Entre les deux «T»

Le monde Occidentale cherche toujours à occulter les vrais problèmes en cultivant l’amalgame entre Islam et terrorisme. Pour notre part, nous poserons la question des deux « T ». Qui est Tolérant et qui est Terroriste ? Un peu d’histoire suffit à prouver que c’est ce monde « Occidental » qui a créé le Terrorisme et combattu la Tolérance. Du fait des luttes politiques contemporaines, particulièrement au Moyen-Orient, la civilisation musulmane est souvent dépeinte comme étant fondamentalement intolérante et hostile à la liberté individuelle. Mais autant pour l’Islam que pour les autres traditions, la diversité et la variété qui existent à l’intérieur d’un mode de pensée sont à prendre en considération. L’histoire témoigne que les empereurs turcs étaient souvent plus tolérants que leurs contemporains européens. Les empereurs mongols en Inde, à une exception près, n’étaient pas seulement extrêmement tolérants en pratique, mais certains ont même théorisé la nécessité de tolérer la diversité. En Inde, les déclarations d’Akbar, le grand empereur mongol du 16e siècle au sujet de la tolérance pourraient compter parmi les grandes déclarations politiques classiques et auraient dû recevoir davantage d’attention en Occident, si seulement les historiens occidentaux de la politique avaient conçu autant d’intérêt pour la pensée orientale que pour leur propre héritage intellectuel. A titre comparatif, il est à remarquer que l’inquisition faisait encore des ravages en Europe lorsque Akbar en faisait une politique d’Etat que de protéger tous les groupes religieux. Un érudit juif tel que Maïmonide a dû fuir l’Europe intolérante du 12e siècle et les persécutions contre les juifs pour la sécurité offerte au Caire sous la protection du sultan Salah Eddine. Al Birouni, mathématicien iranien qui a écrit le premier livre de savoir général sur l’Inde au début du 11e siècle, en plus d’avoir traduit des traités mathématiques indiens en arabe, fut l’un des premiers anthropologues du monde. Il remarqua et s’indigna du fait que « la dépréciation de l’étranger est un trait commun à toutes les nations ». Ainsi, les soi-disant « valeurs occidentales de liberté et de libération », parfois considérées comme le legs exclusif de l’Occident antique, ne sont ni particulièrement anciennes, ni d’origine exclusivement occidentale. Bon nombre de ces valeurs n’ont atteint leur forme définitive qu’au cours des derniers siècles. Bien que l’on puisse en retrouver quelques éléments annonciateurs dans certains aspects de la tradition occidentale, on en trouve également au sein des traditions non-occidentales. La nécessité de reconnaître la diversité surtout s’impose non seulement entre les nations et les cultures, mais aussi au sein même de chaque nation et de chaque culture. Les concepts de « nation » et de « culture » ne sont pas spécialement de bonnes unités de mesure pour comprendre et analyser les différences politiques et intellectuelles. Les lignes de front entre « pour et contre » ne correspondent pas aux frontières nationales; elles s’entrecroisent à différents niveaux. La rhétorique des cultures, où chaque culture est analysée globalement et décrite en termes trop généralistes peut en effet nous égarer gravement aussi bien politiquement qu’intellectuellement. Rien qu’un bref coup d’?il historique pour s’en apercevoir. C. A.
La Nouvelle République, 7/8/2010
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