Khadidjatou, aujourd’hui mère de trois enfants, a du mal à retenir le flot de paroles qui se déverse de manière ininterrompue pour se mêler à ses larmes.
Un sentiment de colère semble empoigner avec lancinance son cœur. Sa sœur Zeina, son aînée de cinq ans, tente de l’apaiser. Elle avait huit ans au moment de la triple exécution et a, de ce fait, meilleure souvenance de ce père tant «aimé» et «attendu». «Je me rappelle ses traits du visage, sa gentillesse, sa bonté et ce que vaguement disaient mes aînés au sujet de l’éducation qu’il nous inculquait. Retrouver les traces de nos proches et connaître les circonstances de leur disparition sont primordiaux pour nous afin de pouvoir enfin faire notre deuil», observe Zeina.
Elle explique que ce sont sa sœur et son frère aînés qui ont reconnu le père et le frère, grâce notamment aux objets retrouvés sur les ossements et que l’enfouissement sous terre a permis de préserver de la totale disparition.
«Mon père portait toujours sur lui, un chapelet, une montre et un peigne. Sa carte d’identité espagnole a également été retrouvée et son contenu était lisible», précise Zeina. Retenant mieux ses larmes, sa colère n’en est que plus sourde. Elle donne libre cours à ses ressentiments. «J’ai longtemps rêvé de ce jour où l’on pourra enfin connaître la vérité. Je ne pardonnerai jamais aux Marocains qui nous ont fait la guerre et pour toutes les souffrances vécues toutes ces années. Notre famille a été dispersée et nous n’avons jamais pu retrouver la paix intérieure en l’absence des nôtres», précise-t-elle.
Lorsque les conséquences de cette absence inexpliquée de leurs proches sur la santé mentale de leur mère a été relatée par Zeina, ni celle-ci ni Khadidjatou n’ont pu retenir une vive émotion. «Notre mère, enceinte de notre dernière sœur, en a été traumatisée.
Elle a traîné jusqu’à sa mort, il y a deux ans, une dépression nerveuse qui l’a rendue incapable de continuer à nous élever et à s’occuper de nous», explique Zeina qui s’est substituée à sa mère pour l’éducation de la cadette de la famille.
C’est le jeudi 21 novembre que la famille Salma Daf a été conviée par l’Association des familles des prisonniers et disparus sahraouis (AFAPREDESA) ainsi que les proches des autres victimes retrouvées dans les mêmes fosses, pour se voir remettre les ossements des leurs.
Un moment d’une forte charge émotionnelle qui renvoie à l’une des plus sombres pages de l’épisode de l’invasion du territoire du Sahara occidental par le Maroc.
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