Fouzia Mahmoudi
Lors de ces dernières années, l’on a souvent accusé les grands pays occidentaux de complaisance face à certains dépassements chinois, par crainte de voir les investissements du pays, avec la plus grande croissance économique mondiale, baisser. Et en temps de crise financière, les Européens comme les Américains ont souvent dû composer avec Pékin pour espérer bénéficier de l’argent chinois. Mais il semblerait que les limites de l’acceptable aient été dépassées à Paris, où le ministère français des Affaires étrangères a dénoncé cette semaine les «propos inacceptables» de l’ambassade de Chine envers un chercheur et des parlementaires français et annoncé qu’elle allait convoquer l’ambassadeur pour le lui signifier.
Les diplomates chinois sont «tenus de respecter le principe de séparation des pouvoirs, ainsi que l’ensemble des lois de la République», a ajouté Agnès von der Mühll, porte-parole du Quai d’Orsay, en déplorant notamment des «menaces à l’encontre de parlementaires» qui projettent un déplacement à Taïwan. Paris a également jugé «inacceptable» la décision de Pékin de sanctionner dix ressortissants européens, dont un eurodéputé français et quatre organisations, en représailles à des sanctions de l’Union européenne pour la répression de Pékin contre la minorité musulmane des Ouïghours.
«C’est le message que nous ferons passer auprès de M. Lu Shaye, ambassadeur de Chine en France, lors de sa convocation au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères», a ajouté la porte-parole du Quai d’Orsay, sans préciser quand elle interviendrait. «Petite frappe», «hyène folle», «troll idéologique» : l’ambassade s’est déchaînée ces derniers jours contre Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), à qui elle reproche ses positions «antichinoises».
L’ambassadeur Lu Shaye s’est aussi déclaré «fermement opposé» à un projet de visite de parlementaires français à Taïwan. La République populaire de Chine considère Taïwan comme une de ses provinces, dénonce chaque visite de responsables occidentaux sur l’île et menace de recourir à la force en cas de proclamation formelle d’indépendance par Taïpei. Spécialiste de la Chine, Antoine Bondaz s’est attiré cette salve d’insultes après avoir critiqué les «injonctions» chinoises à l’encontre des parlementaires français. «En France, le respect des principes et libertés fondamentales est une exigence qui s’applique à tous : liberté académique et de la recherche, libertés individuelles, respect de la séparation des pouvoirs et des principes constitutionnels de la France», a martelé la diplomatie française.
Les diplomates chinois en poste à l’étranger investissent de plus en plus les réseaux sociaux pour défendre, parfois avec véhémence, la position de leur gouvernement. La presse officielle chinoise les qualifie de «loups combattants», en référence à un film d’action chinois à grand succès où un héros à la Rambo combat des mercenaires étrangers. Répliquant par anticipation à la convocation du Quai d’Orsay, l’ambassade a nié sur son site Internet avoir outrepassé les usages diplomatiques. La diplomatie c’est «défendre les intérêts et l’image de son pays», a-t-elle lancé. Reste à voir maintenant si les responsables politiques français sont prêts à se lancer dans une guerre diplomatique avec Pékin qui représente un marché économique énorme pour la France, que ce soit au niveau du commerce de l’armement, de l’aviation ou même des produits de luxe, et cela sans évoquer la centaine de milliards d’euros d’investissements que la Chine injecte dans l’économie française.
Le Jour d’Algérie, 23 mars 2021
Tags : France, Chine, diplomatie, Ouïghours, Taïwan, Antoine Bondaz,
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