En reconnaissant la souveraineté du Maroc en échange d’une normalisation avec Israël, les États-Unis rallument un conflit dans une région qui réclame depuis trente ans son indépendance.
C’est au pas de charge que l’équipe de Donald Trump veut régler l’accord de normalisation des relations entre le Maroc et Israël annoncé mi-décembre. Dimanche, elle a lancé le processus d’ouverture d’un consulat américain à Dakhla, au Sahara occidental. Et ce, malgré les réactions de l’ONU qui conteste la méthode depuis le début. Car la région, prix de cette paix marchandée, risque de s’embraser à nouveau. Décryptage.
Quel statut?
Ancienne colonie espagnole jusqu’en 1976, six fois plus grand que la Suisse, le Sahara occidental est situé entre le Maroc, l’Algérie et la Mauritanie. Il est contrôlé à 80% par le Maroc et à 20% par le Front Polisario. Ce mouvement de libération a pour objectif l’indépendance totale du territoire. Il demande que soit enfin organisé le référendum d’autodétermination prévu en 1991 par l’ONU, qui considère le Sahara occidental comme un «territoire non autonome» en l’absence d’un règlement définitif. Impensable pour Rabat qui veut lui attribuer une autonomie mais sous contrôle marocain. Depuis 1987, un «mur des sables» de 2700 km et gardé par 10’000 soldats marocains coupe la région en deux, du nord au sud. Des négociations pilotées par les Nations Unies sont au point mort.
Minorité réprimée
«Le Conseil de sécurité, sous pression de la France, n’a pas la volonté politique de mettre fin à ce conflit, estime l’activiste non violente Aminatou Haidar, récipiendaire en 2019 du Prix de la Fondation Right Livelihood, considéré comme le Prix Nobel de la paix alternatif. Nous n’avons jamais connu la paix. Mais des violences quotidiennes, des arrestations arbitraires, la répression des manifestations, la torture et des assassinats. Nombre d’entre nous ont déjà fui le pays pour sauver leur vie.»
«Nous n’avons jamais connu la paix. Mais des violences quotidiennes, des arrestations arbitraires, la répression des manifestations, la torture et des assassinats.»Aminatou Haidar, activiste, lauréate du Prix de la Fondation Right Livelihood 2019
Le Maroc conteste les accusations d’État belliqueux. Dans les colonnes de nos confrères du «Temps», son ambassadeur à Genève Omar Zniber affirmait en décembre que «le Polisario est une création de l’Algérie et du régime de Kadhafi, pour servir leurs velléités de domination géopolitique en s’attaquant à l’intégrité territoriale du Maroc». Ces deux dernières années, une dizaine de pays ont ouvert des consulats dans le territoire contesté, reconnaissant ainsi la souveraineté du Maroc.
Annexion économique
Dans les faits, l’annexion du Sahara occidental par le régime de Mohamed VI est en marche. Riche en gisements de phosphate et en poissons pêchés sur les 1000 kilomètres de côte, le désert est aussi le terrain de jeu des mégaprojets d’éoliennes, dont le monarque contrôle lui-même la plus grande partie. «Au mépris du droit international, le Maroc et ses alliés occidentaux volent les ressources du peuple sahraoui, s’indigne Aminatou Haidar. Ceux qui en bénéficient sont un petit groupe de pro-marocains. La majorité vit dans la pauvreté.» Depuis trente ans, Rabat encourage sa population à s’installer au Sahara, renversant ainsi les équilibres démographiques, au point qu’aujourd’hui, les Sahraouis y sont minoritaires.
Escalade programmée?
Le 13 novembre 2020, le fragile cessez-le-feu entre les belligérants a été rompu et les combats ont repris le long du mur, alors que très peu d’images parviennent de cette région. «Le Maroc a officiellement lancé une opération militaire contre une cinquantaine de civils sahraouis manifestant à Guerguerat (sud-ouest)», affirme Aminatou Haidar. Si elle appelle aujourd’hui Joe Biden à défaire la dernière action internationale de son prédécesseur, elle craint le pire. «La jeune génération sahraouie est désespérée et ne croit plus en la résistance pacifique.»
Source : 24heure.ch, 20 jan 2021
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