Palais royal et fuite en avant : Faut-il réagir aux provocations marocaines ?

Cette campagne viserait plusieurs objectifs s’il en est : d’abord mobiliser contre l’ennemi extérieur – en l’occurrence le voisin algérien – et détourner l’opinion autant que faire se peut de ses problèmes intérieurs: c’est classique, et ça marche parfois.
Traumatisées par l’affaire Aminatou Haider, cette militante sahraouie dont la grève de la faim a suscité une émotion internationale et fait reculer le royaume chérifien, révélant ainsi sa vraie nature de régime peu enclin à respecter les droits de l’Homme les plus élémentaires, les officines marocaines ont imaginé un scénario où tout se passerait sur le mode inverse.

Un dissident du Polisario, réfugié au Maroc, qui retournerait dans les camps des réfugiés sahraouis pour s’y faire arrêter. De là, se déclencherait une campagne médiatique tambour battant à la fois contre le Polisario et contre l’Algérie pour «non-respect des droits de l’Homme» ! Cette campagne viserait plusieurs objectifs s’il en est : d’abord mobiliser contre l’ennemi extérieur – en l’occurrence le voisin algérien – et détourner l’opinion autant que faire se peut de ses problèmes intérieurs : c’est classique, et ça marche parfois. Ensuite, tenter de faire apparaître l’Algérie comme une partie impliquée dans le conflit et sortir ainsi du face à face, à la longue mortel, avec le Polisario qui induit clairement l’idée qu’il s’agit là d’un problème d’occupation d’un pays par un autre. C’est-à-dire dénaturer le problème central qui est l’annexion d’un territoire étranger et le transformer en un conflit d’intérêt avec le voisin algérien.

Tout cela pour faire accréditer la solution dite «d’autonomie élargie» – solution stupide parce qu’elle fait l’aveu explicite que les Sahraouis ne sont pas Marocains – et priver ainsi un peuple du droit à son autodétermination. Enfin, espérer affaiblir la position d’Alger à un moment où celle-ci est confrontée à des questions géopolitiques compliquées sur le Sahel. On vise plusieurs lièvres d’un coup, au palais royal, et on se dit, l’air tout à fait inspiré, que c’est bien le diable si on n’attrape rien.

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Cela fait plus d’un mois que cette campagne a été lancée, mobilisant la totalité des relais dont dispose le Makhzen. Aussi bien le gouvernement lui-même, que la presse nationale ou les associations les plus diverses, dont notamment celles des Droits de l’Homme dont on sait qu’ils sont exemplaires dans la région, etc.

Cela, il faut ajouter les relais des think tanks acquis au Maroc – vous savez, ces universitaires et autres chercheurs qui expliquent doctement partout que sans l’ouverture des frontières nous allons droit dans le mur – les lobbies plus ou moins liés à Tel Aviv, les politiciens étrangers actionnaires dans les juteux réseaux touristiques du pays, comme ces sénateurs français qui dissimulent leurs intérêts derrière les organisations d’amitié avec le royaume, et des médias qui ne portent traditionnellement pas l’Algérie dans leur cœur, Al Jazeera ou Jeune Afrique en tête.

Malgré tout cela, cette campagne médiatique ne donnait rien au plan international. On avait tout au plus le sentiment d’une fièvre marocaine incompréhensible. Même Alger ne jugeait pas utile d’en faire cas. Rarement, nos dirigeants si prompts à prendre la mouche, n’ont été si passifs. C’est que l’objet de la campagne n’était pas fondé, voilà tout.

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Le cas du dissident du Polisario n’avait rien à voir avec celui de Aminatou Haider. Ensuite, qui pouvait croire à la fable d’un royaume donnant des leçons de démocratie et de liberté à son voisin algérien et au peuple dont il occupe le territoire et dont il nie le droit à l’autodétermination ? Personne naturellement. La campagne médiatique marocaine était vouée à l’échec par ses prétentions excessives.

En voulant tout à la fois dénigrer les autres et présenter leurs gouvernants comme des modèles, les Marocains ont manqué de mesure et discrédité une argumentation, déjà bien faible au départ. Mais, dupes et victimes de leurs propres discours, ils sont les derniers à le comprendre. Auto-intoxication, nous y sommes…

Car dans ce cas, il y a nécessairement un problème, celui de la fuite en avant. Nous voyons le délire s’aggraver et la campagne commencer à se transformer en provocations. Des citoyens marocains, manipulés ou pas, se sont rendus à la frontière algérienne pour y déverser des flots d’insultes contre un ennemi imaginaire. D’autres ont organisé des rassemblements devant une ambassade d’Algérie.

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Bouteflika est interpellé dans des lettres ouvertes par des ONG marocaines. Ce sont là, avec d’autres, des actes clairement hostiles auxquels il n’a pas été jugé utile de répondre pour l’instant.

Prier de commenter ces provocations, Medelci, le ministre des affaires étrangères, a réaffirmé la «sérénité» de son gouvernement tout en imputant ces dérapages à des parties non forcément officielles du voisin. D’ailleurs, ajoute-t-il, il a été observé que des manifestations similaires avaient eu lieu la veille de chaque round de négociations avec le Polisario.

Naturellement, le Makhzen est libre d’agir comme il l’entend, dans son propre pays. Il n’est pas question ici de s’étonner outre mesure d’une campagne aussi vaine que maladroite. Il s’agit seulement de rappeler qu’il existe des règles de bon voisinage qu’il faut respecter.

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Le soutien de l’Algérie à l’autodétermination du peuple sahraoui n’est pas un soutien de circonstances dirigé contre le Maroc, pour des enjeux inavouables, mais un principe universel de son histoire et de sa politique. Si le royaume est soucieux du respect des droits de l’Homme, comme il le prétend, pourquoi ne respecte-t-il pas ceux d’une population dont il dit qu’elle est marocaine et retenue, malgré elle, en otage à Tindouf par les Algériens ? Pourquoi ne prend-il pas conscience que le monde entier le condamne, y compris ses meilleurs amis qui ne le soutiennent que par omission et silence – quand ce n’est pas intrigues, calculs étatiques et jeux d’influences malsains ? Enfin, peut-on imaginer attitude plus absurde que celle qui consiste à imputer à l’Algérie le pouvoir de menacer l’intégrité territoriale du Maroc et de bloquer la solution d’un conflit qui dure depuis si longtemps ?

Nous avons parlé de «fuite en avant», il est donc inutile d’argumenter par la logique. Nous sommes dans l’irrationalité d’un pays qui se prend pour Israël, vis-à-vis de ses voisins, et dont le gouvernement pense qu’il peut recourir aux mêmes méthodes, par la force et la ruse, pour perpétuer une situation de non-droit – c’est à voir. La campagne médiatique en question, si elle a jamais «existé» ailleurs qu’au Maroc, s’essouffle déjà.

Et si des «parties» comme dit Medelci, veulent la prolonger par la multiplication de provocations contre l’Algérie, et autres actes d’hostilité manifeste, elles y ont plus à perdre qu’à gagner.

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Ce serait une erreur des plus graves pour le Maroc que de pousser le Polisario à reprendre les armes – et tout à fait grave de considérer qu’il n’en est pas capable ou de compter sur l’Algérie pour l’en empêcher. Personne d’autre que lui-même n’a mis le royaume voisin dans la situation où il se trouve aujourd’hui. Personne d’autre que lui-même ne l’en sortira
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Par Aïssa Khelladi

Les Débats, 23/10/2010
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