La question de la réouverture des frontières algéro-marocaines intervient dans un contexte bilatéral et régional qui n’encourage pas cette démarche.
A l’origine de la fermeture des frontières, une décision prise en 1994 par le roi Hassan II. Celui-ci a chassé manu militari tous les Algériens qui se trouvaient sur le territoire marocain. Il a imposé le visa d’entrée dans son territoire à tous les ressortissants algériens. Cette décision, qui a mis sur le carreau de très nombreux commerçants et hommes d’affaires algériens, était motivée par les attentats de Casablanca que Hassan II avait injustement attribués aux services de renseignement algériens. En réaction à cette décision, l’Algérie a appliqué le principe de la réciprocité pour le visa et fermé les frontières terrestres entre les deux pays.
Avant ce coup d’arrêt, Hassan II avait montré quelques velléités de mettre un terme aux relations avec l’Algérie, en gelant de manière unilatérale les instances de l’Union du Maghreb arabe. Cette décision a paralysé tout l’édifice maghrébin. L’objectif du roi marocain était de forcer la main aux autres pays de l’Union pour les amener à le soutenir sur la question du Sahara occidental. En réalité, la question de l’UMA avait été utilisée, depuis le début de l’édification de l’ensemble régional, comme un moyen de chantage par le Maroc. Voyant que les autres pays, dont l’Algérie, restaient intransigeants sur le dossier sahraoui, le roi du Maroc a mis un terme définitif à l’UMA, pour la simple raison que celle-ci ne servait pas ses desseins expansionnistes.
Avant «le coup bas» de Hassan II et depuis l’ouverture des frontières en 1987, les populations du Maroc oriental avaient vu leur niveau de vie s’améliorer sensiblement grâce aux touristes algériens qui se rendaient massivement au Maroc et y dépensaient beaucoup d’argent. De plus, la contrebande de produits algériens subventionnés permettait à des centaines de milliers de familles marocaines de profiter des largesses de l’Etat algérien. Il y avait même à Oujda des marchés où ne se vendaient que les produits algériens subventionnés. Les opérateurs économiques marocains y avaient vu une belle opportunité et des dizaines d’hôtels avaient poussé comme des champions dans de nombreuses villes de l’est du Royaume. Cette dynamique à sens unique, puisque l’Algérie y laissait plus d’un milliard de dollars annuellement, a été freinée net, après le traitement humiliant qu’avaient fait subir les services de sécurité du roi aux touristes algériens, présents au Maroc, au moment des faits. Les effets de la décision royale ne se sont pas fait attendre, puisque du jour au lendemain, toute la région a été frappée par la crise. Le chômage a grimpé en flèche, des dizaines d’hôtels ont mis la clé sous le paillasson et la population est retournée à son état initial fait de misère au quotidien.
Une dizaine d’années après la fermeture des frontières, le Maroc a tenté des approches pour convaincre l’Algérie de «reprendre les choses là où on les avait laissées». La suppression des visas devait être le premier pas vers une «réconciliation» algéro-marocaine. Mais la question des frontières est abordée différemment par les deux Etats.
Alors que le Maroc souhaite leur réouverture sans aucun accompagnement d’aucune sorte, l’Algérie conditionne la normalisation des relations de voisinage au règlement d’un certain nombre de questions litigieuses restées en suspens entre les deux pays, à l’exemple des centaines de commerçants algériens qui ont été purement et simplement spoliés par leurs homologues marocains, avec le soutien actif du Makhzen. Cela sur le plan formel, à un niveau politique, il y a lieu de relever les attaques répétées des officiels marocains à l’endroit de l’Algérie, jusqu’au roi lui-même qui, épisodiquement, lançait des flèches empoisonnées.
En d’autres termes, l’Etat marocain souhaite l’ouverture des frontières, mais dans le même temps pousse au pourrissement, en totale contradiction avec une démarche censée être positive sur le dossier des relations entre les deux pays. Sur un autre plan, autrement plus «pernicieux», le Maroc joue un jeu très dangereux en encourageant (il n’y a pas d’autre mots) un trafic de drogue à une échelle industrielle en direction de l’Algérie. Des centaines de tonnes de kif transitent chaque mois par le territoire algérien. Alors que l’Algérie appelle à une collaboration efficace sur la criminalité organisée, Rabat fait la sourde oreille et n’opère aucune arrestation sur son sol parmi les barons de la drogue. Ces derniers disposent d’une puissance financière colossale et font travailler tellement de Marocains qu’ils participent certainement à la décision économique et politique du royaume. Faut-il donc discuter avec des trafiquants de drogue? C’est le contexte où évolue l’Algérie et le Maroc. Compte tenu de cette réalité, on voit mal comment le dossier des frontières peut évoluer vers un règlement.
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