Abdelaziz Bouteflika : la fumisterie politique

Par Mustapha Hadni

Pour tenter de comprendre la longévité du règne de Bouteflika et ses effets dévastateurs sur le pays dans les différentes strates de la société, il convient de revisiter, d’une part, les conditions historiques et politiques qui ont précédé son intronisation à El Mouradia et déceler, d’autres part, les leviers et les mécanismes s’appuie de l’exercice de son pouvoir.

Après l’ouverture frelatée, issue des événements d’octobre 1988, l’Algérie se retrouve en 1991 au bord d’un gouffre sans fond. L’installation annoncée d’un état théocratique mettait en danger l’état-nation et l’exclusion programmée de la démocratie est alors inéluctable. Profitant d’un désenchantement national né de la faillite provoquée du système national, les islamistes intégristes menacent l’identité Algérienne dans sa vocation ancienne de progrès, de tolérance et de liberté.

La direction suprême du pays, rappelle alors Mohamed Boudiaf de son exil marocain pour lui confier la tâche difficile de sauver le pays d’un imminent péril national. S’adressant à une jeunesse frustrée et contestataire du système, le père fondateur du FLN historique clame sa fidélité au projet du mouvement national, aux idéaux de la révolution de Novembre et à sa doctrine politique. Il croyait à une Algérie libérée de toutes les oppressions et archaïsmes, et tournée résolument vers la modernité.

Au bout de six mois, il est assassiné et l’espoir tant suscité fut de courte durée. Cette brève parenthèse d’enchantement national cède à la folie meurtrière des partisans de l’état théocratique. Des années durant, le peuple Algérien fait face à un combat inégal et à une période de dérives et de barbarie sans précédent dans l’histoire de l’humanité, en dépit du déficit de consensus national contre l’islamisme totalitaire, et souvent, dans l’indifférence totale des sociétés occidentales. Ce moment douloureux a été pour le peuple Algérien une grande épreuve nationale suscitant diverses formes de solidarité, de lutte, d’organisation efficace, de prise de conscience nationale, au cours de laquelle ont été tramées des conspirations contre l’Algérie et son idéal démocratique.

C’est à la fois dans les conditions d’une posture victorieuse contre la nébuleuse islamiste armée et face à l’épuisement national que s’installe aux commandes Abdelaziz Bouteflika. Vingt ans de règne, durant lesquels, il substitut le système, par un sous-système, cynique, machiavélique, perfide, paternaliste, et falsificateur, et ce, dans le même état d’esprit à contester et à nier l’Algérie démocratique. Il le bâtit sur deux fondements : les structures sociales archaïques et la rente.

C’est sur le terrain encore vulnérable des tentatives néfastes du conservatisme social et religieux, sous couvert d’initiatives plus partisanes que politiques, et dans un cadre planifié et élaboré que le sous-système revigora d’une manière persistante les structures tribales, claniques, ethniques et religieuses. Elles constitueront, d’emblée, le soubassement de la force d’encadrement du sous-régime sociétal, avant de bâtir une oligarchie financière qui s’érige en forteresse de corruption et de prédation, où se cristallise plusieurs forces financières aux trajectoires plurielles pour finir par être des détonateurs.

Enfin, l’évolution la plus marquante a trait au transfert de la dominance dans le sous-système politico-social de l’instance politico-ideologique aux forces économiques prédatrices. Ces dernières sont constituées essentiellement d’une oligarchie compradore qui doit sa richesse à sa collusion à l’appareil politico-ideologique du sous-système, qui s’est approprié les segments important de l’économie nationale. Pour Bouteflika, le pouvoir de la finance et les structures sociales archaïques ont la vertu – pour lui- de réduire à l’impuissance le peuple Algérien. Plus soucieux par sa longévité au pouvoir que par le devenir du pays, Bouteflika, empêchera, incontestablement, l’édification d’une entité nationale liée au progrès moderne sous toutes ses formes et l’émergence d’une conscience positive éclairée du peuple : un idéal Algérien qu’il a combattu et sans cesse contesté.

L’Algérie, un pays pourtant riche de ses hommes, de son passé, de son histoire et de ses ressources vit, vingt ans durant, d’emprunts faits à des idéologies aberrantes et à d’affligeants simulacres culturels et économiques qui ne reflètent aucunement le but digne d’un peuple tourné résolument vers l’avenir. En définitive, le pays subit deux décennies de régression politique, culturelle et éducative, dont les répercussions se ressortiront à très long terme.

L’histoire Algérienne retiendra, de toute évidence, que ce règne est des plus longs et dévastateurs de tous les pouvoirs post-independance, et que par son caractère foncièrement anti-national, porte dans son essence même, les germes de sa propre destruction. Les Algériennes et Algériens, depuis l’avènement du mouvement populaire se sont réappropries leur pays et vivent, depuis, aux rythmes de la révolution du sourire, pendant que Bouteflika, chassé du pouvoir, vit dans la déchéance et que ses courtisans honnis par le peuple croupissent dans les geôles Algériennes.

L’Avant-garde, 26/06/2021

Etiquettes : Algérie, Abdelaziz Bouteflika, corruption, clientélisme, rente,

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