Par Aïssa Khelladi
La France a favorisé et accompagné une action de l’armée mauritanienne destinée à libérer un otage dont on annonce aujourd’hui l’exécution. C’est un échec. Un échec prévisible qui met en évidence l’incohérence de la politique française en la matière. En décidant de payer la rançon exigée par les ravisseurs d’un autre otage, il y a peu de temps, Sarkosy ignorait-il les conséquences de son geste, pourtant condamné implicitement par diverses instances internationales qui ont criminalisé le paiement des rançons ? Ces conséquences se résument à un véritable encouragement du terrorisme. La logique qui consiste à expliquer l’attitude française par des raisons humanitaires ne serait-elle plus applicable aujourd’hui ? Il semble bien que oui, d’où l’incohérence en question. En décidant cette fois-ci de recourir à la force pour libérer un otage, la France a brouillé toute lisibilité de sa politique. Les ravisseurs sauront-ils la prochaine fois, car il y aura forcément une prochaine fois, si la France refusera de payer pour faire libérer ses ressortissants ? Rien n’est moins sûr, d’autant que la tentative de libération, opérée via l’armée mauritanienne, s’est soldée par un échec total – et sous réserve de confirmation, par la mort de l’otage. Comme si cela ne suffisait pas, on apprend que Bernard Kouchner entreprend une tournée dans les pays du Sahel, comme pour susciter une mobilisation générale contre le terrorisme de la région. Une mobilisation générale, coordonnée par les Français, d’où serait exclue l’Algérie, principal pays de cette région. Alors que des efforts réels ont été entrepris, sous l’égide de cette dernière, pour mettre en œuvre des actions et des organisations communes réfléchies, et non pas improvisées comme c’est le cas avec la tournée de Kouchner, en vue d’endiguer à long terme la nuisance d’Aqmi et ses complices. Si l’on se fie à ce qui s’écrit dans une certaine presse proche de l’Elysée, il apparaît clairement que les préoccupations françaises visent moins à s’attaquer à un phénomène dangereux, dont les propres ressortissants de la France sont régulièrement les victimes, qu’à tenter de contenir une pseudo influence algérienne dans la région. Le terrorisme est présenté par cette presse comme un instrument manipulé par Alger et destiné à accroître son influence. Ainsi, les divergences avec Paris sur le plan économique, après s’être élargies à divers domaines (l’Histoire et la politique notamment), sont en train à présent de prendre des allures sécuritaires, voire géopolitiques. Si en France, on peut penser que l’Algérie n’est pas étrangère (d’une façon ou d’une autre) à la dernière prise d’otage du ressortissant français (comme une réponse du berger à la bergère, par suite à l’affaire Cayatte), et qu’elle décide d’agir selon cette logique, en marginalisant l’Algérie, pourquoi les Algériens, à leur tour, ne pourront-ils penser que la France n’est pas étrangère au dernier attentat kamikaze de Tizi Ouzou, par exemple ? Et où allons-nous avec tout cela ? Qu’en pensent les Américains ? Le mieux ne serait-il pas de cesser cette escalade ?
Les Débats, 27/7/2010
La France a favorisé et accompagné une action de l’armée mauritanienne destinée à libérer un otage dont on annonce aujourd’hui l’exécution. C’est un échec. Un échec prévisible qui met en évidence l’incohérence de la politique française en la matière. En décidant de payer la rançon exigée par les ravisseurs d’un autre otage, il y a peu de temps, Sarkosy ignorait-il les conséquences de son geste, pourtant condamné implicitement par diverses instances internationales qui ont criminalisé le paiement des rançons ? Ces conséquences se résument à un véritable encouragement du terrorisme. La logique qui consiste à expliquer l’attitude française par des raisons humanitaires ne serait-elle plus applicable aujourd’hui ? Il semble bien que oui, d’où l’incohérence en question. En décidant cette fois-ci de recourir à la force pour libérer un otage, la France a brouillé toute lisibilité de sa politique. Les ravisseurs sauront-ils la prochaine fois, car il y aura forcément une prochaine fois, si la France refusera de payer pour faire libérer ses ressortissants ? Rien n’est moins sûr, d’autant que la tentative de libération, opérée via l’armée mauritanienne, s’est soldée par un échec total – et sous réserve de confirmation, par la mort de l’otage. Comme si cela ne suffisait pas, on apprend que Bernard Kouchner entreprend une tournée dans les pays du Sahel, comme pour susciter une mobilisation générale contre le terrorisme de la région. Une mobilisation générale, coordonnée par les Français, d’où serait exclue l’Algérie, principal pays de cette région. Alors que des efforts réels ont été entrepris, sous l’égide de cette dernière, pour mettre en œuvre des actions et des organisations communes réfléchies, et non pas improvisées comme c’est le cas avec la tournée de Kouchner, en vue d’endiguer à long terme la nuisance d’Aqmi et ses complices. Si l’on se fie à ce qui s’écrit dans une certaine presse proche de l’Elysée, il apparaît clairement que les préoccupations françaises visent moins à s’attaquer à un phénomène dangereux, dont les propres ressortissants de la France sont régulièrement les victimes, qu’à tenter de contenir une pseudo influence algérienne dans la région. Le terrorisme est présenté par cette presse comme un instrument manipulé par Alger et destiné à accroître son influence. Ainsi, les divergences avec Paris sur le plan économique, après s’être élargies à divers domaines (l’Histoire et la politique notamment), sont en train à présent de prendre des allures sécuritaires, voire géopolitiques. Si en France, on peut penser que l’Algérie n’est pas étrangère (d’une façon ou d’une autre) à la dernière prise d’otage du ressortissant français (comme une réponse du berger à la bergère, par suite à l’affaire Cayatte), et qu’elle décide d’agir selon cette logique, en marginalisant l’Algérie, pourquoi les Algériens, à leur tour, ne pourront-ils penser que la France n’est pas étrangère au dernier attentat kamikaze de Tizi Ouzou, par exemple ? Et où allons-nous avec tout cela ? Qu’en pensent les Américains ? Le mieux ne serait-il pas de cesser cette escalade ?
Les Débats, 27/7/2010
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