruption et empêchent la pacification du pays.
Un véritable labyrinthe, tout le monde tourne en rond, impliqué dans cet immense bourbier de la drogue : seigneurs de guerre, talibans, milices pro-occidentales. Tout le monde utilise tout le monde et tout le monde utilise la drogue, qui pour financer sa guérilla, qui pour sa fortune personnelle ou sa carrière politique, ou tout simplement comme moyen de subsistance. Partout dans le monde, faiblesses des pouvoirs locaux, corruption, dissidences internes, et l’absence de clairvoyance dans les choix stratégiques dont a fait preuve jusqu’à maintenant la communauté internationale en tentant de neutraliser ces crises par la manipulation des uns et des autres n’a fait qu’accentuer d’avantage les divisions et alimenter les inimitiés. En dressant des unités ethniques ou politiques les unes contre les autres dans l’espoir de résoudre d’éventuels conflits ou pérenniser une chasse gardée, on n’a réussi à instaurer que des trêves éphémères. Ces méthodes ont à chaque fois prouvé leur inefficience, pire encore, c’est l’état de pourrissement qui s’y est développé à l’issue de ces expériences de pacification ou de vassalisation qui a entretenu les dictatures, les gouvernances chaotiques, l’extrême corruption des pouvoirs et un inéluctable sous-développement. Pouvait-on imaginer un jour que l’un des intégrismes les plus irréductibles de la planète se résigne à inclure une dose de pragmatisme dans sa dogmatique pétrifiée. Même les Talibans qui par le passé manifestaient une intransigeance impitoyable à l’égard de la drogue ont consenti à légaliser exceptionnellement la culture du pavot. Cette compromission stratégique visait à transformer en véritables jacqueries ces provinces afghanes dépendantes du commerce de l’Opium. Les Talibans y gagneraient de la sorte de précieux alliés dans leur guerre contre les forces occidentales. Mais une fois l’interdit consommé, pourquoi ne pas aller jusqu’au bout : Les subsides conséquents prélevés sur cette narco économie du diable allait permettre de financer la guerre sainte. Drôle d’époque ! Nécessité fait Loi «Likouli Dharourati- Ahkam»
L
‘Occident qui n’est pas habitué aux dilemmes de l’Orient aura des difficultés à s’extirper sans trop de dommages de ce cloaque, ballotant entre Charybde et Scylla : Lutter contre l’Intégrisme Afghan ou contre la Drogue Afghane au risque d’accentuer le paupérisme endémique des provinces et alimenter la chaîne de ressentiments et d’inimitiés. Lutter contre la misère ou contre la corruption. Par quoi commencer ? Faire en sorte que les G.I ne soient pas tués par les troupes afghanes ou empêcher ses propres chérubins de mourir par overdose chez soi. Comme type d’arme biologique, on ne peut pas inventer mieux. C’est ce qui se passe lorsqu’on décide de mettre au pas un Etat qui est composé de tribus dont la seule arme et richesse est d’être lunatique. Tel un effet boomerang, le fait d’avoir tantôt exploité, manipulé et asservi ces peuples, tantôt les avoir abandonnés à leur sous-développement, se retourne aujourd’hui contre tout le monde.
L’Afghanistan essaye aujourd’hui de diversifier ses activités avec le seul matériau dont il dispose, il vient de supplanter le Maroc dans la production de Cannabis. La nature étant très généreuse, elle permet aux Afghans d’obtenir un rendement de 145kg/ha de haschich contre 40kg/ha au Maroc. L’Afghanistan devient ainsi le premier leader mondial du Haschich.
Et on reproche aux Arabes de n’exporter que les hydrocarbures. A ce rythme là on verra bientôt la création d’une nouvelle OPEC : L’Organisation des Pays Exportateurs de Cannabis.
Et comme la Drogue ne fait pas bon ménage avec le Terrorisme et toute forme d’instabilité politique, les répercussions de ces connivences meurtrières à grande échelle s’internationalisent et déambulent à travers toute l’Asie et en Europe de l’Est, entraînant sur leur sillage d’autres calamités ; Affrontements armés, prostitution, exploitation d’êtres humains, immigration clandestine, trafic d’armes, contrebande, blanchiment d’argent Ce qui s’est passé en Amérique Latine, ce qui se passe au Maroc et ce qui vient de resurgir récemment en Afrique ne sont que des remakes pour lesquels nous sommes restés de marbre.
La boîte à Pandore du Sahel : Terrorisme et drogue latino africaine
La grande misère sociale qui lamine cette région du Sahel, corrélative à l’extrême instabilité politique chronique ont hélas tendance à reproduire en Afrique comme partout ailleurs les mêmes dérèglements sociaux et politiques constatés en Afghanistan. Ce magma d’aberrations sociales et politiques constitue en l’occurrence une très grande menace pour la sécurité du Maghreb et de l’Europe. Coincés dans notre misérable vie, affairée, pleutres et égoïstes, on n’est guère disposé à apercevoir et encore moins à s’émouvoir ou à se sentir interpellé par ce qui se passe autour de nous, par ce qui s’est passé ailleurs. Chaque fois qu’un drame, qu’une tragédie prend d’assaut une tranche de l’humanité, on a l’impression que c’est pour la première fois et probablement pour la dernière.
Il y a d’abord les mêmes événements qui se reproduisent dans le monde, en des époques différentes, des aires différentes et qui illustrent la puissance de ce mal, de ce type de cancer qui se métastase sans que personne n’y prenne garde et en face duquel nous sommes totalement impuissants. Il y a ensuite les litanies et le désarroi rébarbatif des pseudos thaumaturges en charge de l’éradiquer qui confirme pathétiquement nos faiblesses et notre étourderie impardonnables.
En 2001, un rapport de la Commission Européenne, mettait déjà l’accent sur l’impact cataclysmique généré par cette activité criminelle internationale. «Ce trafic passe par des pays déstabilisés par la guerre civile, le terrorisme ou les régimes totalitaires. Les trafiquants exploitent cette fragilité pour développer des tracés le long desquels ils sont rarement inquiétés. Par ailleurs, leurs activités aident certains gouvernements ou mouvements (nationalistes, religieux, etc.), qui utilisent les revenus de ce trafic pour financer tel ou tel conflit ou mouvement. Au-delà des drogues, ces routes sont, en outre, utilisées pour d’autres activités criminelles, comme le trafic d’êtres humains».(9)
Il faut noter que ce rapport à valeur constamment prémonitoire ne concernait pas la poudrière du Sahel (collusion Drogue-Terrorisme), car à cette époque les filières latino-américaines n’y avaient pas encore pignon sur rue. Néanmoins ces constats nous permettent quand même de relever les étonnantes analogies entre ces aires géographiques pourtant si éloignées les unes des autres(Asie Amérique-latine Afrique) mais qui sont le théâtre des narco économies les plus dangereuses.
En novembre 2005, lors d’un séminaire de formation encadré par des experts de L’ONDUC(Office des Nations Unies pour la Lutte contre la Drogue et le Crime) qui s’est tenu à Alger au profit du corps judiciaire, le représentant de l’ONDUC Bernard Leroy réaffirma que « Le pouvoir acquis ainsi par les trafiquants et le crime organisé ne cesse de croître dans de nombreuses régions de la planète, et des liens très inquiétants s’établissent entre drogue et terrorisme. Nous sommes donc en présence d’une menace contre la démocratie, une menace contre la jeunesse et la famille, une menace contre la société et une menace contre notre civilisation».(10)
Il est encore une fois inutile de préciser qu’en cette période, le danger du Sahel n’avait pas encore pointé son nez, seuls nos semblables d’ailleurs luttaient en silence et dans l’intimité contre ces calamités, en Amérique latine, en Afghanistan, en Asie A suivre
* Enseignant -Mostaganem
Notes :
(7) En matière de développement humain : Déjà en 1961 un premier projet , fut lancé sous l’égide de l’ONU et de la FAO Le Projet de Développement Economique et Rural du Rif Occidental (DERRO)- ce projet à objectifs multiples comme tous ceux qui lui succédèrent eurent des résultats mitigés. De nombreux projets de développement alternatifs ont été menés toujours dans le Rif . En 1980, par le FNULAD (prédécesseur de l’UNODC) et le PNUD. En 1994, par l’UE. La fatalité s’acharnant toujours sur les mêmes, à la suite du séisme qui toucha Al-Hoceima , le Monarque actuel promet d’intégrer dans le tissu économique national la Région du Nord en faisant d’elle un pôle de développement urbain et rural. En 2005, dans l’espoir de réaliser les objectifs du Millénaire pour Le développement selon les vœux des Nations Unies, le Roi lance l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH). Une énième tentative pour éradiquer ces disparités économiques et sociales entre régions. En matière de législation : Il faut citer les conventions des Nations unies sur les stupéfiants et les substances psychotropes ( 1961,1971,1988) ainsi que celle contre la Criminalité Transnationale organisée(2000.
-Le Rapport International sur la Stratégie de Contrôle des Stupéfiants au Maroc en 2008-Département US fait état de l’engagement du Maroc dans sa lutte contre la Drogue et ses corolaires
(8) Labrousse et Romero « Maroc : La production de cannabis dans le Rif » (2002) Drogues, trafic international, Observatoire français des Drogues et Toxicomanies (OFDT)N°13 février 2002
(9)Dans son Rapport en 2001, La Commission Européenne-Office de coopération europeaid, évoquait les deux principaux marchés que sont les Etats-Unis et l’Europe touchés par un trafic de drogue qui s’effectuait par différentes voies de pénétration. L’Union européenne qui est alimentée via la route de l’héroïne (Afghanistan, Iran, Asie centrale, Europe centrale et orientale, Caucase, Turquie, Balkans) et la route de la cocaïne, qui part d’Amérique latine et passe par les Caraïbes pour infester les Etats Unis.
* Le rôle du trafic de drogue
comme facteur d’instabilité est souligné par la Commission dans sa Communication sur la Prévention des conflits (COM (2001) 211 finals. (10) El-Watan- 15 novembre 2005 Salima Tlémcani- criminalité et drogue
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