Le Maroc, à travers la presse française, s’attaque à une athlète sahraouie

À qui profitent les ragots ?
On a lu dans les médias sportifs français que l’athlète Laila Traby avait été constatée positive lors d’un contrôle antidopage effectué sur son lieu de stage, Font Romeu. Or à lire mieux, à chercher quelques infos, il y a à douter du discernement des journalistes qui ont écrit cela et des médias qui l’ont repris en choeur.
Que la sportive ait été en stage, et qu’il y ait eu contrôle, quoi de plus normal, et c’est aisé de l’écrire. C’est pourtant juste étonnant que cela ait été relevé pour celle-ci et non pour tous les autres contrôles effectués au quotidien par l’agence anti-dopage…
Mais ensuite affirmer la présence constatée d’EPO dans les analyses de la sportive, en laissant supposer en gros titre cela illégal, et de plus sur la base de révélations “d’un proche”, pourrait manquer d’acuité quand la sportive fait silence en l’attente de ces mêmes résultats.
D’autre part, et juste pour une mise au point populaire, les sportifs s’entraînent en altitude pour la recherche du phénomène physiologique naturel qui leur permet d’augmenter l’oxygène disponible pour leurs muscles quand ils redescendent aux altitudes des compétitions. En effet, la baisse de la teneur en oxygène de l’air crée un manque d’oxygène (hypoxie) qui va induire au niveau du rein la sécrétion d’une hormone (l’érythropoïétine ou EPO) qui stimulera la fabrication par la moelle osseuse d’une plus grande quantité de globules rouges (érythrocytes) afin de compenser le manque d’O2 apporté aux tissus. L’effet recherché par les sportifs est de pouvoir fournir plus d’oxygène aux muscles lorsque l’organisme redescend à l’altitude habituelle. La technique est bien connue. (En lire plus ici)
Pour continuer…
Alors qu’elle est très discrète sur le sujet, il est public que Laila Traby est d’origine du Sahara Occidental (et non du Maroc). Pour qui fait une rapide recherche, se profile alors tout ce que cette origine sahraouie peut éclairer l’appréhension des événements récents. Les journalistes ont peut-être souffert du syndrome de la hâte du scoop…
Laila ne fait pas de politique, elle a 35 ans et deux enfants, et ne cache pas les efforts qu’elle fait pour être au niveau excellent qui est le sien. C’est une grande sportive depuis toujours, mais nous ne la connaissons ici que depuis sa naturalisation française. Cette nouvelle nationalité, celle de ses enfants, lui permet de faire valoir ses résultats et d’être à la place où la mettent ses efforts. Sahraouie dans l’équipe marocaine, soeur d’un sportif militant pour l’indépendance de son pays, la dernière colonie d’Afrique, quelques secondes égarées et autres déconvenues l’ont privée longtemps des compétitions dues à son niveau.
C’est de notoriété aussi que le très puissant réseau d’influence du roi du Maroc, pays colonisateur d’une partie du Sahara Occidental fait systématiquement en sorte que la question coloniale reste la plus méconnue possible, quitte à éliminer toutes les risques d’aspérités que l’information pourraient créer d’une façon ou d’une autre. Le récit des coulisses de la participation de l’équipe nationale sahraouie à la coupe du monde de football Non Fifa au Kurdistan est un exemple des manœuvres marocaines. Les agressions physiques d’artistes ou athlètes sahraouis en est une autre
Alors on interroge le fait que les gendarmes aient accompagné les contrôleurs anti-dopage cette aube en question, et que seule Laila Traby était visée. On aurait aimé qu’apparaisse dans les articles de la presse spécialisée de la matière nécessaire à se faire une opinion sur ce qui se passe, et qui atteint profondément une sportive, une femme intègre.
Par exemple qu’elle partageait l’appartement avec 3 sportifs d’origine marocaine, naturalisé ou sans papier. Et que deux des gars sont partis quelques jours avant l’arrivée des contrôleurs et gendarmes quand le troisième a sauté par la fenêtre pour fuir à la vue des visiteurs matinaux, sans que cela n’intéresse ces derniers.
D’autres éléments négligés encore ? Des contrôleurs accompagnés de la gendarmerie qui a perquisitionné, ce n’est pas habituel. De même, des agents qui n’attendent pas la présence de la traductrice promise pour que la sportive signe les documents en connaissance de cause – son niveau de français ne lui permettant pas de comprendre les écrits présentés – qui constatent que la sportive ne veut pas signer, et sans attendre plus, partent et enclenchent une procédure de garde-à-vue. Et puis peu mention de la localisation des produits stimulants : dans le frigidaire de l’espace commun à ces 4 sportifs, et pas du tout dans la chambre de la sportive, mais elle seule incriminée.
Les premières bribes d’éléments appelaient à elles seules à prudence et retenue…
Alors à qui profitent les propos hâtifs des journalistes quand la sportive s’entraînait pour les qualifications des championnats d’Europe de cross, et que de telles manoeuvres et publications l’ont profondément éprouvée ?
APSO, le 28 novembre 2014
Sur les derniers résultats de la sportive (championnat de France et d’Europe), voir :
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