Maroc : 40 ans avant de retrouver le corps de son fils, victime des années de plomb


Fatima, 74 ans, a attendu plus de 40 ans avant de récupérer le corps de son petit garçon de 11 ans abattu en pleine rue par des militaires pendant une grève réprimée avec violence.

Il faut grimper un escalier bien raide dans un petit immeuble de la casbah pour atteindre l’appartement de Fatima Mazioudi. Elle vit seule avec ses souvenirs et une de ses filles. Depuis la minuscule lucarne réservée aux femmes, elle jette un oeil dans la rue… “Ce jour-là, c’était un peu comme aujourd’hui, calme. J’étais à la maison et j’attendais que mon mari rentre du travail. Ahmed a lui aussi regardé par la fenêtre, il a vu que le magasin d’en bas était ouvert alors il est sorti. Je le revois encore, il voulait en profiter pour voir si l’école serait ouverte le lendemain”, se souvient Fatima Mazioudi. Malgré les quarante années qui se sont écoulées, elle n’a rien oublié de ce 23 mars 1965. Le jour, où son petit garçon Ahmed, âgé de 11 ans, n’a pas résisté à la tentation d’aller faire un tour chez le marchand, comme tous les gamins.

En bas, quelques grévistes continuaient à manifester leur mécontentement contre le gouvernement, contre ces années de plomb où le roi du Maroc, Hassan II, menait le pays d’une main de fer. “Il y avait eu des grèves 2 jours plus tôt et là, c’était plus calme”, poursuit Fatima. “Ils avaient envoyé les tanks dans le quartier… Ce sont les voisins qui m’ont avertie. On m’a dit que mon enfant avait été blessé et que les militaires l’avaient emmené. Il avait reçu des balles et certains m’ont expliqué que l’enfant reviendrait une fois soigné. Des témoins ont dit qu’il avait été touché au ventre. Mais ceux qui l’ont tué ne voulaient laisser aucune trace. Mon mari l’a cherché partout jusqu’à sa mort. Il a contacté le ministère de la Justice, de la Défense. Quarante ans que j’attends qu’il me ramène mon fils”.

Le 16 juin 2006, après des années de recherches, Fatima Mazioudi reçoit une étrange nouvelle. “C’est le CCDH (Conseil Consultatif des Droits de l’Homme) à qui j’avais fait une demande pour récupérer le corps de mon fils qui m’a téléphoné. Il avait été retrouvé. Mon fils n’a jamais été déclaré mort mais seulement disparu. Et pourtant, il avait été enterré. Je suis même allée sur sa tombe. Depuis je ne dors plus. J’espérais tellement le retouver vivant”.

Source : Six pieds sur terre

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