En quoi dérange la mission assignée à un Représentant de l’institution mondiale, à savoir les Nations unies, dont son devoir est la promotion et l’application du droit international dans les conflits, en vue de préserver la stabilité et la sécurité dans le monde? Que craint le Maroc de la tournée de Christopher Ross, Représentant spécial du Secrétaire général de l’Onu pour le Sahara occidental, laquelle visite est prévue à la mi-octobre prochain et n’est pas la première que Ross effectue ?
Questions qui se sont imposées, depuis que le ministre marocain des Affaires étrangères,Abdellatif Mezouar, a évoqué un préalable avant que Ross n’entame sa tournée dans la région, au terme de laquelle, pour rappel, il rédigera un rapport sur le Sahara occidental, qu’il soumettra à Ban ki-moon et au Conseil de sécurité. Le ministre marocain, Mezouar, a rappelé le préalable d’«éclaircissements sur les limites de sa mission» avant qu’il n’entame sa visite. N’étant pas son premier déplacement, dans le cadre de sa Mission à titre d’Envoyé spécial de l’ONU pour le Sahara occidental, le Maroc pour sa part opte par sa dernière sortie politico-diplomatique et aussi médiatique à «une opposition frontale» avec la communauté internationale et l’Onu.
C’est ce qu’a affirmé le ministre des Affaires étrangères de la République arabe sah- raoui démocratique (Rasd),Mohamed Ould- Salek, en animant une conférence de presse,hier,au siège de la représenta- tion diplomatique de la Rasd à Alger. Sur le rôle assigné à la mission des Nations unies pour un référendum au Sahara occidental (Minurso) notre interlocuteur ne va pas avec le dos de la cuillère. Il affirme, à ce propos, qu’il «est inconcevable que la Minurso se transforme en Mission soutenant la colonisation» du Maroc au Sahara occidental. Le ministre sahraoui rappelle, dans ce sens, que la Mission onusienne, présente dans les territoires sahraouis encore sous occupation marocaine, «ne peut rester silencieuse, étant témoin de l’oppression et de la répression des Sahraouis par les autorités coloniales».
Après avoir dénoncé «la complicité, dont bénéficie l’occupant marocain», indique-t-il, précisant «de l’intérieur du Conseil de sécurité et particulièrement au sein du groupe des Amis (les cinq) du secrétaire général». C’est ce qui a permis au Maroc, pour notre interlocuteur, outre qu’il «piétine la légalité internationale» mais aussi, ajoute-t-il «de pratiquer la politique d’entêtement, d’oppression et d’intransigeance, au su et au vu de la communauté et de l’opinion internationales».
Il est à noter, par ailleurs, que la déclaration du chef de la diplomatie marocaine, relativeà la visite de Christopher Ross, semble traduire un malaise et une fuite en avant, après l’échec de la promotion de son projet «d’autonomie» comme solution au conflit opposant Rabat au Front Polisario, sur le Sahara occidental, laquelle proposition est fondamentalement en opposition avec la légalité internationale au regard de la nature du conflit, à savoir une question de décolonisation inscrite à l’Onu.
Après avoir rappelé que le peuple sahraoui «demeure attaché à son droit à l’autodétermination», Mohamed-Salem Ould-Salek n’a pas manqué de rappeler que «la reprise de la lutte armée demeure l’alternative» pour l’indépendance du peuple sahraoui. Au regard des manœuvres marocaines visant à faire perdurer la colonisation du Sahara occidental, les déclarations de Mezouar, semblent en être une avec comme objectif d’inscrire le processus engagé par Ross depuis sa nomination, sur une impasse.
Pour notre interlocuteur, «la crédibilité des Nations unies est à l’épreuve en ce qui concerne une question considérée comme l’essence même de leur existence» et de préciser, «à savoir le droit des peuples à l’autodétermination», rappelle le ministre sahraoui des Affaires étrangères de la Rasd. Il est à rappeler que l’ex-Envoyé spécial de l’Onu, l’américain James Baker, a eu à déclarer, quelque temps après avoir jeté l’éponge, face à l’entêtement du Maroc, à se plier à la légalité internationale qu’«au moment où nous faisions un pas vers le référendum, le Maroc fait deux pas en arrière». Ce qui semble être le cas dans la campagne que mène Rabat à l’encontre d’un représentant de l’Onu lequel, rappelons-le, est un fin diplomate.
La question des droits de l’Homme occupant le devant des préoccupations de la communauté internationale, il est inconcevable que pour le peuple sahraoui, cette préoccupation ne soit pas inscrite dans la mission de la Minurso. C’est ce qui agite Rabat qui doit cacher son système colonial au Sahara occidental, car il repose, et nul ne l’ignore, selon les leçons de l’histoire coloniale des peuples sur des pratiques d’atteintes aux droits de l’homme. Qu’il s’agisse des droits politiques, socio-économiques et aussi culturels, soit le droit à la terre et à l’indépendance du peuple du Sahara occidental.
Karima Bennour
Le Courrier d’Algérie, 22/09/2014