Par Hakim Merabet
“La Constitution a été réformée en profondeur, des élections transparentes se sont déroulées, un nouveau gouvernement s’est mis au travail (….) .Tout cela se fait de manière apaisée. Pour tout dire, j’ai de l’admiration devant ce modèle marocain”. Ce n’est pas une déclaration d’amour, mais çà y ressemble fort…
Le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, a multiplié de superlatifs pour décrire un Maroc de rêve dans un entretient qu’il a accordé aujourd’hui à l’agence MAP, à la veille de sa visite officielle dans le royaume. Le patron du Quai d’Orsay s’est longuement extasié du “modèle marocain” des réformes politique et dit toute son “admiration” face aux “progrès” réalisés grâce à la “bonne” gouvernance de sa majesté.
En lisant, le chapelet de louanges tressé par Alain Juppé on ne peut s’empêcher de penser au livre décapant du duo Jean Pierre Tuquoi et Ali Jemmai (Paris Marrakech) qui a mis en lumière les rapports charnels entre la France et son ex protectorat. On y apprend avec force détails comment les hommes politiques français et les hommes d’affaires ont fait main basse sur le royaume en y mêlant sexe, pots-de-vins, commissions et réseaux maffieux.
La France avocate du Maroc auprès de l’U.E.
Un constat qui vient d’être fait plus en détail dans un autre livre explosif publié sous le titre évocateur ” Le Roi prédateur ” qui décrit comment M6 a mis l’économie de son pays dans sa poche et est devenu le 6ème souverain le plus riche au monde…à la tête d’un royaume pauvre.
Alain Juppé avait alors à cœur de corriger cette image peu glorieuse dépeinte par ses compatriotes journalistes qui ont commis un crime de lèse majesté, au propre comme au figuré. L’entretien qu’il a accordé à la très officielle MAP est en l’espèce un florilège de belles formules et de panégyriques à l’endroit d’un pays qui est loin de ressembler à celui décrit dans les livres. Une façon d’encourager le jeune roi et sa cour à continuer à suivre la conduite à tenir dictée par Paris moyennant un soutien diplomatique à toute épreuve.
Alain Juppé a, de ce côté, déroulé le tapis rouge au Maroc au sein de l’U.E. “C’est avec le Maroc que l’UE a signé un de ses plus anciens accords d’association. C’est le Maroc qui, à ce jour, est le seul pays à bénéficier d’un statut avancé parmi les partenaires méditerranéens de l’UE”, a-t-il expliqué. La France, a-t-il assuré, est prête à servir d’avocat du Maroc. “Nous avons proposé et obtenu en octobre dernier qu’un accord de libre-échange complet et approfondi puisse être négocié entre l’UE et le Maroc dès cette année et un mandat a été donné à la Commission européenne. C’est pour nous un élément primordial ” s’est-il félicité.
Mieux, Juppé a titillé opportunément la fibre royale en réitérant le soutien indéfectible de la France au fameux plan d’autonomie, signant ainsi son allégeance au royaume.
Le Sahara, un appui sans réserve au plan de sa majesté
“Nous pensons toujours que le plan d’autonomie marocain, qui est aujourd’hui la seule proposition réaliste sur la table, constitue la base sérieuse et crédible d’une solution”, a en effet déclaré Juppé. Il a ajouté énigmatique que “cette question continue à être traitée dans le cadre des Nations Unies et qu’elle ne sera pas un obstacle dans le processus de rapprochement entre le Maroc et l’Algérie”. Cela comme si la France soutenait le processus onusien qui prévoit l’application de la légalité internationale…
Au plan régional et international, le chef du Quai d’Orsay souhaite que le Maroc ait plus de ” poids”. “Je souhaite que le Maroc joue un rôle essentiel dans toutes les initiatives régionales et multilatérales sur la sécurité au Sahel et partage son expertise dans la lutte contre le terrorisme qui menace la région saharo-sahélienne”. Paris ne cesse en effet de faire du lobbying pour “placer” le Maroc dans les mécanismes de coordination de la lutte contre AQMI au Sahel.
Sans succès pour l’instant en raison de l’intransigeance d’Alger d’accueillir un pays qui n’a rien à voire avec le Sahel. Il est aisé de comprendre que la France vise à travers la présence du Maroc dans les mécanismes de lutte contre le terrorisme au Sahel à s’informer en temps réel et bousculer le poids de l’Algérie pour s’assurer un contrôle de la sous-région.
Algérie-plus, 07/03/2012