Alger-Paris : des relations «schizophrènes»
Au moment où l’« euphorie » retrouvée depuis 2012 par la relation entre Alger et Paris marque le pas sur les plans économique et politique, le diplomate français Denis Bauchard, vient d’analyser en fin connaisseur du Moyen Orient les hauts et les bas du partenariat entre les deux pays.
Abordant dans une analyse approfondie publiée cette semaine le refroidissement des relations bilatérales ces derniers mois, cet ancien directeur du bureau Afrique du Nord et Moyen Orient au ministère français des Affaires étrangères et ancien directeur de l’Institut du monde arabe de Paris, rappelle qu’ « après une période difficile avec la France du président Sarkozy, le président Hollande, qui connaît bien l’Algérie, a souhaité reprendre les relations sur de nouvelles bases. Dès 2012, la Déclaration d’Alger sur l’amitié et la coopération est signée par les deux chefs d’Etat. Elle énonce les grands principes sur lesquels se fondent dorénavant les relations entre les deux pays. Laurent Fabius a trouvé en la personne de son homologue algérien, Ramtane Lamamra, un interlocuteur ouvert, pragmatique et de qualité. Un dispositif de comités a été mis en place : un Comité Intergouvernemental de Haut Niveau (CIHN) et un Comité mixte économique franco-algérien (COMEFA) sont créés ; des groupes de travail fonctionnent sur tous les sujets. Jean-Louis Bianco est nommé représentant spécial pour les relations avec l’Algérie, dont la mission est de régler les irritants.»
En revanche, en citant les indices de crispation de la relation bilatérale depuis au moins la fin 2015, Denis Bauchard semble pointer un doigt accusateur à l’endroit des milieux politico-médiatiques français. En effet, dans son analyse, l’ancien diplomate rappellera dans le détail qu’outre l’épineux dossier du Sahara occidental au sujet duquel « au sein du Conseil de Sécurité, la France a été le seul membre à défendre le point de vue du Maroc, après l’expulsion des cadres de la Minurso », il y a eu note-t-il « la publication par [le quotidien] Le Monde des Panama papers, mettant en cause personnellement le président Bouteflika, [ce qui] a provoqué une vive réaction des autorités algériennes qui ont décidé de poursuivre le journal. Pour beaucoup d’Algériens, ces allégations n’ont pu être divulguées qu’avec un feu vert du gouvernement français. »
Dans ce climat qui manque de plus en plus de clarté, l’ancien diplomate n’est pas complètement pessimiste pour l’avenir des relations algéro-françaises qu’il qualifie de « schizophrènes » mais, il reconnait néanmoins qu’il est à craindre « un certain gel pendant cette période de transition qui verra apparaître en Algérie comme en France une nouvelle équipe dirigeante. Cette relation restera à la fois nécessaire mais difficile, même si beaucoup pensent qu’il faut tourner la page. Dans ce domaine comme dans d’autres, il faut sans doute donner du temps au temps, seul capable de panser les plaies d’un passé mal éteint. »
Mourad Allal
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