La France entre macronisation et marocanisation

Personne n’ignore qu’entre la France et le Maroc, les liens sont étroits, inaltérables — quelle que soit la couleur politique du régime à Paris — et soudés par les relations personnelles entre le roi et ses amis d’outre-Méditerranée. Les quelques nuages passagers qui traversent le ciel de cette belle entente et qui naissent du courage de quelques hommes politiques français dénonçant le silence de Paris sur les atteintes aux droits de l’Homme ou encore des écrits courageux des rares plumes libres non inféodées à Rabat, ces nuages ne peuvent remettre en cause les énormes intérêts français dans un pays encore colonisé. Un pays qui a une apparence de souveraineté mais qui n’est, en réalité, qu’une succursale de l’impérialisme et un haut lieu du sionisme international. 

Ce protectorat est dirigé par une oligarchie occidentalisée composée de courtisans affairistes dont les intérêts sont intimement liés aux grandes compagnies françaises et américaines notamment qui possèdent pratiquement tout le Maroc ! Au cours de deux visites effectuées en 1988-1989, nous avons parcouru des centaines de kilomètres entre Oujda, Fès, Casa, Rabat, Marrakech, Essouira et Béni Mellal et, partout, nous avons pu constater la mainmise des sociétés occidentales sur les richesses et l’économie marocaines. Nos hôtes ne s’en cachaient pas même s’ils ne disaient pas tout ! Les parts qui revenaient au roi, par exemple, n’étaient pas divulguées alors que le monarque possède des actions dans pratiquement toutes les grandes entreprises. Des amis bien informés ont évalué cette part à 10%. Sans compter, bien sûr, ses biens personnels car, ici, il s’agit des entreprises semi-publiques de grande importance. 

Qu’ils soient de gauche ou de droite, les pouvoirs successifs français ont toujours évité de critiquer le Maroc. Dans les moments de grande répression intérieure,  comme celui qu’a connu récemment le Rif ou sur le dossier du Sahara Occidental, les Français font preuve d’un étrange alignement sur le régime de Rabat. Même constat pour une presse dont les patrons ont des intérêts énormes au Maroc, à l’instar d’un Drahi, citoyen franco-maroco-israélien, propriétaire de BFM, de la chaîne sioniste i24 et de l’Express, entre autres. Quand ils ne sont pas patrons, beaucoup de journalistes français se laissent séduire par quelques faveurs sous forme d’avantages divers. 

Mais les journalistes ne sont pas les seuls privilégiés du système de lobbying marocain. Beaucoup d’hommes politiques, des membres influents de la société civile, des têtes d’affiche du monde des arts et du spectacle, sont également conviés à goûter aux plaisirs charnels qu’offrent les nuits chaudes de Marrakech. Pour certains, cela va plus loin puisque le «tourisme» local n’est pas très regardant sur les excès lubriques de quelques libertins en mal d’exotisme,  excès qui vont jusqu’à la pédophilie et l’esclavage sexuel d’enfants issus de la classe pauvre. Faut-il, pour ne pas être taxé de «comploteur antimarocain», citer les témoignages de l’amant d’Yves Saint-Laurent sur les soirées agitées de la villa Bleue impliquant des gosses ou les cas des ministres Jacques Lang et Frédéric Mitterand ou encore celui de ce pédophile espagnol condamné par la justice marocaine et gracié par le roi ? 
La permissivité du Makhzen vis-à-vis de ce désordre moral qui donne à Marrakech les allures d’un Sodome moderne est vivement appréciée par les milieux dominants français qui ont le double avantage d’être les vrais patrons de cette «province» et d’utiliser des «sujets» locaux pour jouir de plaisirs tabous et punis par la loi chez eux. 

Je fais encore appel à la mémoire pour citer un lieu que nous avons visité près de Marrakech, un immense camp de débauche collective où nous avons été invités pour un méchoui. Je ne suis pas un islamiste obscurantiste et je n’ai rien contre les cabarets et les boîtes de nuit que je fréquentais assidûment durant ma jeunesse, mais ce que j’ai vu et entendu à «Aliwood», près de Marrakech, m’a confirmé tout le mal que je pensais de ce «paradis sexuel» couru par les dépravés et les pédophiles du monde entier. Je passe sur les détails du «programme» pour ne pas choquer les âmes sensibles, m’arrêtant juste à ce moment fatidique où quelques fillettes en tenue légère furent introduites sous notre tente, pour une danse qui n’avait rien de folklorique.  Nous étions mal à l’aise, gênés par ce spectacle insolite et chacun de nous voyait sa propre fille parmi ces pauvres créatures. Mais l’honneur des Algériens fut sain et sauf. A l’invite d’un accompagnateur marocain qui nous proposait,  ni plus, ni moins, de «profiter» de l’occasion, Rezigui, vieux journaliste émérite de l’hebdomadaire arabophone El Moudjahid, se leva et en fit voir de toutes les couleurs à ces «organisateurs», pour une fois mal tombés : «Vous nous prenez pour qui ? Ces gosses ont l’âge de nos propres filles ! Vous ne connaissez pas l’Algérien ! Ne le confondez pas avec ces affamés sexuels, ces touristes dépravés qui profitent de votre bassesse…» Au moment de quitter notre tente, nous aperçûmes les fillettes agglutinées autour des restes de nos méchouis, s’arrachant les morceaux de viande comme des animaux ! Triste moment qui me fit réfléchir à ce Maghreb de l’impossible que nous voulions bâtir… Je pensais à Boumediène et à ce qu’il disait à propos de la féodalité marocaine… 
Pour revenir aux relations franco-marocaines, il n’y a pas que ce côté apparent des choses. Depuis quelque temps, les «représenta
nts» et autres espions déclarés ou pas du Maroc pullulent en France,  grimpant rapidement les échelons du pouvoir politique. Il y eut Dati, Najet-Vallaud Belkacem, Azoulaï et bien d’autres. Leur rôle est de servir les thèses monarchiques et influer sur les positions françaises. Parfois, il s’agit de jonctions entre les intérêts du royaume et ceux d’Israël qui a certes des défenseurs de plus en plus nombreux en France, mais qui aura toujours besoin d’une forte présence en Afrique du Nord, dans un pays aux relations «intimes» avec l’ancienne Métropole.

Le nouvel épisode de ce long feuilleton et qui a pour titre «Benalla et les Macron» traduit on ne peut mieux cette omniprésence marocaine dans les hautes sphères parisiennes. Une affaire qui n’a pas livré tous ses secrets mais qui aura le mérite — nous l’espérons — d’ouvrir les yeux de l’opinion française sur des dérives qui n’ont que trop duré. L’intérêt de la France n’est pas et ne sera jamais dans ces arrangements douteux qui servent une caste éphémère mais pas les deux peuples. Les intérêts des deux oligarchies empêchent la vérité et la justice d’imprégner ces relations dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles ne veulent pas sortir du sordide, depuis ces temps pas très lointains où des barbouzes du Quai des Orfèvres enlevaient Ben Barka,  au cœur de Paris, sur ordre de Hassan II. 

M. F. 

P. S. : lorsqu’il est conçu sans arrière-pensées, le Partenariat public-privé peut effectivement rendre d’énormes services à l’économie algérienne. Mais la version corrigée et revue par le FCE et… l’UGTA (!) n’était qu’une énième tentative de brader le secteur public au profit de patrons à la soudaine richesse ! Ces pistonnés, de plus en plus nombreux au fil des mandats, lorgnent du côté des entreprises propriétaires de foncier important, bien installées et rentables. 

Un exemple édifiant : celui de GTH, grande société de travaux hydrauliques qui eut ses heures de gloire. Ayant une grande expérience dans le domaine des transferts hydriques et des constructions de stations et de barrages, cette société a, curieusement, de moins en moins de marchés au moment où, paradoxalement, quelques rares sociétés privées croulent sous les commandes ! Les travailleurs de GTH éprouvent des difficultés à percevoir leurs salaires et l’entreprise est en voie de disparition. Mais les «sauveurs» guettent…
Ce n’est plus du  partenariat mais du «pousse-toi de là que je m’y mette !»

Le Soir d’Algérie

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