Sahara occidental: La responsabilité du Conseil de Sécurité

Dans un récent article, intitulé The Responsibility of the UN Security Council in the Case of Western Sahara, publié dans la revue International Judicial Monitor, Hans Corell, ancien sous-secrétaire général aux affaires juridiques et ancien conseiller juridique des Nations Unies, signale trois possibles options pour solutionner le conflit du Sahara Occidental, au vu des considérations du Secrétaire général de l’ONU dans son dernier rapport au Conseil relatif à la situation dans ce territoire. 
Dans ce rapport, en date du 10 avril 2014, le Secrétaire général de l’ONU signalait que « le Sahara occidental figurant dans la liste des territoires non autonomes depuis 1963, les efforts entrepris par l’ONU grâce à mon Envoyé personnel, à mon Représentant spécial et à la MINURSO [Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un Référendum au Sahara Occidental] resteront extrêmement utiles jusqu’à l’instauration du statut définitif». S’il n’y avait pas de progrès avant le mois d’avril 2015 (date prévue pour le renouvellement du mandat de la MINURSO), le Secrétaire général considérait que le moment était venu que les membres du Conseil de Sécurité abordent une révision intégrale du cadre établi, en avril 2007, pour le processus de négociation entre les parties du conflit.
Par conséquent, la question, d’après Corell, est de savoir comment le Conseil de Sécurité doit dorénavant aborder la question primordiale, à savoir, comment mener à terme l’autodétermination du peuple sahraoui. Ce processus s’est prolongé pendant des décennies et les négociations actuelles sont devenues une farce qui est arrivée à sa fin. Il s’agit d’une question politique que le Conseil doit aborder mais toute solution adoptée doit être conforme au droit international. Le Conseil – signale Corell- doit considérer maintenant des options plus radicales que dans le passé, parmi elles, les suivantes :
1) Transformer la MINURSO en une opération similaire à celle de l’Administration Transitoire des Nations Unies au Timor Oriental (UNTAET / ATNUTO), et habilitée pour exercer l’autorité législative et exécutive, y compris l’administration de justice.
2) Ordonner à l’Espagne de mener à terme sa responsabilité en tant que puissance administrative du Sahara Occidental. Mais, compte tenu que l’Espagne abandonna cette responsabilité (un « devoir sacré », selon l’article 73 de la Charte de l’ONU) en 1976, cette option, quoique légale, peut ne pas être souhaitable, prenant en compte, en outre, que l’Espagne est actuellement un membre non permanent du Conseil de Sécurité.
Le problème des deux options antérieures est que toutes deux requièrent de l’organisation d’un référendum à travers lequel le peuple sahraoui puisse exercer son droit à l’autodétermination. Ce qui implique que le processus d’identification des électeurs, qui a été un problème constant depuis des années, continuera à l’être.
3) Étant donné que la question du Sahara Occidental est dans l’agenda des Nations Unies depuis quatre décennies, la solution pourrait être une troisième option plus radicale : que le Conseil de Sécurité reconnaisse le Sahara occidental comme un État souverain. Du point de vue légal, il s’agirait d’une option acceptable et elle n’empêcherait pas que le peuple sahraoui cherche une solution différente à son autodétermination à l’avenir s’il le souhaite.
Par dessus-tout, cette dernière option requiert un grand effort pour soutenir la création de capacités d’auto-gouvernement afin d’éviter la formation d’un État failli et les dangers qui en découlent, particulièrement en ce qui concerne la situation de sécurité dans certains pays voisins. Une solution à ce problème pourrait être que le Conseil de Sécurité rende effective sa décision cinq ans à l’avance, par exemple, et que pendant cette période elle dote la MINURSO d’un mandat similaire à celui donné à l’UNTAET / ATNUTO.
Hans Corell souligne qu’il suggère ces possibles solutions à titre exclusivement personnel et dans une neutralité absolue, sans autre intérêt que celui du respect de la loi (the rule of law) et désirant que tout État membre de l’ONU respecte les normes que la propre Organisation a établi. Ces suggestions sont basées sur son expérience en tant que juge et conseiller juridique pendant de nombreuses années dans son propre pays (la Suède) et, plus tard, comme conseiller juridique de l’ONU pendant une décennie. De fait, en 2002, à la demande du Conseil de Sécurité, Hans Corell émit un avis relatif au Sahara Occidental sur la légalité de certains actes des autorités marocaines, plus concrètement concernant l’offre et la signature de contrats avec des entreprises étrangères pour l’exploration de ressources minérales sur ledit territoire. L’avis concluait que si à l’avenir il y avait des activités d’exploration et d’exploitation sans prendre en compte les intérêts et désirs du peuple sahraoui, l’on serait en train de violer les principes du droit international applicable aux Territoires Non Autonomes. Plus tard, Corell soutint que les Accords de pêche signés entre l’Union européenne et le Maroc en 2007 n’étaient pas conformes au droit international concernant le Sahara Occidental.
La raison pour laquelle Hans Corell pose maintenant la question du Sahara Occidental est qu’il considère que nous sommes face à une situation où le Conseil de Sécurité court le risque de ne pas mener à terme son mandat tel que l’y contraint l’article 24 de la Charte de l’ONU, où on lui confie la responsabilité primordiale de maintenir la paix et la sécurité internationales. Dans le passé, il y a eu de graves déficiences à ce propos y compris des cas où les propres membres permanents du Conseil ont violé la Charte de l’ONU. Ce manque de respect et de défense de l’État de droit au niveau international doit simplement arriver à sa fin, signale Corell. Il faut défendre l’autorité des Nations Unies et le Conseil de Sécurité doit être à l’avant-garde de cette défense. Il est donc impératif que, dans le traitement de la question du Sahara Occidental, le Conseil agisse avec autorité, détermination et conformément à la loi.
L’ancien sénateur George McGovern (dans la préface du livre de Stephen Zunes et Jacob Mundy,Western Sahara: War, Nationalism, and Conflict Irresolution) est bien clair à ce sujet : « Ce qui est ici en jeu est quelque chose de plus que le destin de quelques centaines de milliers de Sahraouis qui vivent sous l’occupation militaire marocaine dans le Sahara Occidental et dans les camps de réfugiés dans l’Algérie voisine. Tel que le signalent les auteurs [S. Zunes y J. Mundy] ce qui est en jeu, en dernière instance, c’est le système légal international postérieur à la Seconde Guerre Mondiale. Si l’on ne concède pas au peuple du Sahara Occidental le droit de choisir son propre avenir, y compris l’option à son indépendance, et si l’on permet au Maroc de maintenir sa domination sur ce territoire, ce sera la première fois, depuis la fondation des Nations Unies, que la communauté internationale consentira qu’un territoire non autonome reconnu est annexé par la force sans le consentement de sa population, et ce sera aussi la première fois que l’on permettra à un pays d’élargir son territoire par la force militaire contre la volonté d’une population soumise. Seuls les territoires arabes encore occupés par Israël depuis 1967 sont toujours sous ce contrôle étranger hostile. Et bien que la résolution de ce conflit n’ait toujours pas été trouvée, elle a pour le moins attiré l’attention de la communauté internationale, alors que la situation comparable dans le Maghreb a été maintenue dans une relative obscurité ».
Luis Portillo Pasqual del Riquelme

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