« Cette fois, nous demandons à ce que le Conseil de sécurité soit partie prenante dans les négociations » (Lahcen Lahritani)

Le dossier du Sahara occidental qu’on disait longtemps figé et oublié au prix de jeux et d’enjeux faisant fi de la légalité internationale connaît tout de même depuis plusieurs semaines un regain de frémissements qui augure de nouvelles manœuvres. La crise ouverte depuis mars dernier entre le Maroc et le secrétaire général de l’ONU, Ban Kimoon, l’annonce par Rabat de vouloir réintégrer l’organisation panafricaine, l’UA et la reprise attendue des négociations entre les parties en conflit sont des éléments constitutifs d’un emballement des évènements qu’il faut désormais bien observer, affirme le responsable sahraoui. Entretien.
Reporters : Les cadres de la RASD et du Front Polisario tiennent jusqu’au 25 août prochain leur université d’été à Boumerdès. Quelle importance revêt cet évènement ?
Lahcen Lahritani: L’université d’été des cadres de la RASD et du Front Polisario est un évènement capital dans l’année pour la cause sahraouie. Elle leur permet de faire le point sur les grands dossiers dont ils ont la charge, d’évaluer le travail accompli pendant un semestre, de partager les analyses sur les mutations internationales qui les concernent directement et indirectement et d’être au contact, dans un cadre convivial mais studieux, des militants. L’autre importance, cette année, est que c’est une université d’été qui se tient sous une nouvelle direction après la disparition de notre grand militant, le président Mohamed Abdelaziz qui a sacrifié sa vie pour notre juste et noble cause. Elle est le lieu d’un passage à témoin dans une cause qui finira par aboutir tôt ou tard. L’occasion m’est donnée ici pour préciser que les rumeurs qui ont suivi le décès du président Abdelaziz et qui ont été véhiculées par la presse marocaine disant de lui qu’il regrettait à la fin de sa vie d’avoir défendu la cause sahraouie ne sont qu’un mensonge venant d’un ennemi voulant à tout prix briser notre mouvement de libération. Au Sahara occidental, on n’accorde pas d’importance à ces rumeurs, car si c’était le cas, on aurait cessé de lutter en faveur de notre cause depuis 1975.
Lors du dernier sommet de l’Union africaine tenu à Kigali, le Maroc a exprimé son souhait de réintégrer à nouveau l’UA, mais à condition d’en suspendre la RASD. Faut-il vous inquiéter de sa nouvelle stratégie politique et diplomatique en direction de l’Afrique ?
Tout d’abord, je tiens à préciser que le Maroc ne peut en aucun cas porter des amendements sur l’acte constitutif de l’UA qui exige de ses membres le respect des frontières héritées au lendemain de l’indépendance et de respecter aussi la souveraineté des Etats membres. En outre, le communiqué sanctionnant les travaux du 27e sommet ne mentionne guère une demande du Maroc à vouloir suspendre la RASD de l’UA. Ce vœu n’a été qu’un message que le roi Mohamed VI n’a pas pu lire durant le sommet de Kigali et que les médias marocains ont médiatisé, pour des raisons politiques internes surtout. Quant à sa volonté d’adhérer à l’UA, cela n’est pas innocent. Cela cache une ambition de diviser les Etats membres de l’UA et de neutraliser sa cohérence sachant qu’elle appelle à fixer un rendez-vous pour la tenue d’un référendum d’autodétermination au profit du peuple sahraoui et mettre un terme à un conflit qui dure depuis des décennies. Le but du Maroc est d’adhérer à l’UA sans respecter sa charte. Cela ne peut avoir lieu. Cependant, s’il respecte les clauses de l’acte constitutif de l’UA, nous sommes prêts à un rapprochement avec lui. En ce qui concerne le processus de négociation, l’ONU a fait une proposition formelle aux parties en conflit pour le relancer. Cela vous satisfait-il ? Nous, nous sommes optimistes quant à la relance des négociations. Et je suis convaincu que le peuple sahraoui aura le dernier mot quant à son indépendance. En attendant le référendum, la communauté internationale doit exercer des pressions sur le Maroc pour qu’il respecte les résolutions onusiennes et le droit des peuples à l’autodétermination et d’appliquer les clauses de l’accord de la paix de 1991. Pour le moment, l’occupant marocain persiste sur ses positions et tourne le dos à la communauté et légitimité internationales. Ce qu’il serait logique, c’est que la communauté internationale exerce des pressions sur la partie qui enfreint les lois. Par ailleurs, on est en train d’œuvrer pour mettre à nu la position de la France, un pays clé dans le dossier et qui soutient la politique expansionniste du royaume chérifien. En parallèle, nous tentons de faire adhérer et sensibiliser à notre cause les pays qui ne reconnaissent pas encore la RASD. Nous allons rester sur cette ligne de conduite et poursuivre notre bataille diplomatique dans ce sens. En cas d’échec, nous n’écartons pas la possibilité d’opter pour une autre politique plus radicale…
Vous n’avez pas répondu à la question…
Pour répondre à votre question, l’ONU a remis une lettre à la direction du Front ainsi qu’une autre à l’occupant marocain pour la relance des négociations en attendant la venue de Christopher Ross, l’envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara occidental. Nous avons manifesté notre disposition à entamer des négociations avec le Maroc. Nous avons également assuré à l’ONU de notre pleine collaboration et nous saluons la résolution onusienne 22-85 qui proroge les prérogatives de la Minurso pour exercer pleinement son mandat. Par contre, nous demandons que le Conseil de sécurité soit partie prenante dans les négociations.
On parle d’un retour imminent de Christopher Ross dans la région…
Si l’on se réfère à la lettre de l’ONU qui nous a été adressée, on croit à un retour imminent de Ross. Il est en de même pour la composante civile de la Minurso qui va y retourner dans sa totalité pour accomplir sa principale mission qui est d’organiser un référendum d’autodétermination. D’ailleurs, j’ignore pourquoi l’opinion publique internationale pense que le Maroc a expulsé la composante civile de la Minurso parce que Ban Ki-moon a qualifié pour la première fois la présence de ce pays sur nos terres d’occupation, alors que c’est une résolution onusienne datant de 1979 qui l’a qualifié ainsi «d’occupant». Le SG de l’ONU n’a fait qu’interpréter cette résolution, ce qui est ordinaire parce qu’il ne peut outrepasser les résolutions de l’ONU. 
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