Algérie : Au suivant !

La dernière digue a peut être lâché hier au tribunal de Sidi M’Hamed où s’était ouvert le procès en appel des deux ex Premiers ministres, accusés de corruption dans le fumeux dossier du montage automobile. Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal ont fini par abattre leur derniere carte dans l‘espoir d’obtenir une remise sur leurs peines.

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«Je n’étais qu’un Premier ministre qui exécutait des ordres ; ramenez le président Bouteflika pour témoigner… », s’est lamenté Sellal. «Je ne faisais qu’appliquer le programme du président Bouteflika», s’est lavé les mains Ahmed Ouyahia.

Les deux ex Premiers ministres qui se sont jusque là contentés de se défendre contre les délits qui leurs sont reprochés, ont cette fois joué leur va tout. Ils ont tous les deux collé leurs méfaits à leur mentor, l’ex président déchu, Abdelaziz Bouteflika.

Cette stratégie de défense est somme toute compréhensible pour deux ex responsables qui n’ont rien à perdre mais peut être quelque chose à gagner. Ne serait-ce qu’une révision à la baisse de leurs peines respectives auxquelles ils ont été condamnés en première instance. Mais au-delà de l‘issue de ce procès en appel et du sort de ces deux ex responsables de l’exécutif qui n’intéresse pas outre mesure le commun des algériens, la convocation à la barre d’Abdelaziz Bouteflika devient de plus en plus inévitable.

Le fait qu’il soit lâché y compris par Ouyahia et Sellal est signe que l’ex homme fort du régime durant les vingt dernières années, était tout à fait conscient des méfaits qui sont commis contre l’économie nationale ; s’il ne les a pas carrément ordonnés. A ce titre, il doit répondre de ses actes devant la justice. Quasiment tout son entourage immédiat et tous ses collaborateurs ont défilé devant les juges et envoyés en taule sauf lui. Il se confirme avec les témoignages d’Ouyahia et Sellal que l’ex président Bouteflika était le véritable «chef de bande». Rien ne se faisait sans lui. Et son frère aussi.

Ouyahia et Sellal ont donc raison de dire qu’ils ne faisaient qu’exécuter ses ordres. Cela ne les disculpe pas pour autant de leurs responsabilités en ce sens qu’ils pouvaient refuser d’exécuter des ordres qui à leurs yeux n’allaient pas dans l’intérêt national. Le silence équivaut forcément à une complicité évidente dans tous les crimes économiques commis sous les ordres de «fakhmatihi».

Invoquer l’exécution des ordres du président pour faire valoir des circonstances atténuantes, c’est un peu court… Le seul «mérite» qu’on pourrait éventuellement reconnaître à Ouyahia et Sellal est celui d’avoir (enfin !) levé la feuille de vigne qui couvrait la responsabilité pleine et entière d’Abdelaziz Bouteflika dans la pratique à l’échelle industrielle de la corruption. Alors, au suivant !

Imane B.

L’Est Républicain, 2 mars 2020

Tags : Algérie, Hirak, Bouteflika, Abdelmalek Sellal, Ahmed Ouyahia,

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