L’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui stipule que les Accords UE-Maroc ne sont pas applicables au Sahara occidental, est «contraignant» aussi bien pour la Commission européenne que pour les états membres de l’UE, rappelle l’ambassadeur d’Algérie à Bruxelles, Amar Belani, à la suite des informations selon lesquelles la Commission a sollicité l’accord des pays de l’Union pour un nouveau mandat de négociation en vue de «corriger» certaines dispositions de ces accords.
«Au plan du droit, théoriquement cela devrait être hautement improbable dans la mesure où les dispositions de l’arrêt de justice de la Cour de justice de l’UE du 21 décembre 2016 sont claires et stipulent que les produits et ressources du territoire du Sahara occidental doivent être exclus du champ d’application des accords commerciaux conclus entre l’UE et le Maroc», a estimé Belani dans un entretien accordé à la revue Afrique-Asie.
Selon Afrique-Asie qui cite l’ONG internationale +Western Sahara Resource Watch+, la Commission européenne a sollicité l’accord des états membres de l’UE pour un nouveau mandat de négociation en vue de corriger certaines dispositions de l’accord commercial avec le Maroc afin d’y inclure les marchandises du territoire du Sahara occidental, occupé par le Maroc depuis 1975. À ce sujet, le diplomate algérien a rappelé que «la décision irrévocable de la justice européenne est contraignante aussi bien pour la Commission européenne que pour les états membres de l’UE. Elle découle du statut distinct et séparé reconnu par le droit international et la Charte des Nations unies au Sahara occidental en tant que territoire non autonome».
Cependant, a dit Belani, «l’analyse des déclarations de certains hauts responsables de l’UE et le ballet de visites effectuées en toute discrétion par ces responsables à Rabat, suggèrent que les deux parties travaillent, main dans la main, pour trouver les moyens techniques de contourner cet arrêt de justice, ce qui explique l’opacité avec laquelle sont menées ces tractations et les interrogations incessantes des eurodéputés quant à leur teneur. «Les autorités marocaines, d’habitude si promptes à réagir au quart de tour au moindre rappel par l’UE des principes du droit international, tel que le statut non autonome du territoire du Sahara occidental ou son éligibilité à l’autodétermination, affichent ces derniers mois un calme olympien, comme si des garanties leur aient été données quant à l’issue de ces discussions», a noté l’ambassadeur d’Algérie à Bruxelles. «Celles-ci pourraient, par exemple, prendre la forme d’une disposition prévoyant des consultations préalables avec des institutions factices, créés de toute pièce par le Maroc, et l’élimination de toute référence au terme +peuple du Sahara occidental+ (tel qu’énoncé dans les référents onusiens, ainsi que dans l’arrêt de la CJUE) et son remplacement insensé par +population locale+, ce qui serait une véritable forfaiture», a-t-il prévenu. Pour Belani, «il serait regrettable, en effet, que l’UE décide, au nom d’un pragmatisme de mauvais aloi, de fouler au pied les principes et valeurs sur lesquels elle a été construite, et dont elle se prévaut dans ses relations avec le reste du monde».
Il s’est dit, par ailleurs, «confiant» quant au fait que le droit prévaudra en dernier ressort. «Je suis conforté dans ce sentiment par les annonces en cascade d’entreprises européennes qui ont décidé de se conformer à la légalité internationale, en mettant fin à l’exploitation des ressources du territoire du Sahara occidental, à l’instar de la décision prise récemment par la multinationale suisse +Glencore PLC+ spécialisée dans l’exploration pétrolière offshore», a rappelé Amar Belani. Belani s’est, en outre, félicité de «la fin de l’impunité avec laquelle le Maroc menait en toute illégalité ses opérations d’exportation de ressources du territoire du Sahara occidental, comme l’illustre la saisie, par un juge sud-africain, d’un bateau transportant 54 000 tonnes de phosphates d’une valeur de 5 millions de dollars, destinée à la Nouvelle-Zélande, provenant des mines de Boucrâa dans les territoires sahraouis occupés par le Maroc».
Au sujet de la «tergiversation» du Maroc quant à son accord pour la désignation d’un nouvel envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU pour le Sahara occidental, prélude à la relance des négociations entre le Maroc et le Front Polisario, Belani a indiqué que «le Maroc est empêtré dans ses propres contradictions», rappelant «le discours triomphaliste à New York au sortir de la session du Conseil de sécurité le 28 Avril dernier où le représentant permanent subordonnait la relance du processus de négociation, tel que proposée par le SG de l’ONU et soutenue par le Conseil de sécurité, au départ des éléments du Front Polisario de la zone tampon de Guerguerat», chose qui a été faite par le Front Polisario dans une optique d’apaisement et pour administrer la preuve de sa bonne disposition à la négociation.
Cependant, déplore le diplomate, «le Maroc en rajoute une couche en exigeant que son accord pour la nomination de Horst Köhler au poste d’envoyé personnel de Antonio Guterres (SG de l’ONU) ait pour seule et unique base sa proposition d’autonomie de 2007, s’arrogeant ainsi le droit de dicter ses conditions au Conseil de sécurité et au Secrétaire général de l’ONU, ce qui est contraire aux dispositions de la résolution qui appelle à des négociations directes et sans conditions préalables». «À cela s’ajoute une attitude schizophrénique du Maroc qui consiste, d’une part, à vouloir à tout prix intégrer l’Union africaine (UA) en se prévalant du soutien de la majorité des états membres de l’Institution panafricaine et, d’autre part, de ne pas reconnaître la compétence ni se soumettre aux mécanismes de règlement de conflits propres à celle-ci, alors que le Maroc a adhéré sans réserve à sa charte constitutive», a conclu Belani.
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