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Une des curiosités géopolitiques du Maghreb et du Grand Sahara est de vivre aujourd’hui un contexte de mutation, changeant, comme si les articulations sociales, politiques, militaires et économiques étaient en pleine déconstruction-reconstruction pour s’agglutiner à de nouveaux paradigmes.
Dans ce contexte trouble, caractérisé par la mise sur rails du « big reset », une sorte de programme occidental mondialiste qui cherche à faire table rase « de ce qui a été » pour mettre en place « ce qui doit être » et garantir la relance économique (qui sera profitable principalement et presque exclusivement aux puissances occidentales), l’information est devenue une marchandise décisive. La « guerre de basse intensité » que vit l’Algérie est essentiellement une guerre de l’information. Il est certain qu’elle persistera encore, avec les mêmes procédés, et que la guerre de plus haute intensité n’aura pas lieu, les données du contexte actuel ne le permettant pas.
Les portes sud de l’Algérie étaient déjà bonnes à surveiller comme le lait sur le feu, mais avec la présence des agents du Mossad aux portes sud de l’Algérie, il y a un souci supplémentaire à se faire. Car il faut garder une chose essentielle à l’esprit : les « enfants de Gédéon », comme aiment à se qualifier les agents de renseignement israéliens, font de la collecte de l’information puis de la diffusion de la désinformation une arme décisive.
Big reset en arrière-fond
Les attaques d’El Guerguarat, la reconnaissance par Washington de la pseudo-marocanité du Sahara occidental, l’ouverture d’un consulat émirati à Dakhla, l’assassinat de Déby, le coup de force contre Alpha Condé, la surenchère médiatico-diplomatique du Maroc et de ses alliés, le couloir tracé depuis le Machrek vers le Maghreb-Sahel pour faciliter le parcours des djihadistes, etc. tout cela, et d’autres signaux encore, avaient annoncé des tentatives de faire démarrer le « big reset », la grande réinitialisation, une des conséquences collatérales essentielles étant de « compartimenter » l’Algérie.
Un grand ami de l’État algérien, le ministre des Affaires étrangères de la Russie Sergueï Lavrov, avait à plusieurs reprises, et depuis plusieurs années, averti sur l’imminence de la mise en marche d’un plan pareil. « Un vaste complot se dessine contre l’Algérie », avait averti Sergueï Lavrov ; pour les renseignements russes, les djihadistes vont être évacués de Syrie, non seulement, pour ne pas y être exterminés, mais aussi, pour les concentrer en Tunisie, et en Libye, et accessoirement au Nord du Mali, pour les lancer sur le front algérien.
Il est certain que l’ordre traditionnel a été un moment donné bouleversé au profit des États émergents de la région. Même le Mali, peuple et pouvoir, on l’a vu, s’est tourné résolument, absolument et ostensiblement vers l’émancipation des puissances occidentales traditionnelles qui dominaient au cœur même de Koulouba. Le Niger, considéré comme le pays le plus pauvre de la planète, redresse la tête et réclame des rallonges subsidiaires à la France pour l’exploitation des minerais d’uranium d’Arlit. Le Tchad, après Déby, n’est plus aussi dépendante de l’Elysée, de même que la Mauritanie a cessé d’être le vassal docile qu’elle fut dans un passé récent.
Mettre l’Algérie, un souhait ancien…
L’ordre sécuritaire et informationnelle a été de ce fait revu et corrigé, avec une plus rigoureuse mise sous la loupe de tout ce qui se passe dans la région, d’autant que la guerre des tranchés entre, d’un côté, États Unis et France, et, d’un autre, Chine et Russie, a fait prendre conscience aux États de la région qu’ils avaient, et pouvaient avoir, un rôle important à jouer entre les puissances du moment.
Aussi épier, surveiller, espionner, prendre possession de l’information, diffuser la désinformation, etc. sont devenus des objectifs pressants pour Israël, qui a toujours cherché, après avoir mené à leur tombe les ex-puissances orientales du Front du Refus, à poser pied au Maghreb-Sahel. En normalisant sa présence (qui date en fait de 1963 déjà, à l’époque du patron du Mossad Meir Amit) au Maroc, le Mossad s’est aussi intéressé au Sahara, et s’est subrepticement installé au Nord-Mali, c’est-à-dire aux portes sud de l’Algérie, par le biais d’Israel Aerospace Industries, la société qui équipe les Casques Bleus de la Minusma. Aerospaciale industries, pour les profanes, est une entreprise israélienne de haute technologie spécialisé dans les équipements militaires et de protection. Son staff dirigeant est constitué d’anciens dirigeants et cadres du Mossad.
La « marchandisation » stratégique de l’information
Pegasus a certainement constitué l’alerte la plus sérieuse contre la menace israélienne et son obsession de l’information en priorité. Ce logiciel espion conçu et commercialisé dès 2013 par l’entreprise israélienne NSO Group est destiné à attaquer les téléphones intelligents sous iOS et Android. Installé sur l’appareil, il accède aux fichiers, messages, photos et mots de passe, écoute les appels, et peut déclencher l’enregistrement audio, la caméra ou encore le suivi de la géolocalisation.
C’est ainsi qu’Israel a contaminé toute la région, principalement le voisin marocain, qui, pour contrer l’hégémonie de l’Algérie, est prêt à s’embarquer dans toutes les compromissions. Les centaines d’agents de l’Unité 8-200, ses « geeks », ses armées de hackers, ses sayanim et ses agents hautement qualifiés dans le pillage et la collecte de l’information ont « marchandisé » l’information, n’importe quelle information, qui est devenu un produit vendable, exportable et hautement stratégique pour « stériliser », neutraliser ou désarticuler Etats et individus ; les fake news les deep fakes ne sont qu’un petit aperçu du carnage provoqué dans l’univers informationnel d’aujourd’hui.
Gédéon demeure le référent du Mossad, et tous ses agents s’en réclament. Gédéon est un personnage biblique de l’Ancien Testament (« Livre des Juges ») ; il renvoi, dans la Tora, à la victoire d’un petit groupe de juifs sur les Madianites, grâce à la perspicacité et au sens de l’information de Gédéon, qui a pu s’infiltrer nuitamment jusqu’au camp de ses adversaires, prendre possession d’informations capitales, pour, le lendemain, réussir à les vaincre sur le terrain.
L’Express, 07/10/2021
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