Sans le soutien de la France et des Etats-Unis d’Amérique, le Maroc n’aurait jamais osé envahir l’ancienne colonie espagnole du Sahara Occidental. Pour attirer ce soutien, Rabat avait rendu beaucoup de services dans le contexte de la Guerre Froide. Avec la fin de celle-ci, la “menace terroriste” était le meilleur alibi devant le Maroc pour donner une continuation aux services rendus à ses amis et pouvoir exiger un soutien dans le conflit du Sahara Occidenal.
Le plan Baker, soutenu par Washington, a convaincu les marocains que les USA sont prêts à défendre une solution basée sur la légalité internationale dans le conflit qui oppose, depuis plus de trois décennies, marocains et sahraouis. Depuis, le Maroc cherche à tout prix à convaincre ses amis américains de son efficacité dans la lutte contre le phénomène du terrorisme qui menace les USA en premier lieu. Ainsi, la lutte contre le terrorisme au Maroc est devenu non seulement le moyen pour s’assurer du soutien de l’Occident, mais aussi pour réduire une certaine opposition politique ou sociale au silence et pour se débarrasser des opposants. A ces fins, un instrument a été créé sous le nom de loi antiterroriste qui vient d’être dénoncée par le Groupe de Travail de l’ONU contre la détention arbitraire. Le président-rapporteur de ce groupe, le Norvégien Mads Andenas a estimé que “la loi anti-terroriste adoptée à la suite des attentats de Casablanca de 2003 qui est toujours en vigueur, est le cadre légal de nombreuses violations des droits de l’homme”, considérant que “cette loi doit être modifiée pour rendre les incriminations plus précises, réduire les délais de garde à vue et instituer une procédure qui garantit un procès équitable” .
Le Maroc, acculé dans la question du Sahara Occidental, a instrumentalisé au maximum la question de la lutte contre le terrorisme. La question sahraouie semble se trouver présente même dans l’affaire Belliraj. Selon certaines sources, l’arrestation de celui-ci revêtait aussi un caractère de règlement de comptes entre les services de sécurité marocains et belges. Une première tension a été enregistré entre les deux services lorsque la DGED marocaine a organisé une manifestation devant l’ambassade d’Algérie à Bruxelles, selon une déclaration du patron de la Sûreté belge Alain Winants. Les marocains protestaient contre le soutien de l’Algérie au peuple sahraoui.
La deuxième collision entre les sécuritaires belges et marocains aura lieu lors des attentats de Casablanca en 2003. Suite à une rumeur qui courrait selon laquelle les auteurs auraient été formés en Belgique et qu’ils avaient tout préparé depuis la Belgique, le gouvernement belge a demandé à la Sûreté de vérifier l’information tandis qu’André Jacob, un inspecteur qui était chargé du maintien des contacts avec les autorités marocaines à Bruxelles, se rend, en compagnie d’un collègue des services de renseignement français, à Rabat. Non seulement ils ont constaté que l’hypothèse belge était fausse, mais leur passage a conduit à de graves tensions entre la DGED marocaine et la Sûreté belge. Des tensions qui allaient s’approfondir, plus tard, avec l’arrestation du ressortissant belgo-marocain Belliraj en janvier 2008. En effet, le 8 juillet 2008, Alain Winants demande à Mohamed Yassine Mansouri, chef de la DGED, de rappeler trois agents marocains repérés en Belgique. “‘Cette mesure n’était pas liée à l’affaire Belliraj. Dans le passé, il y a déjà eu des problèmes répétées avec les agents de la DGED. Ils avaient par exemple organisé une manifestation devant l’ambassade d’Algérie à Bruxelles”, avait déclaré Alan Winants. Les accusations de la Sûreté belge étaient tellement graves que la DGED a non seulement rappelé les trois agents démasqués mais a également décidé de fermer carrément sa représentation à Bruxelles en rappelant tous ses agents.
Le cri d’innocence de Belliraj sera appuyé par un rapport rédigé par les services de sécurité de l’État Belge reconnaissant le manque de preuves contre l’accusé. “Sur le dossier Belliraj, du nom de ce Belgo-Marocain jugé au Maroc pour terrorisme en réseau et soupçonné d’avoir été un informateur de la Sûreté, cette dernière souligne que les éléments avancés par le Maroc n’ont pas permis de démontrer de manière indiscutable l’existence d’un réseau et l’implication de celui-ci dans six meurtres en Belgique. Le rapport ne fait qu’évoquer la majeure partie des champs sur lesquels se focalise l’institution et se borne très souvent à des rappels factuels concernant les dossiers d’extrémisme religieux, d’espionnage, etc”, souligne le rapport. De son côté, le Parquet Fédéral de Bruxelles, après avoir analysé les deux rangées de cartons (24 000 pièces) résultant de l’enquête des juges d’instruction Daniel Fransen et Berta Bernardo-Mendez, a estimé qu’il n’y a pas de “charges suffisantes” à l’encontre de Belliraj et de ses complices présumés (Le Vif) .
Depuis plus de dix ans, des dizaines de communiqués officiels ont fait état de démantèlements de “cellules terroristes dormantes qui préparaient des attentats contre des intérêts du pays”. A l’occasion du dixième anniversaire des attentats de Casablanca, le ministère de l’intérieur marocain a déclaré que les services de sécurité marocains ont réussi à démanteler pas moins de 113 cellules terroristes et à arrêter 1256 présumés terroristes “soupçonnés de préparer une trentaine d’actes”. Pourtant, après Casablanca 2003, le seul attentat enregistré est celui du café Argana, à Marrakech en 2011 en plein cœur du Printemps Arabe. Une opération qui a soulevé beaucoup d’interrogations sur son véritable auteur.
Aujourd’hui, l’Envoyé Spécial du Secrétaire Général de l’ONU s’apprête, selon des sources marocaines, à organiser des rencontres décisives entre le Maroc et le Front Polisario en vue de mettre fin au contentieux sahraoui. A l’occasion, le ministère de l’intérieur nous annonce le démantèlement d’une cellule terroriste. Encore une cellule qu’au lieu de “faire son travail” ne faisait que “dormir”.