Mohamed Taibi, sociologue : «D’un point de vue géopolitique, l’Algérie est une cible des fake news»

Le sociologue Mohamed Taibi décortique, dans cet entretien, le sens donné à ce phénomène sociétal des fake news. C’est pour lui «une arme de diabolisation» que rien ne pourra arrêter. Il recommande à cet effet une immunisation de la société pour contrer ces ennemis dissimulés derrière ces fausses informations visant la déstabilisation des Etats. Il est indispensable, selon lui, de produire des «contre- attaques» du moment que les Algériens ont le potentiel de défense requis 

Expliquez-nous un peu ce nouveau concept des fake news…
Il s’agit d’une pratique qui s’installe dans le champ de la communication mondiale et aussi régionale. Pour résumer, c’est une arme dont le but serait de détruire les opinions, pour manipuler les valeurs, pour aussi pervertir les vérités humaines. C’est un phénomène qui se développe crescendo. Il est également un signe d’une faillite morale qui va creuser justement les fossés entre ceux qui font la modernité actuelle et ceux qui la subisse. Les fake news sont aussi l’expression de stratégies de puissances qui s’affrontent dans les logiques de la géopolitique moderne. La question de l’information est un enjeu qui peut endommager les relations humaines. Les sociétés telle que la nôtre sont traversées par des idéologies grégaires. Elles ne sont pas profondément cultivées, d’où leur vulnérabilité face à cette menace. L’Etat algérien a certainement légiféré dans le domaine, particulièrement celui de la criminalisation de ce genre de pratiques.
Qu’en est-il de notre pays ?
Dans les pays où les affrontements identitaires sont importants, ce genre de communication devient courant. A titre d’exemple, après le décès de l’ancien ministre de l’Intérieur Yazid Zerhouni, un déluge de fausses informations a occupé la toile alors qu’il a été parmi les patriotes les plus fidèles et les plus honnêtes. Les fake news sont une arme de diabolisation de l’ennemi. Parfois la loi elle même ne peut rien faire. Malgré les textes élaborés à cet effet, ces informations erronées vont demeurer sur la toile. C’est à la société de s’armer de patience, de dire sa vérité, et les choses vont peut être diminuer avec le temps pour l’Algérie. Tant qu’on traverse ce genre de situation politique et économique, les gens usent et abusent de l’information.
On dit que l’Algérie est la cible d’une guerre médiatique…
Les fake news relèvent aussi des confrontations stratégiques. Celles-ci touchent l’opinion de chaque pays. L’Algérie, d’un point de vue géopolitique, est et sera la cible de ce genre de communication pour justement installer un climat de peur d’abord, de manque de confiance à l’intérieur du pays dans le but de déstabiliser les acteurs politiques. Ces fake news émanent surtout du Maroc et de ceux qui sont alliés au projet marocain. C’est de bonne guerre, les Algériens n’ont qu’à s’armer, qu’à équiper leurs réseaux sociaux, qu’à se défendre et à se battre. Il n’y a pas de toutes manières une autre solution.
Comment contrer cette menace ?
Pour contrer ces attaques, il faut renforcer d’une manière drastique nos réseaux et nos sites électroniques, nos médias et produire des contres attaques permanentes avec des leaders d’opinion algériens qui sont l’élite du pays. Le but étant de produire le discours qui va mettre en échec cette guerre médiatique qui s’impose et qui va s’imposer encore. Il faudrait également travailler la société algérienne et la rendre immunisée par le biais de nos intellectuels et de nos hommes politiques. Ils doivent être sur le front. Un ministre qui ne sait pas parler doit se taire. Quand il parle il fait des bêtises. Il ne faut pas donner des cartes toutes gratuites à nos ennemis. Ces arrivants qui prennent l’opinion publique pour des canards sauvages doivent disparaître. Les Algériens ont les armes requises. Nous avons une société pleine de courage. Ce n’est pas une société soumise comme disent certains. Les Algériens s’expriment. Ils son entiers. Ils disent ce qu’ils pensent et la preuve est palpable sur les réseaux sociaux. On a un potentiel de défense très important contrairement à d’autres pays. Les Algériens sont aujourd’hui libérés. Ils vivent cette confrontation avec beaucoup d’aisance comparativement à d’autres, aux Marocains par exemple. Ils n’insultent plus, ils sont calmes et cherchent à créer la fraternité algéro-marocaine. Ils ne sont pas tombés dans les pièges des ennemis. Seulement l’opinion algérienne n’a pas de guidance. Pour ce genre de missions, il faut des gens engagés à croiser le fer avec l’ennemi. Il faut aussi se doter des moyens nécessaires, tels que l’instauration d’un centre de recherche sur les médias. Il faut laisser ce pays devenir grand. Les jeunes doivent reprendre le flambeau. Il faut passer à l’acte. Quand on attend il faut s’attendre à autres choses. Cette question médiatique est très complexe. Il faut des efforts pour rendre la balle à ces forces hostiles qui guettent le pays. Il faut savoir réagir et parfois comment se taire.
K. A.
Horizons, 18 jan 2021
Tags : Algérie, Maroc, fake news, désinformation, propagande, guerre médiatique, 

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