Moroccleaks : Christopher Ross n'est pas "animé dun sentiment anti-marocain"

Note Analytique

« La nouvelle stratégie de lEnvoyé Personnel :
Quel positionnement pour le Maroc »
LAmbassadeur Christopher Ross est Envoyé Personnel du Secrétaire Général pour le Sahara depuis 2009. Comparativement à ses prédécesseurs et à lexception notable de James Baker, il a fait preuve dune certaine longévité dans ses fonctions actuelles.
Cest un homme ambivalent, ambigu qui dispose dune réelle capacité à dire à chacun de ses interlocuteurs exactement ce quil a envie dentendre. On ne peut pas dire dans labsolu quil soit animé dun sentiment anti-marocain. Par contre, il est indéniablement sceptique sur la volonté marocaine dapprofondir les réformes en matière de démocratie et dEtat de droit.
Il fait partie dune frange au sein du Département dEtat qui a toujours nourri une certaine méfiance vis-à-vis du Maroc.
Depuis son entrée en fonction en qualité dEnvoyé Personnel, M. Ross ne sest pas comporté en négociateur. Il na jamais jusquà présent soumis sa propre proposition de règlement du différend. Il se comporte davantage en médiateur. Cest en cela que son approche est contradictoire et parfois confuse. Il donne le sentiment davoir une conception modeste de son rôle et dit vouloir uniquement créer les conditions favorables au lancement dune réelle dynamique de négociations. En même temps, il agit sur deux tableaux simultanément :
– Il intervient directement dans la négociation des résolutions du Conseil de Sécurité en proposant des amendements à travers les délégations américaine et britannique.
Ce type dintervention qui constitue une approche dangereuse et totalement inédite lui avait été signalée dans le passé. Un médiateur doit rester neutre et objectif dans la négociation des résolutions et ne pas chercher à interférer.
Royaume du Maroc
Ministère des Affaires
Etrangères et de la
Coopération
Cabinet
‘D/JH’F
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– Sur la question des droits de lHomme, sa position na pas varié dun iota. Il a toujours indiqué officiellement que cette question ne relève pas de son mandat mais il na cessé de faire pression sur le Haut Commissariat pour quil simplique davantage sur ce dossier.
Ces ambiguïtés dans les attitudes et la stratégie de M. Ross ont parfois conduit à des malentendus qui ont altéré la confiance dans sa relation avec le Maroc.
Sur le plan stratégique, la véritable question est la suivante : que veut M. Ross et quelle est la nature de la solution quil pourrait être amené à proposer ?
LEnvoyé Personnel est toujours resté floue sur la nature de la solution. Il dit que le Maroc naurait pas dû proposer lInitiative dAutonomie et quil aurait été préférable que cette proposition émane du médiateur afin de lui conférer une plus grande légitimité dans la négociation. Il semble oublier que J. Baker avait en 2001 proposé un Accord Cadre (Plan dAutonomie) et quil a été rejeté par lAlgérie et le Polisario. En 2006, le Maroc a été fortement encouragé par ses alliés, en particulier les Etats-Unis à présenter une proposition de compromis.
LEnvoyé Personnel indique à présent pour la première fois que le moment est venu de réfléchir en terme stratégique et de poser les termes de la solution mutuellement acceptable.
En dautres termes, les propositions mises sur la table des négociations par les Parties jusquà présent nont pas permis davancer et donc quil faut réfléchir à autre chose. LEnvoyé Personnel arrive progressivement au constat, quaprès cinq ans de médiation, il doit rassembler de part et dautre les ingrédients nécessaires pour quil puisse présenter sa propre Initiative. Dans son esprit, il pourrait sagir de donner un peu plus que lautonomie et un peu moins que lindépendance.
Pour des raisons tactiques, il ne présentera rien de formel avant les élections en Algérie en avril prochain et va user de la diplomatie de la navette pour donner le sentiment que le Plan quil proposera sera lémanation de ses discussions avec les Parties.
En réalité, M. Ross y réfléchit depuis au moins deux ans et a recruté deux experts sur les questions de médiation pour laider.
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Fondamentalement, lélément manquant qui guide laction de M. Ross consiste à savoir quelle est la stratégie de Washington dans la région ?
Avant de servir lONU sur un plan formel, M. Ross incarne la vision américaine sur ce dossier. Depuis sa nomination, Washington a décentralisé la gestion de ce dossier. En fait la position américaine est fortement influencée par M. Ross lui-même. Cest cette double casquette, lune officielle et lautre officieuse qui rend la situation difficile.
Lunique option qui na pas encore été testée sur les Parties jusquà présent est la formule confédérale. M. Ross, la-t-il à lesprit ? Elle pose un problème fondamental : dans un système confédéral, le droit à la sécession est garanti par la Constitution.
A ce stade et au regard de cette donne le positionnement du Maroc pourrait être le suivant :
– Jouer le jeu avec M. Ross et être à ce stade en mode écoute. Il présentera un questionnaire auquel nous pourrions réagir plus tard. En même temps, nous pourrions le questionner au maximum pour avoir une idée plus précise sur son objectif ultime, la nature de la solution et ses contours.
– Sur un plan tactique, linteraction avec M. Ross est utile car elle permet de meubler le Rapport du Secrétaire Général et déviter que lattention en avril se porte de façon démesurée sur les droits de lHomme.
– Responsabiliser lAlgérie qui est passive dans le processus de négociations et active dans tous les forums internationaux pour défendre le Polisario.
– La nouvelle donne stratégique régionale en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme (Sahel) implique une plus grande coopération régionale.
– Fermeté sur les aspects droits de lHomme. Le Maroc avance à son rythme et nous naccepterons aucune forme de « coaching » international. La réaction en avril dernier nest pas un phénomène passager. Nous réagirons avec la même fermeté pour défendre nos intérêts.
– Ouvert sur le processus. Le Maroc est un pays responsable. Nous sommes engagés de façon sincère dans le processus de négociation mais nous voulons savoir dans quoi nous nous engageons et quels sont les objectifs recherchés.
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– Le Maroc a une vision centrée sur une régionalisation (Rapport de lECOSOC) respectueuse de plusieurs paramètres : bo
nne gouvernance, implication directe des populations et nouvelle approche dans la gestion sécuritaire.
– Le Maroc nest pas dans une position dattente face au statu quo imposé par lAlgérie. Nous avançons sur tous les chantiers nationaux et régionaux.

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