Terrain de jeu

L’Afrique est violée dans sa souveraineté territoriale. Quelle que soit la cause. Un pilote de rallye Paris-Dakar égaré, des touristes aventuriers qui ne respectent pas les alertes, des humanitaires qui dissimulent parfois des espions. Pauvreté, sécheresse, sida, famine, analphabétisme, corruption, tribalisme, poubelle radioactive… l’Afrique a payé chèrement sa décolonisation. Et pour couronner ce bilan désastreux, elle redevient le terrain de jeu militaire des puissances occidentales. L’Afrique qui se réunit à Kampala a une oreille à Kidal. Dans le nord du Mali se déroule actuellement une opération antiterroriste d’envergure. Pour les plus optimistes, ce raid contre l’AQMI devrait déloger les terroristes salafistes du Sahel. Pour les plus réalistes, cette opération menée par la France, sous la couverture de l’armée mauritanienne, n’est qu’une tentative désespérée pour sauver un otage français. Les moyens déployés dans cette opération nous renseignent sur la valeur de la vie humaine quand il s’agit d’un Occidental. Ce raid, avec déploiement d’avions, de satellites et de troupes au sol, a dû coûter cher. Certainement beaucoup plus onéreux que d’envoyer des avions chargés de produits alimentaires au nord du Niger où des populations se meurent de famine à cause de la sécheresse depuis… cinq ans. Excessivement plus cher que de construire des hôpitaux ou des écoles dans le nord du Mali qui est devenu la zone grise la plus dangereuse après le Waziristan. L’Afrique est violée dans sa souveraineté territoriale. Quelle que soit la cause. Un pilote de rallye Paris-Dakar égaré, des touristes aventuriers qui ne respectent pas les alertes, des humanitaires qui dissimulent parfois des espions. L’Afrique paie la facture en se soumettant au nouveau diktat militaire occidental. Qu’il soit français, comme dans l’affaire Germaneau, ou américain, avec cette floraison de bases militaires de l’AFRICOM. À Kampala, les chefs d’État sont rattrapés par l’urgence du terrorisme et doivent y faire face sous la pression des Occidentaux qui veulent faire des États africains leurs boucliers sécuritaires. Mais est-ce réellement l’urgence pour l’Afrique quand on sait que le GSPC algérien dans le Sahel ou les Shebab en Somalie n’ont pas de mal à recruter de nouveaux adeptes? Des recrues qui fuient pour la plupart leur condition déshumanisée et qui choisissent souvent le terrorisme comme étant le plus grand employeur en devenir en Afrique. 
 Liberté, 25/7/2010
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