Pierre Galland : la conférence de l’EUCOCO se tient à un «moment particulier»

La conférence européenne de coordination du soutien au peuple sahraoui (EUCOCO) se tient à un “moment particulier”, où les populations sahraouies, excédées par les conditions qui leur sont imposées, ont pris l’initiative de vider les villes et installer des campements loin dans le désert (dans les territoires occupés du Sahara Occidental, ndds), a souligné hier M. Pierre Galland, président de l’EUCOCO. Cette initiative pacifique est d’autant plus remarquable, a-t-il dit, dans un entretien, qu’elle fait tâche d’huile et d’autres villes suivent l’exemple d’El-Ayoun pour fuir la répression marocaine.
L’autre aspect gravité de la situation vécue par le peuple sahraoui, c’est que voilà des années que “nous plaidons pour que la Minurso prenne ses responsabilités devant la répression féroce imposée au peuple sahraoui, or elle vient de se voir interdire l’accès des campements de réfugiés”. De plus, a-t-il ajouté, l’expression pacifique du peuple sahraoui qu’on entendait peu, éclate aujourd’hui aux yeux de la communauté internationale qui est interpellée et “il faut être aveugle et sourd pour ne pas vouloir comprendre le message de ce peuple dans son désir de mettre fin à la dégradation de sa situation politique, économique et sociale”.
Ce qui est grave, a-t-il ajouté, “c’est que dans le même temps, on voit des gens continuer à se rendre, dans ces territoires, à l’appel des Marocains, pour constater de visu tout ce que le Maroc fait de +beau+ et vous avez des gens qui se laissent appâter et qui reviennent, comme ces sénateurs français, en disant que ce qu’ils ont vu là-bas est merveilleux et qu’ils n’ont pas vu de Sahraouis qui plaidaient la cause de l’indépendance”. “En effet si on vous ne les montre pas, si vous n’allez pas voir qu’ils sont sous oppression, détenus dans des prisons, que vous ne vous rendez pas dans ces lieux de détention et que vous faite semblant de ne rien entendre alors vous pouvez toujours dire je peux témoigner sur tout ce qui est beau là-bas”, a-t-il dit.
“Notre objectif, a ajouté M. Galland  est donc de faire appel à la communauté internationale, en particulier au secrétaire général de l’Onu, au Conseil de sécurité mais aussi à l’Union européenne qui, dans ses accords avec le Maroc, où la question des droits de l’homme est centrale, doit prendre acte de ce qui est en train de se passer dans les territoires”. Et tout cela, a-t-il poursuivi, “au moment même où l’Union européenne doit renégocier ses accords de pêche avec le Maroc, accord fait sur le dos des Sahraouis, puisque l’Europe tolère que les pécheurs marocains et étrangers aillent sur les côtes sahraouies pour pêcher sans que les Sahraouis n’en bénéficient nullement”. “Il est c’est clair que nous sommes dans un contexte difficile, mais j’estime que ce peuple est d’un courage exceptionnel et mène son combat avec détermination et rappelle sans arrêt à la communauté internationale quelles sont ses responsabilités”, a estimé M. Galland.        
Evoquant le nombre de participants à cette conférence, il rappellera qu’ils sont plus de 400 personnes à y prendre part, venant d’Amérique latine d’Asie, d’Afrique et d’Australie et qu’il est très intéressant d’assister à l’élargissement de la solidarité internationale autour du peuple sahraoui. De son point de vue, c’est un signe que dans les opinions publiques aujourd’hui, il y a une “conscience réelle”. “Quand les associations se mettent en route et révèlent ce qui se passent, les ONG relayent ces préoccupations, je crois que les Sahraouis ont toutes les raisons d’être déterminés”, a-t-il ajouté. Rappelons-nous, a-t-il dit, combien il a fallu de temps pour mettre fin à l’apartheid et la situation des Palestiniens aujourd’hui n’est pas meilleure”.
Pour M. Galland, le courage des peuples est “déterminant” pour maintenir cette conception du vivre ensemble, qui doit être fondée sur le respect du droit international, l’Onu étant là pour encadrer ce droit. “Mais si à l’intérieur du Conseil de sécurité, vous n’avez pas toujours la majorité nécessaire, c’est à nous les peuples de continuer à leur rappeler ces réalités qu’il est de notre devoir de corriger”, a-t-il souligné. Sur le manque d’intérêt des médias sur la question sahraouie, il relève que la cause sahraouie est devenue une “cause largement oubliée”, car les médias aujourd’hui préfèrent, de son point de vue, aller vers l’événementiel. “Il  fallut 9 morts pour qu’on parle de la flottille partie briser le blocus imposé à la population de Ghaza”, a-t-il rappelé. “9 morts ont été le prix payé par ces jeunes pacifistes turcs pour qu’on parle de la question palestinienne. Et vous n’avez qu’à le constater, ils sont morts et que témoigne-t-on sur de Ghaza aujourd’hui”, s’est-il interrogé. “Le blocus est toujours là, les Palestiniens sont toujours pris dans un enfermement total”, a déploré M. Galland qui considère que “si aujourd’hui, les conflits ne sont pas couverts par les médias, c’est que beaucoup d’entre-deux, manquent de moyens financiers et préfèrent traiter avec ceux qui leur payent des voyages”.
“Aujourd’hui, vous pouvez vous rendre en Afghanistan ou en Irak, protégés par les armées occidentales. Vous allez avec l’armée française, américaine, vous les accompagnez et vous rapportez ce qu’ils veulent bien vous montrer”. Le président de l’EUCOCO a estimé qu’un appel “doit effectivement être lancé” à la presse qui “doit comprendre aussi que son rôle est de défendre les valeurs universelles”. “Je crains cependant que les moyens mis à la disposition des médias sont aujourd’hui en cause”, dans le désintérêt qu’ils manifestent devant les conflits. “De nos jours, a souligné M. Galland, les gens en Europe ne payent plus leur journal et il existe des journaux gratuits payés par les publicités ou des multinationales et qui communiquent dans le sens de ce que leur bailleurs de fonds les autorise à dire ou pas”. “Nous sommes donc là devant un conflit de conception de ce qu’est l’information et de ce que les grands médias publient ou pas”, a conclu M. Galland qui estime que “pour être un grand journaliste, il faut être doté d’un certain courage et il qu’il n’y a qu’à faire le décompte du nombre de journalistes enlevés ou détenus, pour confirmer ce constat”. “Exercer ce métier, c’est voir les risques accrus par rapport au passé, il faut le reconnaître”, a-t-il enfin admis.
Le Citoyen, 30/10/2010
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