Le Maroc : point commun entre les attentats djihadistes de ces 2 dernières années en Europe

On pourrait même dire de ces 15 dernières années !

Les attentats de Madrid de mars 2004, les plus meurtriers en Europe avec près de 200 morts et 2000 blessés, sont essentiellement le fait de djihadistes marocains.

Même chose pour Mohammed Bouyari, le meurtrier, en 2004, du cinéaste néerlandais Théo Van Gogh, lui aussi marocain d’origine. 7 des 9 terroristes des attentats de Paris, en novembre 2015, sont aussi d’origine marocaine dont les frères Abdelslam.

Tout comme Abdelhamid Abaaoud, considéré comme le cerveau de ces opérations. C’est aussi le cas de ceux qui intégrait la cellule des attentats de Bruxelles, 32 victimes, dont le Marocain Najim Laachraoui était le leader.

Enfin, la totalité de la cellule de Ripoll, des frères Oukabir au terroriste des Ramblas, Younes Abouyaaqoub, en passant par l’imam : tous sont, soit nés au Maroc, soit d’origine marocaine. Je dirais même Rifains plus que Marocains.

Le Rif, c’est-à-dire cette région berbère du Nord du Maroc…

Exactement, entre les villes de Tanger, Nador, Tétouan. Il y a une logique évidente à cette singularité rifaine : l’immigration. La région est une des plus pauvres du Maroc et sa jeunesse s’est très tôt exilée en Europe :

On les retrouve, ces Rifains, des Pays-Bas à la Belgique en passant par la France et donc l’Espagne. Une sorte d’axe rifain où l’Espagne joue un rôle singulier puisqu’elle est l’ancienne puissance coloniale et y possède encore les villes garnison de Ceuta et Melilla.

Mais au-delà des chiffres, il y aussi une culture rifaine de résistance à l’autorité très ancrée : c’est du Rif, avec le célèbre d’Abdelkrim, que sont parties les révoltes les plus dures contre la présence coloniale dans les années 20.

Et encore aujourd’hui, ces derniers mois, le Rif marocain est l’endroit de manifestations très dures et donc très réprimées, contre le pouvoir marocain. Le Rif, c’est aussi le lieu de tous les trafics, de haschisch notamment. Bref une région rebelle et irrédentiste.

Mais de la rébellion aux djihadisme… il y a tout de même un monde…

Vous avez raison. Pour y arriver, il faut revenir un peu en arrière : le Maghzen, le pouvoir marocain autour du monarque, s’est toujours méfié des Rifains, les abandonnant à leur sort. Le vide a été vite comblé, entre autres, par les islamistes.

Le Maroc les a longtemps toléré. Jusqu’en 2003 et une vague d’attentat à Casablanca. Depuis, la répression est féroce. C’est-à-dire qu’en plus d’être très implantés, les islamistes rifains ont acquis une aura de martyrs.

Et ceux qui ont pu échapper aux services de renseignements marocains ont essaimé en Europe. Un seul chiffre résume cette importance des réseaux djihadistes marocains et rifains : 1 600 combattants.

On estime à 1 600 le nombre de djihadistes marocains en Syrie ou en Irak. Un petit millier serait sur le retour. Ils sont évidemment dangereux, surtout lorsqu’ils entrent en contact avec une jeunesse d’origine rifaine née en Europe.

La cellule de Ripoll est pile sur ce modèle-là…

Exactement : l’imam de Ripoll, Abdelbaki Es-Satty, a connu un des terroristes rifain des attentats de Madrid en prison, alors qu’il était lui-même condamné pour trafic de drogues. Il a voyagé en Belgique, à Vivoorde, à la recherche d’une mosquée à diriger au sein de la communauté marocaine.

Et il a surtout endoctriné en une année, selon un modèle clanique ou familial très efficace, ces ados de Ripoll, souvent nés en Catalogne ou ayant toujours vécu là. Des 2èmes générations déracinés. Ce qui d’ailleurs rejoint les thèses d’Olivier Roy.

Bref : une même origine géographique, le Rif marocain, une même culture de la résistance vis-à-vis des autorités et aussi une même dérive djihadiste et mortifère.

France Inter

https://www.franceinter.fr/emissions/geopolitique/geopolitique-22-aout-2017