Raul M. Braga Pires*
L’interrogation du titre vient de Menas Associates sur menas.co.uk, mais il pourrait aussi s’agir de ce titre de RFI, “Une douzaine de “touristes” russes interpellés dans une “zone rouge” au nord du Tchad”, ce qui va aussi dans le sens de notre propos d’aujourd’hui, exprimé dans le titre.
Tout d’abord, il y a un scénario de balkanisation, surtout du Sahel occidental, qui est aussi l’équivalent du G5-Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad), avec le Mali, le Niger et le Tchad qui ont des gouvernements, l’un fragile et les deux autres expérimentés. La Mauritanie a également sombré dans un “cas Socrate” version ex-président Mohamed Ould Abdel Aziz, condamné à la prison et lui aussi sombré dans les ressources d’exception, peut s’étendre à tout le tissu politique mauritanien, puisque tout est tentaculaire dans la gestion des affaires publiques. Une autre balkanisation est celle des groupes djihadistes qui entretiennent des maisons mères dans Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et “État islamique”, qui se mélangent et encouragent également la formation de milices de défense tribales, balkanisant encore plus et gérant les équilibres, comme un État dans l’État.
Une autre rupture récente, dont la France est le protagoniste en mettant fin à l’opération Barkhane, ouvrant l’angle aux Russes, catapulte le Mali et le Sahel occidental dans l’illusion de la perte de contrôle de l’ancien colonisateur dans sa zone d’influence. C’est précisément l’influence qui est le vrai pouvoir et la Russie n’envahira pas le Sahel avec des troupes, elle enverra plutôt des dizaines de conseillers militaires, euphémisme pour Intelligence, entrant sérieusement dans le vrai jeu que tout le monde joue là-bas depuis le premier jour, à savoir le jeu d’influence que l’on ne peut atteindre qu’en obtenant l’information avant l’autre. Cette certitude projette également le G5-Sahel vers une guerre froide régionale, dans le large cadre africain des “guerres d’influence” et des mini guerres froides.
Cette guerre froide interviendra également dans un autre débat, celui de la survie de l’OTAN et de sa voie potentielle vers le contrôle absolu de l’Atlantique Nord, c’est-à-dire en assumant une intervention de facto jusqu’à l’équateur, en plus de maintenir également une large zone stratégique de Vancouver à Vladivostok.
Dans le jeu des équilibres, une intervention de l’OTAN au Sahel, à un moment où l’influence russe s’accroît au Mali, pourrait donner à la Russie des raisons de promouvoir son “pacte de Varsovie sahélien”, un revers dans le récit de la victoire qui vient de 1991. En d’autres termes, cette contrainte pèsera sur le processus décisionnel de l’Alliance pour une autre raison consécutive au scénario précédent. Si les Russes font la promotion de leur “Pacte de Varsovie sahélien”, cela ouvrirait également la voie à la Chine pour promouvoir son “groupe africain non aligné”. Un autre revers.
Là encore, tout dépendra du bilan de l’évolution de la dynamique djihadiste, qui a pris de nouvelles habitudes pendant la pandémie et qui aura son mot à dire, en termes de modus operandi, dans l’après-pandémie, une réalité encore inconnue. Il faudra attendre 2024, une année certainement créative et riche en excès !
*Politicien/arabiste
www.maghreb-machrek.pt
Diario de Noticias, 25 juin 2021
Etiquettes : Sahel, Mali, G5-Sahel, Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad,
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