Source : La Repubblica, 15 fév 2021
Rencontre d’aujourd’hui de Macron avec les dirigeants du «G5». Les présidents du Tchad, du Burkina Faso, du Niger, du Mali et de la Mauritanie sont de plus en plus enclins à négocier avec les djihadistes de «l’Etat islamique au Grand Maghreb» ou avec des formations proches d’Al-Qaïda.
par Vincenzo Nigro
LA GUERRE contre le terrorisme jihadiste au Sahel est-elle perdue? La France et les pays du G5 feraient-ils mieux pour lutter contre les terroristes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique et les autres groupes qui dominent la région? Devraient-ils faire ce que les Américains font avec les talibans en Afghanistan?
Telles sont les questions centrales que se poseront le président français Emmanuel Macron et les dirigeants du «G5», l’organe qui unit les 5 pays du Sahel touchés par l’insurrection armée. Macron intervient aujourd’hui par visioconférence lors d’une réunion avec le «G5» qui s’est tenue à Njamena, la capitale du Tchad. Les dirigeants du Burkina Faso, du Tchad, du Mali, de la Mauritanie et du Niger assistent au sommet de deux jours où, pour la première fois, ils essaieront de coordonner quelque chose comme une acceptation du rôle des gangs terroristes dans le gouvernement de la région.
Un nouveau rôle
Pour la première fois, en effet, deux tendances se croisent qui pourraient conduire à traiter avec les terroristes: la tendance de la France à réduire sa présence militaire. L’acceptation par Paris du concept “on ne gagne pas seulement avec des armes”. Et de l’autre, celle des gouvernements de la région qui veulent tenter de résoudre les conflits auxquels ils sont confrontés avec les armes depuis des années par des négociations politiques et nationales.
Il y a à peine un an, la France avait augmenté sa présence militaire au Sahel de 4 500 à 5 100 soldats, mais les jihadistes gardent le contrôle de vastes zones et continuent de mener des attaques. Cette année, 6 casques bleus de l’ONU ont déjà été tués au Mali, tandis que 5 soldats français ont perdu la vie depuis décembre: au total 50 soldats français sont morts en 8 ans.
Le tabou brisé par le Burkina Faso
Depuis des années, Paris a toujours rejeté toute négociation politique avec les insurgés: “Nous ne traitons pas avec des terroristes”. Mais peu à peu la diplomatie et les services français se sont rendu compte que les dirigeants locaux ne pouvaient pas suivre cette ligne, ils ont été tentés ou forcés de prendre contact avec des groupes terroristes, dans une tentative de survivre individuellement mais aussi pour commencer à arrêter un conflit armé qui pendant des années a ravagé la région.
Ces derniers jours, le Burkina Faso a déclaré pour la première fois qu’il était prêt à négocier avec les islamistes. “Si nous voulons résoudre cette crise, nous devons trouver une voie et la possibilité de parler avec ceux qui sont responsables de ces attentats terroristes”, a déclaré le Premier ministre Christophe Dabirè au Parlement. Au Mali, de nombreux dirigeants politiques commencent à penser de la même manière: depuis 2012, le nord du pays est sous le contrôle de groupes armés djihadistes et de formations de séparatistes touaregs.
La France a empêché pendant des années toute tentative des gouvernements locaux et des régimes de négocier avec les terroristes. Mais récemment, sous la pression des échecs, des morts, des autres crises auxquelles Paris est obligé de faire face, Macron a commencé à changer d’approche. Désormais, la France semble également prête à trouver une issue qui la conduira surtout à réduire son engagement dans son “Opération Barkhane”, mission militaire à laquelle s’est jointe la mission “Takuba” avec certains alliés européens dont l’Italie.
Dans le même temps, même avec une déstabilisation très active de la Russie, les populations locales commencent à manifester publiquement contre la France. CELA A Créé un contexte de plus en plus difficile pour la présence militaire et même politique de l’ancienne puissance coloniale dans ces pays.
Certains analystes cités par le Financial Times expliquent l’accélération de l’idée de négociation par les gouvernements locaux: «Mieux vaut commencer à négocier maintenant, avec les Français toujours présents avec les forces militaires, que de négocier quand les Français ont commencé à se retirer car c’est ce que les Américains ont fait en Afghanistan “.
Les données collectées par l’analyste Jose-Luengo (également cité par le FT) confirment que 2020 a été l’année la plus difficile en termes de pertes en vies humaines: les morts au Burkina, au Niger et au Mali étaient de 6256, dont des soldats, des terroristes, des miliciens et des civils. . Une augmentation de 30% par rapport à 2019.
La principale menace est celle de l’État islamique dans le Grand Sahara, une formation sœur de l’État islamique en Irak et en Syrie. Mais il existe d’autres groupes, plus ou moins liés à des ethnies et à des groupes criminels et de passeurs, qui rendent la vie difficile à la France dans la région. L’État islamique, par exemple, est défié dans la région par le JNIM, Jamaat Nusrat al Islam wal Muslimin (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans), une fédération de milices liées à Al-Qaïda.
L’évolution politique et militaire dans tout le Sahel concerne directement l’Italie. Les gouvernements Conte, après des années de réflexion, ont décidé de participer à la mission militaire «Takuba», offrant un soutien aux Français. Mais ensuite, ils ont ouvert une ambassade au Niger comme ils s’apprêtent à le faire au Mali. L’ensemble du Sahel est le grand «ventre mou» par lequel passent les trafics qui atteignent l’Afrique du Nord, la Libye et donc la Méditerranée. D’une manière ou d’une autre, la prophétie noire du colonel Mouammar Kadhafi («si vous m’attaquez en Libye, le terrorisme éclatera au Sahel») s’est réalisée. Et l’Europe devra certainement courir après les dommages causés par ce changement de régime en Libye pendant des années.
Tags : Sahel, France, Barkhane,
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