Algérie : Le nid des excroissances

par Abdou BENABBOU


Pour se défendre face à la justice, l’ancien ministre des Transports Amar Ghoul n’en démord pas et reste figé dans une logique dont malheureusement il n’a pas le monopole. Droit dans ses bottes, il soutient qu’il se devait de suivre les instructions verbales de l’ex-président de la République. Il confirme sans se rendre compte de l’énormité d’un axe immuable d’une gouvernance rendant le verbe présidentiel un axiome rigide au-dessus de n’importe laquelle des considérations légales. Il ne pouvait mieux démontrer comment était compris le sens d’une charge ministérielle et ce pourquoi un ministre était désigné.

C’est lui qui a ordonné le maquillage d’un tronçon d’autoroute non encore totalement réalisé, parce qu’il redoutait qu’il ne soit pas à l’heure de l’inauguration présidentielle pour laquelle il s’était engagé. On sait que la formule avait des petits et peinturlurer les façades des immeubles en ruine avant le passage des limousines était un sport incontournable pour ceux qui ménageaient leurs carrières. Tout était su mais on laissait faire, l’essentiel était que les égos soient saufs.

Tous les hauts responsables aujourd’hui jugés ne sont pas en reste et tous ont pour se défiler étalé ce moyen de défense pour tenter de faire comprendre aux juges que l’institution judiciaire subitement en effervescence se trompait de pays et que les lois algériennes avaient été promulguées pour servir d’ornement factice et valoir bonne mine face à tout le monde.

Cette gouvernance informelle et permissive appliquée au grand jour a fait le nid de multiples excroissances qui en s’amplifiant se sont transformées en immense gangrène qui a déboussolé l’ensemble du pays.

Philosophie d’une gestion, le passe-droit devenait droit et sacerdoce auxquels les hauts commis se prêtaient avec allégresse sans lesquels une grande responsabilité n’avait aucun sens. Pourquoi dès lors s’en priver lorsqu’un président de la République lui-même, pour le peu qu’on sache, s’arroge l’infantile privilège d’intervenir au bénéfice d’une connaissance pour l’octroi d’un terrain ou d’un appartement et va jusqu’à distribuer des billets d’avion.

Le Quotidien d’Oran, 15 oct 2020

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