Par Hamid Fekhart
Un attentat à deux nouveautés qui, les deux, donnent froid dans le dos : à Tamanrasset qui n’a jamais connu ce genre de barbarie même durant la décennie noire et, pis encore, revendiqué par un groupe terroriste étranger.
Il s’agit d’un attentat à la voiture piégée perpétré hier contre le groupement de Gendarmerie nationale qui a fait 23 blessés, selon ce même corps qui a rapporté que la déflagration a causé des blessures à 15 gendarmes en poste, 5 éléments de la Protection civile et à 3 citoyens qui étaient de passage.
Cet immonde attentat, le premier commis dans la ville de Tamanrasset, a été perpétré à 7h45 par un terroriste à bord d’un véhicule tout terrain de marque ” Toyota Station ” qui a ciblé l’entrée principale du groupement de la GN, a-t-on encore précisé. Toutes les victimes ont été évacuées vers l’hôpital de la ville de Tamanrasset et leur situation est hors de danger, à l’exception d’un gendarme gardé sous observation médicale, rassure la Gendarmerie nationale. L’explosion a causé d’importants dégâts au bâtiment situé sur l’artère principale de la ville et aux constructions et habitations voisines dont des vitres ont volé en éclats et des façades ont été lézardées. Le bilan aurait pu être plus lourd si la Toyota Station, n’avait pas été stoppée au milieu de la cour de la brigade.
Les appréhensions d’Alger se confirment. Ce qui donne encore plus froid dans le dos est le fait que cet acte barbare soit signé par une organisation terroriste étrangère. En effet, dans la même journée d’hier, le ”Mouvement Unicité et Jihad en Afrique de l’Ouest” (Mujao) l’a revendiqué, dans un message rendu public par l’AFP (Agence française de presse).
“Nous vous informons que nous sommes à l’origine de l’explosion, ce matin, à Tamanrasset dans le sud de l’Algérie”, a indiqué le ”Mujao”, un groupe islamiste apparu en 2011 et qui prône le djihad en Afrique de l’Ouest, dans son message. A en croire des experts, cette organisation terroriste, qui, le 12 décembre 2011, avait rendu publique une vidéo montrant des hommes armés encadrant deux femmes, une Italienne et une Espagnole, ainsi qu’un Espagnol, enlevés le 23 octobre dans la région de Tindouf, serait une dissidence d’Aqmi dirigée par des Maliens et des Mauritaniens.
Dans une autre vidéo visionnée en décembre 2011 à Bamako, six membres du ”Mujao” enturbannés, dont la plupart ont la peau noire, ont exposé leur idéologie, se référant à Oussama Ben Laden, chef d’Al-Qaïda, et à des figures historiques de l’islam en Afrique de l’Ouest subsaharienne… Cette revendication aussi surprenante qu’inattendue, vient donc affirmer les appréhensions d’Alger quant à une propagation du terrorisme international dans la région du Sahel, concrétisée par une alliance “diabolique” entre la nébuleuse Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), et les groupuscules islamistes activant sur le sol africain. Ce qui a mené d’ailleurs les autorités algériennes à défendre une stratégie commune dans la lutte antiterroriste notamment au lendemain du “printemps arabe” qui a soufflé la flamme de l’idéologie de la “guerre sainte”.
La “révolution” libyenne n’est pas elle aussi innocente. En effet, le conflit libyen, qui dure encore, a permis aux terroristes activant dans la région, de s’approvisionner en armes, après une longue agonie.
Un Mali faible et une Libye désengagée. Disons-le encore. Cet attentat, distingué et par le lieu et par les signataires, marque probablement un tournant dans le parcours du terrorisme au sahel. La lutte y afférente devrait, elle aussi faire objet de réajustement, ce qu’Alger, forte de son expérience en la matière, n’a de cesse de plaider. Mais peut-on créer une stratégie basée sur la coopération avec un Mali, considéré comme le maillon faible dans la lutte antiterroriste, et une Libye complètement désengagée ?
Pas si facile ! En effet, pourchassée par le monde entier, l’Aqmi trouve, au grand dam des Etats et des citoyens, refuge au Mali, un pays qu’on taxe d’ailleurs de “mauvaise foi”. A cela
s’ajoute, le CNT qui, très mal dans son propre pays et souffrant d’un manque de légitimité flagrant, menace de couper jusqu’ aux relations diplomatiques avec Alger ! Mais le terrorisme l’a largement prouvé : il ne connaît pas frontières.
Les Débats, 4/3/2012
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