Les Bleus : Zidane à la place de Deschamps?

par Paris : Akram Belkaïd

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L’équipe de France de football ne sera donc pas championne d’Europe. Elle ne réalisera pas l’exploit de l’Espagne qui, après son sacre de 2008, fut de nouveau championne d’Europe (2012) après avoir remporté la Coupe du monde (2010). Le sport-roi est ainsi fait. Aucun match n’est gagné à l’avance même si rares étaient celles et ceux qui s’attendaient à une victoire de la Suisse, équipe, au demeurant, remarquable par son jeu offensif, sa discipline et sa solidarité.

Le football raconte toujours des histoires humaines, faites d’abnégations, d’espoirs mais aussi, et surtout, de déconvenues. Exception faite de quelques joueurs bénis par la providence, la défaite y est toujours plus fréquente que la victoire. On dira que des grands clubs gagnent souvent. C’est vrai, mais, in fine, ils perdent quand arrive l’heure de vérité, le moment où seuls les grands demeurent mais où un seul élu est consacré. Exemple : Lionel Messi et le FC Barcelone ont beaucoup gagné ces six dernières années mais, au final, ils ont toujours éprouvé le goût amer de la défaite et de l’élimination lors des grands rendez-vous européens, autrement dit ceux qui comptent le plus. Battre Getafé est banal, voire normal, mais s’incliner face au Bayern de Munich, de Liverpool ou de l’AS Roma en Ligue des champions est une défaite qui pèse bien plus que dix victoires en Liga.

Les joueurs français qui ont remporté la Coupe du monde de 2018 sont passés dans une autre dimension. Revanchards, car ayant perdu chez eux la finale de l’Euro 2016, attendus au tournant par la presse hexagonale, leur victoire fut alors une consécration. Ils l’ont vue comme le début d’une épopée et, ce faisant, leur manière d’être a changé. Ils sont devenus les maîtres du monde. Ce fut donc le début des ennuis pour l’entraîneur Didier Deschamps. Certes, lui aussi a été, en tant que joueur, champion du monde et champion d’Europe. Certes, lui aussi a vécu une belle carrière avec ses clubs. Certes, enfin, il est l’entraîneur qui a sorti le football français de l’ornière en l’emmenant au sommet.

Oui, mais voilà, les joueurs qu’ils dirigeait en 2018 ont changé. Champions du monde, ils étaient persuadés que rien ne pouvait les arrêter durant cet Euro. Ils estimaient que le temps n’était plus où il leur fallait ronger leur frein, sacrifier leurs égos à la cohésion de l’équipe et endurer les compromis pour atteindre la consécration. Forcément, les rapports avec le sélectionneur ont changé et il était devenu plus difficile pour ce dernier d’imprimer sa marque et de se faire respecter. On l’a bien vu durant le match contre la Suisse ou même avant. Des joueurs qui ne veulent pas sortir (Coman), d’autres qui refusent d’appliquer le repositionnement tactique demandé (Pogba), certains qui exigent de ne jouer qu’à tel ou tel poste (Mbappé, Griezmann)…

Comment l’Espagne a-t-elle pu réaliser l’exploit de la passe de trois : 2008-2010-2012 ? Il y a deux explications. La première est qu’elle était composée de joueurs ayant, par ailleurs, tout gagné ou presque et donc habitués à vivre et jouer entre «grands égos ». Une situation où la maturité et l’intelligence relationnelle sont primordiales. L’image d’un Mbappé, véritable Narcisse obsédé par ses statistiques et boudant sans cesse démontre que ce n’était pas le cas pour la France. La seconde concerne l’entraîneur. En 2008, l’Espagne remporta l’Euro avec feu Luis Aragonés à sa tête. Dès la fin du tournoi, ce dernier laissa sa place à Vicente Del Bosque qui emmènera la Roja au titre de championne du monde (2010) puis d’Europe (2012).

Changer d’entraîneur, le remplacer par un homme au palmarès prestigieux (ce qui était le cas de Del Bosque), fut une manière d’envoyer un message à des joueurs portées aux nues par la presse et l’opinion (En 2008, l’Espagne sortait d’une longue disette footballistique, la dernière victoire majeure remontant à… 1964). Une sorte de remise à zéro des compteurs obligeant les joueurs à ne pas se croire (totalement) installés dans un statut d’indéboulonnables. Conclusion, il n’est jamais bon qu’une équipe nationale soit trop longtemps entraînée par le même homme. D’ailleurs, en 2014, l’Espagne de Del Bosque fut piteusement éliminée de la compétition.

Il n’est pas certain que Didier Deschamps s’en aille. Il veut être présent pour la Coupe du monde de 2022 et ambitionnerait d’être le premier entraîneur à la gagner deux fois de suite. Mais il est évident que son remplacement par Zinedine Zidane pourrait permettre de remettre de l’ordre dans la maison bleue et recadrer certains joueurs qui filent un très mauvais coton. On pense notamment à Kylian Mbappé, « enfant tyran » pour reprendre l’expression d’une amie psychiatre, à qui il serait utile de comprendre que monde est fait de limites et de règles. En 2018, c’était un joyeux outsider de 19 ans qui amena fraîcheur et spontanéité. Trois ans plus tard, le football business l’a complètement transformé – pouvait-il en être autrement ? – au point d’en oublier une règle essentielle : dans une équipe, à moins d’être Pelé, Maradona, Platini, Cruyff ou Zidane, on ne dicte pas sa loi au sélectionneur et à ses camarades.

Terminons cette chronique par le cas Benzema. Quelques minutes après la défaite, la fachosphère et tout ce que la France compte comme racaille raciste et islamophobe a trouvé l’explication. C’est son retour qui aurait «déréglé» l’équipe de France et provoqué les tensions et jalousies en interne. Un discours sournois qui passe sous silence la réussite de l’attaquant pendant le tournoi et qui, surtout, fait mine d’oublier que ces tensions existaient depuis des mois, opposant notamment Griezmann et Mbappé. Des querelles d’égos et des rivalités que Deschamps a décidé de trancher en faisant appel au meilleur joueur français du moment.

Le Quotidien d’Oran, 05/07/2021

Etiquettes : France, Les Bleus, séléction nationale, équipe française, football, Zineddine Zidane, Didier Deschamps, Euro, Championnat d’Europe, entraîneur,

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