Algérie : Un prêche dans le désert ?

par Abdelkrim Zerzouri


Quelle probabilité a-t-il cet appel du ministre des Affaires religieuses, qui plaide pour une application des règles de la jurisprudence islamique, en matière de vente et en concrétisation du principe de miséricorde, à l’approche du mois sacré de Ramadhan, d’être entendu par les commerçants ?

Les principes de charité et de générosité sont à chercher ailleurs, chez les particuliers, les anonymes, ainsi qu’au niveau des actions de solidarité citoyenne et étatique, qui font de ce mois sacré un parfait exemple de l’entraide sociale. Hors de ce cadre, c’est la jungle.

Les commerçants, eux, qui jeûnent et qui font les cinq prières, ainsi que les tarawihs, ne voient pas leur comportement cupide comme une attitude contraire à l’esprit de la Chariâ. C’est là, peut être, le plus grand décalage entre les principes religieux et les pratiques commerciales qui, loin du riba, laissent croire, presque légitimement, que tout est permis pour faire des gains licites dans le cadre commercial de la liberté des prix et l’accord mutuel, y compris tacite, entre vendeur et acheteur.

Quand quelqu’un accepte d’acheter un produit à un prix fixé par le commerçant, sans intérêt usuraire, sans pression ou autre chantage d’une quelconque forme, la transaction obéit au principe de la Chariâ et le commerçant peut dormir tranquille. D’autre part, le commerçant est le dernier maillon de la chaîne, et il arrive que la spéculation contribue à l’augmentation des prix des marchandises à d’autres niveaux invisibles avant d’atterrir sur les étals du commerçant, pourquoi alors lui en vouloir et lui rappeler qu’il doit se conformer à la Chariâ ?

Les autres, ceux qui recourent au monopole et à la spéculation pour parvenir à la flambée des prix, ils font fi de tous les principes de probité et d’honnêteté. Les spéculateurs ne sont pas des commerçants, et ils n’ont aucunement la prétention d’accéder, comme l’a promis le messager d’Allah (QSSSL), au rang des compagnons des prophètes et des martyrs. Leur souci unique est de faire des affaires durant ce mois sacré pour couvrir les dépenses ou les pertes de toute une maigre année à cause des restrictions dues à la crise sanitaire. Il est fort à craindre que plus que tout autre mois de Ramadhan, celui de cette année s’annonce, pour les spéculateurs, comme un mois salvateur pour combler le trou de plusieurs mois de disette.

Il n’y a qu’à prendre ce petit exemple frappant de l’huile de table qui fait l’objet d’une forte spéculation, sans aucun égard aux principes ou règles de la jurisprudence islamique. Il est toujours utile de sensibiliser, à la veille du Ramadhan, les commerçants afin de leur rappeler qu’il ne sert à rien de jeûner toute la journée, faire ses prières et aller au détour mettre le feu aux prix. Pourrait-on espérer qu’un jour, aujourd’hui plus que jamais, en raison de la crise économique, nos commerçants se préoccupent de leur spiritualité plutôt que de leur comptabilité et revendent les produits sans s’assurer une trop grosse marge bénéficiaire durant ce mois de piété ?

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Le Quotidien d’Oran, 30 mars 2021

Etiquettes : Algérie, Ramadhan, prêche, prix, produits de consommation,

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