Tunisie: Espoir permis ?

par Abdelkrim Zerzouri

La situation en Tunisie est-elle plus préoccupante aujourd’hui qu’hier ? Dans la tourmente dix ans après une révolution chevillée entre les embarras de la politique et la crise économique, cette « jeune démocratie » n’a pas eu une croissance espérée par le peuple tunisien.
Durant ces dix dernières années, c’est le dépit et l’amertume qui dominent les sentiments dans la rue. Les mêmes causes qui ont provoqué la révolution et la chute de l’ancien régime sous la présidence de Ben Ali sont toujours en place.
Chômage endémique, frustrations sociales, corruption et une crise économique accentuée par la crise sanitaire, qui a fortement impacté la principale rentrée en devises du pays, en l’occurrence le tourisme, ont fini par précipiter la chute d’un système malmené par les dirigeants qui se sont succédés aux postes de responsabilité au niveau du Parlement et de l’exécutif.
En dégommant d’un trait tout ce beau monde, gel des activités du Parlement, limogeages du Premier ministre, du ministre de la Défense et de la porte-parole du gouvernement Hasna Ben Slimane, également ministre de la Fonction publique et ministre de la Justice par intérim, le président tunisien Kais Saied entend remettre de l’ordre dans son pays, pour faire face à un « péril imminent », voire un péril réel, comme il l’a soutenu, avouant implicitement qu’il est en retard quand il est passé ces deux derniers jours à l’application de l’article 80 de la Constitution, qui l’autorise à agir en conséquence, tout faire, pour parer à ce péril.
Bien sûr, les tunisiens sont divisés face aux décisions du président Kais Saied, il y a ceux qui soutiennent ces décisions avec des réserves, dont l’influente centrale syndicale (UGTT) et une large partie de la population fatiguée par les querelles politiques et l’absence de solutions aux maux socioéconomiques qui rongent la société, et ceux qui sont contre, qu’on recrute parmi les partisans du parti Ennahda, notamment, criant au «coup d’Etat contre la révolution et contre la Constitution».
Le danger réel est là, ces deux camps foncièrement opposés qui risquent de plonger le pays dans une violence qu’il a su éviter durant la révolution qui a provoqué la chute de Ben Ali. Le président tunisien réussira-t-il à sauver son pays de ce tsunami qu’il a, lui-même, déclenché ? Tout porte à croire qu’il ne s’arrêtera pas à ces décisions de limogeages, étant déterminé qu’il est à s’attaquer aux racines du mal, la moralisation de la vie politique et la fin de l’impunité. L’interdiction de quitter le territoire national tunisien, qui aurait été notifiée à plusieurs hommes politiques et hommes d’affaires, et la levée de l’immunité dont bénéficiaient certains parlementaires, annoncent une mise en branle de la machine judiciaire contre des suspects pour leur implication présumée dans des affaires de malversations et autres trafics d’influences. Mais, même en accomplissant ces missions avec doigté, il reste encore à craindre la persistance de la grogne sociale. Car, la situation est désespérée sur le plan économique, nécessitant dans l’immédiat un prêt de quelques 5 milliards d’euros pour boucler le budget de l’Etat durant l’exercice 2021. Dans sa solitude, le président tunisien a besoin de courage et du soutien de ses concitoyens.
Etiquettes : Tunisie, Kaïs Saïed, 
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