par Kharroubi Habib
L’élection présidentielle que vient de remporter Vladimir Poutine en Russie a été, semble-t-il, émaillée d’irrégularités selon l’opposition russe dont les accusations ont été cautionnées par des observateurs étrangers ayant pris part à l’opération de contrôle du scrutin. Bien entendu, l’opposition russe dénonce la validité des résultats de cette élection présidentielle. Faut-il pour autant en conclure que Poutine n’a gagné que parce que ses partisans ont fraudé ? C’est aller trop vite en besogne et oublier que tous les sondages effectués en Russie autour de cette élection présidentielle ont annoncé la victoire inéluctable du candidat Poutine.
Il est vrai qu’après le mouvement de protestation citoyenne initié en Russie contre la fraude ayant entaché les élections législatives, la cote de popularité de Vladimir Poutine s’est sérieusement tassée. Pas au point cependant de donner corps à l’éventualité de sa défaite à l’élection présidentielle. Ce que d’ailleurs l’opposition ne s’est pas aventurée à prédire. Poutine n’avait pas besoin de frauder les urnes pour gagner. Présenter sa victoire comme résultat d’une fraude généralisée est l’argument réducteur sur lequel s’appuie l’opposition russe pour ne pas s’expliquer sur les autres raisons qui ont été la cause de sa déconfiture face à Poutine.
En Occident, Poutine n’a pas bonne presse. Pas seulement pour son penchant autocratique. On le présente comme un nostalgique de l’ex-URSS. Une nostalgie qui lui aurait fait opter pour des relations avec l’Occident qui, selon certains «experts» de ce camp, fleurent le temps de «la guerre froide». Ce retour à un passé décrié que lui imputent ces «experts», en est-il vraiment seul responsable ? Depuis la chute du mur de Berlin et l’effondrement du camp de l’Est, l’arrogance occidentale à l’égard de la Russie à qui toute ambition d’être considérée comme grande puissance a été déniée, s’est manifestée de façon humiliante pour le nationalisme russe. Poutine a construit sa popularité en flattant le patriotisme de la Russie profonde. Et cela en s’opposant à toutes les initiatives occidentales convergeant vers l’isolement de la Russie.
Le retour à la «guerre froide» dans les rapports russo-occidentaux est le fait de l’Amérique et de l’Europe au travers d’une politique de «containment» de l’Etat russe. Un simple regard sur la mappemonde le confirme au vu des implantations de forces militaires occidentales dans des zones qui étaient autrefois sous contrôle de l’ex-URSS et que la Russie continue à considérer comme appartenant à son aire d’influence. Ce n’est pas pour ses penchants autocratiques que Vladimir Poutine n’est pas en bonne odeur en Occident. Cependant l’inénarrable Boris Eltsine en a été pourvu à un degré plus haut, qui lui a été toléré parce qu’il ne s’est pas avisé de faire une politique étrangère visant à réhabiliter la Russie dans son rang de grande puissance au poids devant compter dans les affaires internationales.
Le parti pris occidental contre Vladimir Poutine trouve son origine pour l’essentiel dans le fait qu’à l’occasion de crises internationales cruciales, le nouveau président russe a démarqué son pays des démarches occidentales et fait ainsi constater que les années d’arrogance envers la Russie sont terminées et qu’il faut par conséquent compter avec elle. Face à cette réalité, les Occidentaux s’accrochent à l’espoir d’un mouvement de contestation anti-Poutine en Russie s’inspirant des révoltes du «Printemps arabe», quitte à donner le coup de pouce qu’il faut à ses initiateurs. Pas sûr cependant que le citoyen russe simple se laisse embarquer dans l’aventure.
Le Quotidien d’Oran, 5/3/2012