“A simple titre d’exemple, j’ai vu ce vendredi des manifestants scander à tuetête ce slogan qui glace le sang et avec lequel j’aurais aimé en avoir fini depuis belle lurette : “dawli islamiya”.”
Par Mohamed Abdoun :
Beaucoup de gens estiment, à tords sans doute, que l’Algérie serait définitivement vaccinée contre la poussée de fièvre islamiste. Ils en veulent pour preuve ces mêmes arguments que j’avais été le premier à développer dès 2011, au plus fort des printemps arabes.
Grosso-modo, si j’avais prévu des déferlantes islamistes, et même terroristes, au niveau de l’ensemble des pays touchés par ces printemps préfabriqués, je n’en avais pas moins ajouté que notre printemps à nous s’était déroulé en octobre 88, et que nous avions payé chèrement le droit de repousser cette vague islamiste.
Depuis, que d’eau a coulé sous les ponts. Il nous est demandé, aujourd’hui plus que jamais, de se garder de dormir sur ses lauriers. La menace rode encore. Elle est plus forte et plus dangereuse que jamais.
En effet, si nous avons vaincu le terrorisme de haute lutte, sur les plans militaire, médiatique et politique, l’intégrisme, lui, ne sait jamais mieux porté sous nos cieux. Celui-ci, terreau du terrorisme, a fini par gangrener en profondeur toute la société algérienne.
A simple titre d’exemple, j’ai vu ce vendredi des manifestants scander à tue-tête ce slogan qui glace le sang et avec lequel j’aurais aimé en avoir fini depuis belle lurette : » dawli islamiya «.
Les islamistes, très bien organisés, toujours en e m b u s c a d e , n’ignorent rien du traumatisme subi par le peuple algérien. Mais, leur formation leur permet de s’adapter à toutes sortes de situations, d’attendre patiemment leur heure, et de savoir constamment reculer pour sauter toujours plus haut et plus loin. Ce n’est, par exemple, pas un hasard sur au sein des réseaux sociaux, qui » gèrent » depuis le début ce fantastique sursaut populaire, Benghebrit a été directement prise pour cible, parce qu’elle a interdit la prière au sein des salles de classe.
Les citoyens, en grand nombre, sont tombés tête baissée dans ce grossier piège. Pourtant, non seulement elle avait parfaitement raison en décrétant cet interdit qui, ma foi, va de soi, mais en plus le fait de focaliser sur cette personne, et concernant ce sujet précis, a de quoi diluer les vraies revendications citoyennes d’une part, et permettre aux islamistes de reprendre du poil de la bête de l’autre. Il est, dès lors, plus que certains que ce sont eux, toujours embusqués, et refusant de se faire voir directement au sein des manifs, comme on l’avait vu en Egypte, en Tunisie et en Libye, et même en Algérie en octobre 88, qui se trouvent derrière cette sournoise et perfide attaque.
Je n’oublie pas non plus de préciser que les islamistes, qui disposent de fonds conséquents, et qui jouissent d’une grande organisation, arrivent toujours à faire le plein des voix, surtout lorsque l’enjeu en vaut la peine. Or, face à eux, pouvoir et opposition sont désorganisés et disloqués.
Comme en 91, donc, ils ont une chance de gagner même s’ils ne remportent pas la majorité des voix. Tant s’en faut. Voilà pourquoi la prudence doit être de mise, d’une part. et les citoyens qui représentent cette fameuse majorité silencieuse, dont je fais moi-même partie, doit absolument se réconcilier avec les urnes.
M. A.
Tribune des Lecteurs, 22 mars 2019
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