Sahara Occidental : Ce que le Maroc veut, ce qu’il obtient et ce qu’il doit faire

Depuis le 13 novembre 2020, l’expansion et l’occupation du Royaume du Maroc vit dans un brouhaha diplomatique, politique et militaire sans précédent après qu’il se soit assuré de son échec total à continuer de parier sur le fait accompli au Sahara Occidental comme statut final et de sa certitude et conviction que l’erreur de Guerguerat était fatale à tous points de vue le conduisant à un destin inconnu et au bord de l’effondrement total.

Le discours de M. Guterres le vendredi 7 mai devant les représentants des Etats membres de l’Assemblée générale des Nations Unies n’était pas du tout innocent. Le fait qu’il ait dit qu’il avait soumis 12 candidats pour le poste d’envoyé personnel depuis la démission de M. Kohler, et qu’il ait admis qu’il n’y avait pas d’envoyé personnel jusqu’à présent, est une tentative misérable de M. Guterres pour couvrir le rejet par le Maroc de sa dernière proposition, l’Italien M. De Mistura, mais M. Dujarric l’a dit d’une autre manière lorsqu’il a confirmé que « Guterres continuera à proposer d’autres noms pour le poste de l’ONU. »

Ce rejet s’inscrit pleinement dans la politique de confusion et de perte de repères que mène aujourd’hui le Maroc.

– L’adhésion à l’Union africaine s’est transformée en malédiction après la récente décision du Conseil africain de paix et de sécurité et l’échec de toutes les tentatives d’influencer la réalité sahraouie.

– L’erreur de Guerguerat en août 2016 a été fatale à tous points de vue, et la guerre qu’il n’avait pas du tout voulue et à laquelle il n’était pas prêt a repris le 13 novembre 2020.

– L’ouverture de consulats dans les villes occupées du Sahara occidental et la dilapidation de l’argent des contribuables marocains au profit de fonctionnaires corrompus n’ont rien arrangé, ni même empêché la tenue du sommet du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine…

– La décision de Trump a transformé une malédiction et a donné à la question sahraouie une nouvelle dimension et plus de visibilité qui n’aurait pas eu lieu sans la politique de marchandage sur laquelle le Maroc a parié.

Tout a échoué, et tout a basculé à 180 degrés sans avertissement préalable.
Le Maroc ne sait plus ni ce qu’il veut ni de qui il peut obtenir quoi.

– Le Maroc a attaqué l’État du Kenya pendant sa présidence de la réunion prévue du Conseil africain de paix et de sécurité, après ses tentatives infructueuses pour l’empêcher d’avoir lieu.

– Le Maroc a réprimandé la Mauritanie en la tenant pour responsable d’avoir reçu l’envoyé du président sahraoui, M. Al-Bashir Mustafa Al-Sayed, sans son autorisation préalable.

Ce que veut le Maroc

– Le Maroc veut que l’Union africaine reste à l’écart de la question sahraouie, et en même temps il veut que l’UA exclue la république sahraouie qui est un membre et un État fondateur de l’UA, violant ainsi l’acte constitutif et la charte de l’UA.

– Le Maroc veut que les États-Unis d’Amérique s’en tiennent à la décision de Trump et impose même sa volonté à l’administration Biden en affirmant que la déclaration présidentielle est juridiquement contraignante, et que son administration doit légitimer l’occupation marocaine du Sahara occidental pour maintenir ses relations avec Israël. En outre, le Maroc veut forcer la nouvelle administration américaine à accepter que l’Iran est dans la région soutenant le Polisario et que la Chine est dans la région, et aussi la Russie, le Hezbollah, les Houthis, et, …. comme si les États-Unis ont besoin du Maroc pour savoir ce qui se passe dans le monde.

Le Maroc veut que les Nations Unies nomment un envoyé personnel du Secrétaire Général des Nations Unies au Sahara Occidental, soit du Maroc, du Sénégal ou du Burkina Faso, et la seule solution viable pour être sur la table des négociations est l’autonomie, et pour la Minurso de ne pas surveiller les droits de l’homme, les ressources naturelles, ou quoi que ce soit mais de surveiller exclusivement le cessez-le-feu. Quant à la mission des Nations Unies, le Maroc souhaite qu’elle soit une antenne du ministère de l’Intérieur marocain.

– Le Maroc veut que l’Espagne obtienne son accord pour recevoir le président sahraoui Ibrahim Ghali pour un traitement médical et donner à Rabat le droit d’administrer les tribunaux et le système judiciaire espagnols et de juger n’importe qui par n’importe quelle sentence selon les mesures du roi marocain. En outre, le Maroc veut être celui qui détermine les relations extérieures de l’Espagne et ses relations internationales, décidant ainsi avec qui l’Espagne doit traiter et avec qui elle ne doit pas, exactement comme la France le fait avec le Maroc lui-même, sur la base du traité d’Aix-les-Bains.

– Le Maroc veut que l’Espagne aborde les droits de l’homme exactement comme il le fait. Le Maroc a une histoire complètement sombre dans le domaine des droits de l’homme, et parle d’oppression, d’arrestation et de viol comme s’il s’agissait de la Suède ou de la Norvège.

– Le Maroc veut que l’Allemagne bénisse la décision de Donald Trump, que l’Amérique elle-même n’a pas béni, et qu’elle reconnaisse la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. En outre, il demande à l’Allemagne d’inclure le Maroc dans les réunions sur la sécurité et la paix qui concernent des régions avec lesquelles le Maroc n’a pas de frontières, et que l’Allemagne ne prenne aucune décision concernant ses affaires intérieures ou extérieures, ni aucune position, sauf après l’avoir consulté ; la diplomatie marocaine qui est dotée de sagesse et de droiture absolue alors que le Maroc lui-même reçoit ses ordres de la France.

– Le Maroc veut que l’Union européenne légitime son occupation du Sahara occidental, soutienne ses positions, pousse l’UE à piétiner ses décisions, ses institutions et les positions de ses pays, et dise que le front Polisario vole l’aide humanitaire, qu’il recrute des enfants pour la guerre et viole les droits de l’homme, sinon quel est le sens du partenariat si de telles allégations sans fondement ne sont pas adoptées par cette organisation continentale.

– Le Maroc veut que la Grande-Bretagne n’adopte pas une position qui soutient le respect du droit du peuple sahraoui à l’autodétermination et piétine les décisions de justice et permette le pillage illégal des ressources naturelles du peuple sahraoui.

– Le Maroc veut qu’Amnesty International accuse le journaliste marocain emprisonné Omar Radi de servir des parties étrangères et d’espionnage.

– Le Maroc veut que Human Rights Watch reconnaisse que les autres journalistes éminents, Raissouni et Bouachrine, sont des délinquants sexuels, des violeurs et des trafiquants d’êtres humains.

– Le Maroc veut que The Front Line dise que le penseur marocain et défenseur des droits de l’homme Muaati Monjib est un voleur qui a volé des fonds publics et a été arrêté pour corruption.

– Le Maroc veut que Reporters sans frontières dise que la liberté de la presse est meilleure au Maroc qu’en Suède, en Norvège et au Danemark.
Et pour le chantage, et alors que la corde se resserre sur son occupation militaire brutale du Sahara Occidental, le Maroc tire chaque fois une carte et la jette sur la table en menaçant le monde de l’apocalypse à venir ; les cartes du terrorisme, de l’immigration illégale, du trafic humain et de la drogue.

Ce que le Maroc obtient

Alors, qu’est-ce que le Maroc a gagné de cette tension omniprésente, si ce n’est un échec ?
Le régime de Rabat doit maintenant récolter les fruits de son arrogance

– Le ministre espagnol des affaires étrangères dit au Maroc, en langage diplomatique, que la politique intérieure espagnole ne concerne en rien le Maroc, et que le partenariat ne signifie pas le traité colonial d’Aix-Les-Bains.

– Le ministère allemand des affaires étrangères, de son côté, confirme que sa position sur la question sahraouie est fixe et ne s’écarte pas de la solution de l’autodétermination.

– Le ministre britannique des Affaires étrangères réaffirme la position de la Grande-Bretagne en faveur du droit du peuple sahraoui à l’autodétermination et souligne la nécessité de respecter les décisions de justice concernant le dossier des ressources naturelles.

– De hauts responsables politiques des États-Unis d’Amérique qui sont considérés comme des références de leur politique étrangère, de Baker à Ross en passant par John Kerry et John Bolton affirment que le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination et à l’indépendance est inaliénable et ils parlent pour la première fois du modèle d’État du Sahara Occidental et de sa viabilité.

– La nouvelle administration américaine reconnaît l’existence d’une guerre entre l’armée de libération du Polisario et le Maroc et exprime une position qui n’a rien à voir avec Trump lors de la dernière réunion du Conseil de sécurité.

– Ce même département d’État américain a explicitement et instantanément démenti ce que le ministre marocain des Affaires étrangères avait déclaré par le biais du correspondant du site d’information Exion, Barak Rafid, affirmant que l’administration Biden ne reviendra pas sur la décision de Trump concernant le Sahara occidental et le Maroc.

– Le Maroc s’est bousculé auprès de l’American Israeli Public Affairs Committee appelé AIPAC pour obtenir le soutien de l’organisation à la décision de Trump, ou au moins obtenir des garanties que la décision de Trump au niveau des États-Unis d’Amérique restera en vie, même pour un petit moment, mais le Maroc n’a obtenu ni cela ni le premier.

– L’Iran condamne la tentative du Maroc de l’impliquer dans des problèmes qu’il n’a pas réussi à résoudre.

– La Libye se dirige vers une véritable solution sans le Maroc, et le Mali progresse vers la stabilité sans le Maroc.

– L’Union européenne renouvelle ses positions et dément la propagande du Maroc sur l’enrôlement d’enfants dans la guerre par le Polisario et réfute les affirmations du Maroc sur la question de l’aide humanitaire.

– Depuis Genève, les Nations Unies mettent en garde le Maroc : « torture et persécution judiciaire, menaces et surveillance constante, une grave agression contre les défenseurs des droits de l’homme au Sahara Occidental. Les deux rapporteurs spéciaux de l’ONU sur les défenseurs des droits de l’homme et la liberté d’expression ont exprimé leur préoccupation quant à l’absence de sécurité et l’existence d’un environnement hostile pour les défenseurs des droits de l’homme au Sahara occidental et au Maroc.

– Enfin, la Croix-Rouge internationale exprime ses regrets de ne pas être en mesure de mener à bien sa mission dans les villes sahraouies occupées.

– Et sur le terrain, les bombardements de l’armée sahraouie se poursuivent et s’intensifient de manière disproportionnée, et les ramifications destructrices de la guerre contre les troupes d’occupation marocaines ne peuvent être occultées par personne aujourd’hui.

Ce que le Maroc doit faire

Par conséquent, devant ces portes hermétiquement fermées, vers quelle direction l’occupation marocaine se dirige-t-elle aujourd’hui ?

Pourtant, une seule porte est ouverte pour le Maroc ; le respect du droit inaliénable du peuple sahraoui à l’autodétermination et à l’indépendance à travers un référendum équitable et démocratique pour mettre fin au chapitre du colonialisme non seulement au Sahara Occidental occupé mais aussi en Afrique.

Mohamed Salem Ahmed Labeid

Sumoudsh, 9 mai 2021

Etiquettes : Maroc, Sahara Occidental, Espagne, Allemagne, Front Polisario, Etats-Unis,

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