À Bruxelles, la France prouve à nouveau qu’elle est l’allié le plus dévoué du Maroc

par Ignacio Cembrero

TSA-Algérie, 21/03/2017

La France est l’ami le plus dévoué du Maroc en Europe, bien plus que l’Espagne. Elle l’a encore démontré en début de semaine en exprimant sa position sur l’arrêt de la Cour de Justice européenne de décembre qui établit que le Sahara occidental ne faisait pas partie du Maroc et que les produits exportés depuis cette ancienne colonie espagnole ne pouvaient pas bénéficier des mêmes avantages tarifaires que les  produits marocains.

« La question du Sahara occidental (…) est pour le Maroc une priorité absolue et un enjeu d’intérêt national », signalent le ministère des Affaires étrangères et la direction générale du Trésor dans une note conjointe remise aux eurodéputés français qui s’apprêtaient à participer à une séance consacrée à l’arrêt de la Cour. Elle a réuni, lundi à Bruxelles, des membres de la Commission européenne, du Service d’action extérieur et ceux des commissions parlementaires du Commerce international, des Affaires étrangères et de la délégation Maghreb.

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« De ce fait, les conséquences de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne sont susceptibles de fragiliser l’ensemble de la relation [entre l’Europe et Rabat], alors que le Maroc est un allié essentiel dans la lutte contre le terrorisme et la maîtrise de l’immigration », ajoute la note française mise en ligne par Western Sahara Ressource Watch, un observatoire qui depuis Oslo suit de près tout ce qui concerne ce territoire.

Pressions marocaines

La France et l’Espagne savent bien à quel point le Maroc est un pays clef dans ces deux domaines. À plusieurs reprises Rabat a ouvert les vannes de l’émigration vers l’Espagne, la dernière fois en février vers la ville de Ceuta ou sont rentrés plus de 850 subsahariens en 72 heures. Rabat a aussi coupé, de février 2014 à janvier 2015, la coopération judiciaire et antiterroriste avec Paris après que la police judiciaire française ait tenté en vain de conduire devant un juge d’instruction à Abdellatif Hammouchi, le patron de la Direction Générale de Surveillance du Territoire du Maroc.

L’arrêt de la Cour « ouvre une période d’insécurité juridique qui pourrait être très préjudiciable aux opérateurs économiques » qui travaillent au Sahara occidental, prévient également la note française. Ils sont « près de 120 », en majorité français, mais si la Justice européenne devait également statuer dans les prochains mois que l’accord de pêche avec le Maroc ne s’applique pas non plus aux eaux sahariennes ce serait l’Espagne qui serait frappée de plein fouet. La plupart des chalutiers qui pêchent là-bas sont en effet espagnols.

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Une interprétation réductrice de la décision

À travers cette note le Quai d’Orsay demande dans le fond, aux eurodéputés français, de faire une interprétation réductrice de la décision de la Cour pour préserver un partenariat avec le Maroc « dont les progrès sont les plus remarquables ». La position française sur cette affaire contraste avec celle exprimée, quatre jours auparavant, par l’Espagne, l’autre grand partenaire du Maroc qui devance même la France dans sa relation commerciale avec le voisin du Sud.

Dans une réponse remise le 16 mars au député Jorge Luis Bail, du parti écologiste EQUO, le gouvernement espagnol reconnaît que les accords entre l’UE et le Maroc « ne sont pas applicables au territoire du Sahara occidental puisque celui-ci ne fait pas partie du Royaume du Maroc (…) ».

Ce langage clair, et peu habituel chez les autorités espagnoles, a suscité un large écho sur les réseaux sociaux et des réactions non officielles de mécontentement, voir menaçantes, surtout dans la presse marocaine. Bon nombre d’internautes marocains se sont demandé sur Twitter si le Maroc devait ouvrir ses frontières avec l’Espagne reprenant parfois à leur compte l’avertissement, proféré le 6 février dans un communiqué, par le ministre marocain de l’Agriculture, Aziz Akhnnouch.

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« L’Espagne joue-t-elle avec le feu ? », se demande par exemple, depuis Rabat, le journal en ligne Quid. Il évoquait notamment « la coopération sécuritaire » du Maroc avec l’Espagne et prévenait : « Si les choses s’envenimaient sérieusement celle-ci en pâtirait ». « L’Espagne connaît l’horreur du terrorisme mieux que personne », concluait-il en faisant allusion aux attentats du 11 mars 2004 qui causèrent la mort de 192 personnes.

Étiquetage spécial des produits du Sahara occidental

Les autorités espagnoles se sont inquiétées des possibles représailles marocaines. La porte-parole du ministère des Affaires étrangères s’est donc fendue d’une déclaration, lundi, que l’ambassadeur d’Espagne à Rabat, Ricardo Díez-Hochleitner, s’est empressé de remettre à la MAP, l’agence de presse officielle marocaine. L’Espagne, insiste la porte-parole, « n’a pas changé sa position » sur le Sahara et elle est « fermement déterminée » à continuer « à développer sa relation privilégiée » avec le Maroc.

Le débat, de lundi, au Parlement européen n’a guère été concluant d’autant plus que la Commission européenne ne semble pas avoir les idées claires sur comment mettre en œuvre l’arrêt. Les eurodéputés espagnols ont été les protagonistes de la séance.

Francisco Millán Mo, du Parti populaire espagnol (centre-droite), a souligné que « la question du Sahara ne devait en aucun cas interférer négativement » dans la relation avec le Maroc. Inmaculada Rodríguez-Piñero (socialiste espagnole) s’est prononcé, à la surprise générale, pour l’étiquetage spécial des produits du Sahara exportés vers l’Europe, selon le compte rendu de la séance fait par l’agence de presse espagnole EFE. Elle les mettait ainsi sur le même plan que les produits des colonies israéliennes en Cisjordanie et au Golan vendus dans l’UE et que la Commission européenne demande d’étiqueter depuis novembre 2015. Cette assimilation déplaît fortement à Rabat.

Florent Marcellesi, eurodéputé d’EQUO, a, quant à lui, reproché à la Commission d’avoir une approche biaisée de l’application de l’arrêt. « Elle a beau de pas vouloir l’admettre, la décision de la Cour est claire : tout accord commercial qui concerne le Sahara occidental requiert l’accord du peuple sahraoui », affirme-t-il. Comme il considère que le Front Polisario le représente, il demande à la Commission de négocier avec lui sans perdre de temps.

Trois mois, jour pour jour, après que la Cour ait rendu son verdict, la confusion est totale à Bruxelles sur les modalités de sa mise en œuvre. « La Commission est, en effet, prise en étau entre le droit européen et les exigences marocaines », fait observer Marcellesi.

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