Axe Marrakech-Paris via la Mamounia

Par A. Samil 
Le subvertissement des consciences est une vieille arme des pouvoirs et des personnes pour s’attacher des obligés dans une affaire, une cause ou une revendication indue sur un territoire ou un bien. Il a ses techniques et ses méthodes, le plus souvent soft, pour arriver à ses buts. De nos jours, les communicants appellent lobbying ces procédés camouflés sous le vernis de la bienséance et de l’hospitalité intéressée. La Mamounia, célèbre Palace niché au cœur de la palmeraie de Marrakech, fait partie de ces hauts lieux d’achat des consciences et d’accommodement des positions politiques. Le roi Hassan II l’avait voulu ainsi et son héritier, qui n’a pas la finesse et l’entregent de son père, a laissé l’inoxydable Makhzen et ses espions continuer à cultiver le procédé. Sinon, comment expliquer que, depuis 1975 jusqu’à ce jour, la France -gouvernée à droite ou à gauche- a toujours systématiquement épousé et défendu la position marocaine sur le Sahara occidental, annexé militairement par le royaume alaouite en 1975, après le départ des Espagnols ?
Depuis l’envoi par Giscard d’Estaing, cette année-là, des Jaguar français en mission de bombardement des réfugiés sahraouis à Oum Dreyga, Paris a toujours fait montre d’une constance que ne peuvent expliquer les seuls intérêts de la France ou les considérations purement géopolitiques. Soucieuse pour les autres questions qui agitent le monde du respect de la légalité internationale, depuis quarante ans elle en fait peu cas s’agissant du droit à l’autodétermination, maintes fois réaffirmé par l’ONU, du peuple sahraoui dont le pays vit depuis quatre décennies une occupation coloniale marocaine au sens juridique du terme. On pourrait toujours rétorquer que l’Espagne aussi, ancienne puissance occupante du Sahara occidental, est sur la même position que la France. En fait, dans ce dernier cas, c’est plutôt donnant-donnant : le Maroc ne revendique pas la rétrocession de ses deux présides Ceuta et Melilla et l’Espagne ignore le droit à l’autodétermination de son ancienne colonie.
Si la position de la France ne s’explique pas par des raisons objectives, la part du subjectif de la Mamounia semble occuper une certaine place en termes d’influence et aider à comprendre cette contradiction française. Le sujet alimente régulièrement la chronique des microcosmes politico-médiatiques parisiens et il a fait l’objet d’un livre écrit par les journalistes J-P. Tuquoi et Ali Amar, paru en 2012 sous le titre Paris Marrakech : luxe, pouvoir et réseaux (éd. Calmann-lévy). Les deux auteurs l’écrivent sans détours : «Le nombre des thuriféraires du royaume fait honneur au professionnalisme des Marocains, passés maîtres dans l’art de s’attacher des “amis” bien mieux que ne le font leurs voisins algériens. Pas de recette unique dans leur approche. Les Marocains jouent sur plusieurs cordes. L’attachement au pays natal en est une, qu’ils savent très sensible.» Et de citer un certain nombre de responsables politiques et de personnalités nés et ayant grandi au Maroc et qui ont été amenés à se sentir redevable d’une espèce de devoir de reconnaissance envers le pays qui les a vus naître et les accueille dans le luxe. Le livre fourmille, par ailleurs, de révélations sur les frasques «hédonistes» de personnalités françaises, abritées par la Mamounia.
Pour tout dire, l’alignement de la France sur le Maroc est trop systématique, trop persistant et totalement injustifié pour rester sans une réponse ferme et sévère de l’Algérie. Ce qui fut fait le 29 mars dernier par le ministre des Affaires étrangères au cours d’une conférence de presse conjointe tenue avec son homologue français Jean-Marc Ayrault. A cette occasion, M. Ramtane Lamamra ne s’embarrassera pas de poncifs diplomatiques pour asséner au chef de la diplomatie française quelques vérités, au moment où le régime marocain se complaît dans une attitude de défiance vis-à-vis de la légalité internationale incarnée par l’ONU et son Secrétaire général. «La question du Sahara occidental relève d’un processus de décolonisation et il faut prendre les mesures qui s’imposent pour permettre l’autodétermination du peuple sahraoui», dira-t-il.
A. S.

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