Le Maroc s’attend à une conjoncture difficile dans ses relations avec les Etats-Unis d’Amérique à cause de son objection à la médiations de l’Envoyé Personnel du SG de l’ONU pour le Sahara Occidental, Christopher Ross.
Selon une note interne du Ministère marocain des Affaires Etrangères révélée par le Snowden marocain, Chris Coleman, “s’agissant des conséquences de cette crise sur les relations avec
l’Administration Obama, il y a lieu de s’attendre à une conjoncture difficile” en référence à la crise avec M. Ross.
“Les prémices d’une deuxième crise avec l’Administration Obama commencent déjà à se dessiner et portent encore une fois sur la démarche de M. Ross ainsi que sur sa visite au Maroc”, ajoute la note signalant que l’Ambassadeur américain à Rabat a exprimé lors d’une réunion tenue avec le Ministre des affaires étrangères marocain, le 31 juillet dernier à Rabat, des interrogations sur la « capacité » de l’Envoyé Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies, M. Christopher Ross « à effectuer une nouvelle visite au Maroc et faire en sorte qu’il puisse jouer son rôle », tout en précisant qu’il « n’agissait pas en tant que porte parole de ce dernier ».
Pour rappel, le Conseil de Sécurité de l’ONU doit se réunir lundi prochain en vue d’une évaluation des progrès réalisés par M. Ross dans ses efforts visant à trouver une “solution juste, durable et mutuellement acceptable” au problème du Sahara Occidental, “sur la base du droit du peuple sahraoui à l’autodétermination”.
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DG/7/6/N° /2014 Rabat, le 02 octobre 2014
Note à Monsieur le Ministre
Objet :
M. Christopher Ross a été nommé Envoyé personnel du Secrétaire Général
des Nations Unies pour le Sahara Occidental, le 06 janvier 2009 avec le mandat de
travailler avec les parties et les États voisins sur la base de la résolution 1813 du
Conseil de Sécurité et les précédentes résolutions.
Sa nomination est survenue après la tenue à Manhasset de quatre rounds de
négociations qui avaient débuté en juin 2007 et ce conformément à la résolution 1754
du Conseil de Sécurité.
Après avoir effectué deux visites au Maroc, M. Ross a lancé des réunions
informelles de négociations. Toutefois, et après neuf round, dont le dernier s’est tenu
en mars 2012, le processus a connu un enlisement en l’absence de toute perspective
de progrès.
Les tensions entre les autorités marocaines et l’Envoyé Personnel du
Secrétaire Général se sont amplifiées vers le début de l’année 2012, le Maroc ayant
auparavant exprimé, à plusieurs reprises, des préoccupations sérieuses quant à
l’intégrité du mandat de l’Envoyé personnel du Secrétaire Général, la pertinence de
son approche et l’objectivité de sa démarche.
Le Royaume, et suite au rapport sur le Sahara du Secrétaire Général d’avril
2012, décida, le 17 mai 2012, de retirer sa confiance à M. Ross en qualifiant son
travail de « partial et déséquilibré ». Décision, rappelons le, réfutée aussi bien par le
Secrétaire Général des Nations Unies que par Washington.
A ce niveau les autorités marocaines avait considéré que M. Ross, n’ayant pas
été capable de réaliser des avancées sur le plan politique, s’était permis de s’impliquer
dans des affaires qui ne font pas partie du mandat que lui avait confié le Secrétaire
Général des Nations Unies
Toutefois, les inquiétudes du Maroc vis-à-vis de la démarche de M. Ross
n’avaient, à l’époque, pas été prises en compte par la partie américaine qui s’était
sentie personnellement visée par la position de notre pays et avait fortement appuyé le
« retour » de ce dernier.
En effet, et déjà lors des tensions survenues en janvier 2012, suite à des
déclarations de M. Christopher Ross qui avait tenu le Maroc responsable du report
jusqu’au mois de juin, de sa visite prévue initialement en mai 2012, l’Ambassade
américaine à Rabat avait exprimé les inquiétudes de certains responsables à
Washington qui avaient considéré qu’à travers cette attitude, « le Maroc était contre
les Etats-Unis » et qu’il « bloquait sciemment la visite de M. Ross ».
Royaume du Maroc
Ministère des Affaires Etrangères
et de la Coopération
Direction des Affaires Américaines 2
La polémique créée autour de l’Envoyé Personnel du Secrétaire Général des
Nations Unies a eu des répercussions directes sur les relations entre le Maroc et les
Etats-Unis, Washington ayant une sensibilité particulière à tout ce qui touche à ce
diplomate américain dont la longue carrière au sein du Département d’État a porté
essentiellement sur les questions du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. Il sied de
rappeler qu’il a été Ambassadeur des États-Unis en Syrie et en Algérie et puis
Conseiller principal de la Mission des États-Unis auprès des Nations Unies pour les
questions du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. Il a également contribué à la
coordination de la diplomatie américaine dans le monde arabo-musulman, de 2001 à
2003.
Les divergences entre le Maroc et les Etats-Unis sur cette question ont connu
leur apogée au sein du Conseil de sécurité, en avril 2013, avec la tentative de
Washington, contrée de justesse par le Maroc, d’étendre le mandat de la Minurso à la
question des Droits de l’Homme.
Au niveau onusien, la crise déclenchée autour de M. Christopher Ross, avait
été dépassée suite à l’entretien téléphonique du 25 août 2012 entre Sa Majesté Le
Roi, Mohammed VI, Que Dieu l’Assiste, et M. Ban Ki-Moon, Secrétaire Général des
Nations Unies, qui avait permis de recadrer la médiation onusienne et de relancer le
processus politique. Cet entretien téléphonique avait également facilité le « retour »
de M. Ross qui avait été reçu en Audience Royale, le 29 octobre 2012.
Au niveau des relations maroco-américaines, les répercussions de la crise ont
perduré jusqu’au 9 mai 2013, date à laquelle un entretien téléphonique entre Sa
Majesté Le Roi, Mohammed VI, Que Dieu l’Assiste, et le Président Barack Obama a
permis de dépasser les tensions et de préparer le terrain pour la visite Royal à
Washington en novembre 2013.
Toutefois, les prémices d’une deuxième crise avec l’Administration Obama
commencent déjà à se dessiner et portent encore une fois sur la démarche de M. Ross
ainsi que sur sa visite au Maroc.
C’est ainsi que l’Ambassadeur américain à Rabat a exprimé lors d’une réunion
tenue avec Monsieur le Ministre, le 31 juillet dernier au sein de ce Département, des
interrogations sur la « capacité » de l’Envoyé Spécial du Secrétaire Général des
Nations Unies, M. Christopher Ross « à effectuer une nouvelle visite au Maroc et
faire en sorte qu’il puisse jouer son rôle », tout en précisant qu’il « n’agissait pas en
tant que porte parole de ce dernier ».
Cette position américaine, à savoir que M. Ross « doit revenir » et « que le
Maroc doit le laisser faire son travail » a été réitérée par la Sous Secrétaire d’Etat
Anne Patterson, lors d’un entretien téléphonique avec Mme la Ministre Déléguée
ainsi que par la Sous Secrétaire d’Etat aux Affaires politiques Wendy Sherman, en
marge des travaux de la 69ième session de l’Assemblée Générale de l’ONU.
La position du Maroc a été clairement exposée et porte essentiellement sur le
droit du Royaume d’obtenir des clarifications sur la démarche de l’Envoyé Personnel
et sur la nécessité que son action soit conforme à son mandat et à la mission qui lui a
été dévolue.3
En effet, et tout d’abord, le Maroc n’a pas obtenu de réponse à trois questions
concernant la mission de M. Ross, réponse qui devait intervenir en 48 heures, et qui
est toujours attendue depuis le 18 juin dernier. Ensuite, ce dernier préfère passer par
d’autres canaux plutôt que d’apporter des réponses claires et directes. Enfin, les
déclarations de même que le rapport de M. Ross ne reflètent pas les conclusions telles
qu’exposées aux responsables marocains lors de sa visite dans le Royaume.
Il y a lieu de souligner, à cet égard, que la dernière visite au Maroc de M. Ross
n’a pas été médiatisée par le Royaume et que ce dernier n’a pas non plus été reçu en
Audience Royale.
La situation dans son ensemble interpelle, suscite plusieurs interrogations et
laisse présager des périodes difficiles aussi bien au sein des Nations Unies qu’avec
nos partenaires américains.
En effet, notre pays est présenté par M. Ross comme responsable du blocage
en cours dans le processus politique, une idée véhiculée dans les couloirs des Nations
Unies et auprès des membres Permanent du Conseil de Sécurité. Aussi, serait-il
judicieux, pour évaluer nos appuis, de prévoir une démarche d’explication et
d’anticipation auprès de ces derniers, en portant une attention particulière à la Chine
et la Russie, dans la mesure où les relations avec la France sont actuellement tendues
et que la Grande Bretagne s’alignera probablement sur la position des Etats-Unis qui
elle, apporte un soutien inconditionnel à M. Ross.
S’agissant des conséquences de cette crise sur les relations avec
l’Administration Obama, il y a lieu de s’attendre à une conjoncture difficile. Certes,
la période fin 2013- 2014 a connu une nette évolution dans ces relations avec un
agenda bilatéral chargé et prometteur. Toutefois, il y a lieu de ne pas sous-estimer les
capacités de manœuvre de nos adversaires pour tirer profit des tensions en cours
d’autant plus que le Ministre des Affaires Etrangères algérien M. Ramtane Lamamra
a effectué, du 18 au 20 septembre 2014, une visite à Washington où il a été reçu par le
Secrétaire d’Etat John Kerry et la Conseillère à la Sécurité Nationale, Mme Susan
Rice.
Il y a lieu de signaler, à ce niveau, que Washington a, d’ores et déjà,
commencé à introduire des changements dans sa position au sein de l’ONU. En effet,
lors de l’examen du rapport annuel du Conseil de Sécurité à l’Assemblée Général
pour la période 1er août 2013-31 juillet 2014, la délégation américaine a introduit des
amendements dans la partie sur le Sahara dudit rapport en supprimant toute référence
« aux Etats voisins » ce qui reviendrait à dédouaner complètement l’Algérie de sa
responsabilité dans le conflit autour de notre Question Nationale.
Il s’agirait donc, au stade actuel, d’évaluer la situation dans son ensemble et
de mesurer le prix politique des événements à venir en considérant éventuellement, la
possibilité pour notre pays de désavouer l’actuel Envoyé Personnel du Secrétaire
Général comme l’avait fait l’Algérie dans son temps avec son prédécesseur, M. Van
Walsum, et ce, au vu des tensions à répétitions qu’il suscite, qui affectent l’évolution
de Notre Question Nationale au sein du Conseil de Sécurité et qui se répercutent sur
nos relations avec l’un de nos plus importants partenaires.