La justice française: la réputation d’être de gauche

Les procès Sarkozy et leurs conséquences: Le pouvoir judiciaire en France est confronté à des réformes majeures.

Corona fait de l’ombre à tout. Pour le gouvernement d’Emmanuel Macron, cependant, ce n’est pas aussi dramatique qu’il n’y paraît pour le moment. Il est vrai qu’en France aussi, la campagne de vaccination, qui a pris de l’ampleur, est quelque peu ralentie par l’affaire Astra-Zeneca, mais cela détourne aussi l’attention du scandale politique qui couve depuis début mars à la suite d’un verdict étonnant contre l’ancien président Nicolas Sarkozy, et qui continuera vraisemblablement à jouer un rôle dans les mois à venir. Il s’agit du système judiciaire idéologiquement biaisé en général et des poursuites de la Cour fiscale nationale en particulier.

Y a-t-il une méthode pour de telles poursuites ?

Cette cour spéciale, fondée par le prédécesseur de Macron, François Hollande, et opportunément de gauche, s’est apparemment donné pour mission de passer au crible les candidats potentiels dans les camps de la droite et de la bourgeoisie jusqu’à ce qu’elle trouve quelque chose, puis de lancer des enquêtes avec effet de publicité, de préférence avant des élections importantes. C’est ce qui s’est passé avec l’ancien candidat prometteur à la présidence François Fillon il y a quatre ans, qui a été mis hors course par cette intrigue, et c’est ce qui se passe maintenant avec l’ancien président Nicolas Sarkozy.

Trois ans de prison, dont deux avec sursis – telle est la sentence prononcée dans la salle d’audience bondée du 1er mars. C’est vrai, il pourrait purger l’année de prison en résidence surveillée. Mais les espoirs ou les craintes d’un come-back sont terminés. Même si Sarkozy a annoncé le soir même qu’il allait faire appel. Et le lendemain, lors d’une interview télévisée dans le cadre de la première émission, il a déclaré à plusieurs reprises qu’il n’avait pas l’intention, et n’a toujours pas l’intention, de se présenter aux élections. Cependant, il n’a jamais voulu renoncer à donner des conseils ou à s’engager dans le camp bourgeois parce qu’il était un homo politicus. Maintenant, cependant, il se battrait bec et ongles pour son honneur et pour le droit et la justice.

Plusieurs procès pour corruption, pots-de-vin et financement illégal de campagne sont en cours depuis plus de huit ans contre M. Sarkozy, aujourd’hui âgé de 66 ans. Dans le verdict actuel – un autre est attendu prochainement – il a été reconnu coupable d’avoir soudoyé un procureur en promettant d’user de son influence en tant qu’ancien président de la cour princière de Monaco pour obtenir de cet avocat un poste de consul honoraire de Monaco. En contrepartie, le procureur devait l’informer, ainsi que son avocat, de l’état de l’enquête sur les procès de Sarkozy. Les conversations à ce sujet entre Sarkozy et son avocat Thierry Herzog, qui a également été condamné, ont été secrètement interceptées et ont servi de seule preuve. Cela viole le secret professionnel et la protection de la confiance entre l’avocat et son client, mais, ont déclaré les juges, “en raison de la gravité de l’infraction”, ils ont autorisé les enregistrements à servir de preuve. Il est difficile d’imaginer que la Cour aurait agi de la même manière avec un homme politique de gauche.

La course dans le camp bourgeois est ouverte

Il est également difficile d’imaginer que le président sortant, Emmanuel Macron, n’avait aucune idée de cette évolution. En tout cas, cela élimine un concurrent potentiellement indésirable. Car chez les Républicains conservateurs (LR), de nombreux barons du parti avaient placé leurs espoirs dans le fait que Sarkozy monte une nouvelle fois sur le ring et brigue la présidence. Maintenant, la course est ouverte dans le camp bourgeois. Plusieurs noms circulent.

Il y a le chef de file des Républicains au Sénat, Bruno Retaillau, il y a les personnalités Pierre de Villiers, l’ancien chef d’état-major, que les sondages donnent à 20 %, ou le publiciste Eric Zemmour, qui est à 13 %. Il y a l’ancien chef de parti Laurent Wauquiez ou l’ancien ministre de Sarkozy Xavier Bertrand et quelques autres. En l’état actuel des sondages, ils ne parviendraient pas à se qualifier pour le second tour. La chef du parti de l’Assemblée nationale, Marine Le Pen, les devancerait et serait même dangereuse pour le président sortant, selon les sondages d’aujourd’hui. Emmanuel Macron n’est pas menacé par la gauche. Les socialistes, les Verts et les communistes atteignent ensemble un maximum de 30 %.

Si le camp bourgeois se mettait d’accord sur un candidat, il aurait certainement une chance, même contre Macron. Sarkozy aurait pu être ce candidat. Aujourd’hui, près de 13 mois avant le premier tour de scrutin de l’élection présidentielle et trois mois avant les élections régionales nationales, les conservateurs doivent rapidement se mettre d’accord sur un candidat. Les élections régionales constituent le test final et servent de critère de sélection.

Il est fort possible que le sénateur vendéen de 60 ans, Bruno Retaillau, s’allie au général Pierre de Villiers, voire à Xavier Bertrand. Ils étaient tous unis par leur opposition cordiale à Sarkozy. Le verdict pourrait donc même marquer un tournant pour la France : la fin des éternelles batailles de chefferies en politique. À moins, bien sûr, que la justice de gauche ne retrouve ce qu’elle cherche dans ses opérations d’écoutes et ne fasse ainsi éclater les alliances. Elle préfèrerait certainement un Macron semi-gauchiste à un Retaillau droitier, qui d’ailleurs, comme Marine Le Pen, dissoudrait rapidement le tribunal de gauche d’un trait de plume.

Le ministre de la justice annonce une réforme

Cependant, les reconstitutions juridiques et les enquêtes contre Sarkozy ont une fois de plus gravement ébranlé la confiance du peuple dans le troisième pouvoir et son indépendance. Ce n’était pas très fort de toute façon. Des jugements comme celui contre Sarkozy “approfondissent la méfiance”, comme l’admet même le ministre de la justice dans une interview au Point, et annonce également une grande réforme de la justice. Il souhaite présenter le projet de loi à la mi-avril. Il doit y avoir des règles également pour les pouvoirs indépendants des États. Oui, dit le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti, “plus une institution insiste sur son indépendance, plus elle doit respecter strictement les règles.”

La réforme prévoit des changements complets, mais pas la suppression du Tribunal financier. C’est précisément ce qu’il faudrait faire et cela donnera encore lieu à de vives controverses.

Die Tagespost, 20 mars 2021

Tags : France, Justice, Nicolas Sarkozy,

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