par Ismail Zanoune
Si Taïeb, fonctionnaire du Makhzen et très « modernisé », joue aux cartes avec des officiers de la résidence et une Française, à bord du paquebot qui fait le service de Casablanca à Marseille. Les jeux de hasard, interroge la Française, ne sont-ils point interdits par la Sunna ? Sans doute, dit Si Taïeb, sans doute, mais si je triche, ce n’est plus un jeu de hasard !
Cette histoire date d’avant 1890, mais le caractère d’un peuple ne change guère, et il se manifeste simplement sous des formes nouvelles et sous des configurations modernes, et c’est avec la même mécanique de réflexion de Si Taïeb que le Maroc justifiera sa récente expulsion des 84 fonctionnaires internationaux de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental. Un dérapage qui s’ajoute à la liste déjà très longue des dépassements et d’atteintes aux droits de l’homme dont le territoire occupé est le grand théâtre.
Le Sahara Occidental. L’un des derniers grands blancs de la carte du monde au début du vingtième siècle, décrit jusqu’alors seulement par très peu d’explorateurs. Peuplé majoritairement par des nomades, les sédentaires y étaient quasi-inexistants : point commun avec la conception de vie qu’épousaient les Arabes du golf. Car les nomades, aussi bien en Arabie qu’en Syrie ou en Afrique, présentaient comme caractère principal le sentiment de l’indépendance poussé à un point dont il n’est pas aisé à un Européen de se faire idée aujourd’hui. Ils dédaignent profondément les habitants des villes qu’ils considéraient comme des esclaves. Pour eux, s’attacher à la terre c’est faire ses adieux à la liberté; l’homme fixé au sol étant inéluctablement destiné à avoir tôt ou tard un maître ne pouvait qu’être considéré pour eux comme un esclave. Le nomade, ne possédant que sa liberté, jugeait ce bien comme supérieur à tous les autres, et il a su le conserver intact à travers les âges.
Si l’être de l’homme est borné, sa convoitise ne l’est pas. Louis BOURDALOUE
La convoitise du Maroc pour le Sahara occidental ne date pas de 1976 lorsque l’Espagne la quitta, mais plutôt bien avant. Déjà à la fin du dix-neuvième siècle, les habitants du sud du Maroc étaient de redoutables voisins pour les Sahraouis, ne faisant pas de différence entre la guerre et le guet-apens ; le vol à main armée leur semblait un droit de conquête, dépouiller le voyageur était à leurs yeux aussi méritoire que prendre une ville d’assaut ou réduire une province. Ainsi ce corps de préceptes les amenait à piller les Nomades du Sahara occidental. Je cite : On allait du Sud-Marocain (
) les pillards ont beau jeu. Leur extraordinaire endurance, la hardiesse de leurs coups de mains et l’effet de surprise, mettent de gros atouts dans leur jeu. S’ils ne se sentent pas les plus forts, ils s’enfuient sans honte. Ernest Marcel Augièras – Le Sahara Occidental 1919.
Quand bien même nous ne saurions rien du passé lointain, très lointain, des Sahraouis, nous pourrions affirmer d’avance que l’opinion émise à bouche que veux-tu par la monarchie du Maroc sur la marocanité du Sahara est erronée, car lorsqu’un peuple apparaît dans l’histoire, on peut affirmer sûrement et sans l’ombre d’un doute que cette civilisation est le fruit d’un long passé, d’un processus graduel d’évolution.
Revenons à l’actualité. Décidément, pour le Maroc, le droit de se mêler à tout lorsqu’il s’agit des droits de l’homme, ne doit pas appartenir à tout le monde ! Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine a fermement condamné la décision du Maroc, sus-indiquée. Le Maroc l’a compris : On n’est pas le plus fort sans abuser une tentation croissante d’abuser de sa force. Or, la condamnation de l’Union africaine est presque sans portée car tant qu’il n’existe qu’un petit nombre d’hommes et de femmes qui éprouvent le degré nécessaire au conflit au Sahara occidental pour la formation d’une opinion internationale, les Marocains continueront à violer les conventions des droits de l’homme dont le Maroc est signataire. Toutefois, l’opinion internationale n’attribue que peu d’intérêt au conflit au Sahara parce que, on ne s’interroge point sur les agissements du Maroc, les tortures, les enlèvements, etc. Mais le débat est plutôt tourné vers une autre problématique d’une autre dimension, réduisant le sort d’un peuple à la réponse d’une infamante interrogation que voici : en quoi nous serait bénéfique une Nation supplémentaire dans la région ? Pour la France, qui a une mainmise sur les institutions marocaines, les Sahraouis ne sont qu’un anticatalyseur des contrats signés avec le Monarque, et la plupart des pays qui n’ont toujours pas reconnu le Polisario éviteraient de mettre en périls leurs intérêts financiers pour un conflit vieux en moins de quarante ans. Autant dire, pourquoi donner naissance à une Nation nouvelle alors que le Maroc accomplit déjà les tâches primordiales sans jamais inquiéter l’Occident, et ce, sans faute ? En attendant, on peut établir ceci comme une vérité politique : Lorsque l’intérêt financier est majeur, les droits de l’homme représentent une question mineure.
Pour empêcher l’exercice oppressif des autorités marocaines sur les Sahraouis, d’arriver à une stabilité et une sécurité’, il faudrait une mobilisation massive des médias internationaux, chose qui ne peut être faite que si, et seulement si la France cesse d’exercer cette sorte de tutelle sur le Maroc. Et pour détourner l’attention sur les méthodes ignobles des forces du maintien de l’ordre, le roi du Maroc, qui se regarde comme un miracle de vertu, préfère accuser le régime algérien qui serait à l’origine de toutes les manifestations qu’organisent les Sahraouis, pacifiquement, selon mêmes les rapports du Minurso.
Pour le Maroc, l’Algérie n’apparaît que comme un rival et au besoin comme un coupable. L’Algérie n’étant pas considéré tel un allié ou un associé puisque le Maroc n’est jamais engagé avec le plus grand pays d’Afrique dans une entreprise commune pour le bien d’un éventuel Maghreb uni, l’Algérie n’est donc qu’un concurrent.
Le Maroc propose tantôt des solutions unilatérales à l’ONU, tantôt de fallacieuses accusations envers le pouvoir algérien, bloquant ainsi toute forme de terrains d’entente qui pourraient mettre fin à ce drame.
Le Sahraoui est patient à cause des souffrances de toute nature qu’il est contraint à supporter ; et puisque le Sahara occidental n’est malheureusement aujourd’hui qu’un grand désert, le Sahraoui aime l’indépendance comme le seul bien dont il lui sera donné de jouir dans un premier temps. Et dans de pareilles situations, la lutte armée se proposera comme seul moyen. Et si jamais les Sahraouis optaient pour cela, c’est toute l’Afrique qui en paierait le prix ; ainsi, la région du sahel deviendrait alors le nouveau berceau des troupes de Daech.
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