Quid du défi lancé par le gouvernement malien à la France ?

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Sur un ton de défi, recrudescent et rare contre la France, le gouvernement malien a accusé Paris d’avoir créé une « armée » dans la ville de Kidal (nord), mise à la disposition du groupe « Ansar Eddine », allié avec l’organisation Al-Qaïda. Au-delà de ce ton, Bamako a osé convoquer l’ambassadeur français au Mali et est sur le point de signer un contrat avec la compagnie russe Wagner pour engager un millier de mercenaires, et ce en dépit de l’opposition de Paris.

Le Mali a également reçu quatre hélicoptères militaires de la Russie, ce qui a provoqué la colère des responsables français, qui considèrent le Mali comme faisant partie de leur pré carré. Le Président français Emmanuel Macron qui devra faire face à des élections décisives, le printemps prochain, s’est engagé récemment dans des affrontements diplomatiques avec plusieurs pays, en commençant par l’Australie et les Etats-Unis d’Amérique (affaires des sous-marins à propulsion nucléaire), ensuite face aux Etats du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie) avant d’attaquer à nouveau et de manière plus virulente encore l’Algérie, et c’est maintenant au tour du Mali de faire partie de cette liste.

C’est ce qui explique les attaque acerbes lancées par Macron à l’encontre du Chef du gouvernement malien, Choguel Kokalla Maïga, qu’il a considéré comme étant la « marionnette des putschistes. Maïga a rétorqué en qualifiant ces propos « d’inacceptables et de honteux ».

– La France forme une armée de « terroristes »

Cette déclaration violente de Macron a abouti à une escalade de Bamako contre Paris. Le Mali ne s’est pas contenté de convoquer l’ambassadeur français en poste à Bamako mais son Chef de gouvernement a adressé de graves accusations contre les forces françaises d’avoir ramené des terroristes de Libye pour les entraîner à Kidal (près des frontières maliennes avec l’Algérie).

Dans des déclarations faites à l’agence de presse russe Ria Novosti, Maïga a évoqué « la mise sur pied par les forces françaises d’une armée à Kidal, forces mises à la disposition d’un Mouvement composé de Ansar Eddine », précisant « qu’il possède des preuves en la matière ».

Le groupe « Ansar Eddine » est un mouvement armé, dont la majorité des membres appartiennent aux Touaregs, et est dirigé par Iyad Ag Ghali, chef du « Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), qui comprend en son sein plusieurs groupes armés évoluant au Mali, dont l’organisation « Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) considérée comme une organisation terroriste par plusieurs pays.

Maïga n’a pas décliné l’identité des terroristes ramenés par la France depuis la Libye. S’agirait-il de mercenaires africains (Tchad, Niger, Soudan) ou seraient-ils des Touaregs engagés par le leader libyen disparu, Mouammar Kadhafi, et qui sont retournés au Mali pour combattre le gouvernement central depuis 2012.

Toutefois, prétendre que la France a remis cette armée à un mouvement composé de « Ansar Eddine » est une accusation extrêmement grave, qui signifie que Paris s’est allié avec l’organisation Al-Qaïda ou avec l’une de ses branches dissidentes dans le nord du Mali.

Dans les deux cas, l’objectif demeure celui de déstabiliser le Mali et l’Algérie également, en particulier, si les mercenaires de Wagner accèdent au territoire malien.

La décision de Paris de mettre fin à l’opération « Barkhane » dans la région du Sahel et son retrait des villes du nord du Mali (Kidal, Tessalit, Tombouctou) signifient implicitement la livraison de ces villes au groupe « Ansar Eddine », dirigé par Ag Ghali.

En effet, les groupes armés des Touaregs et des Azawad sont incapables à faire face aux organisations terroristes dans la région et ont perdu dans leurs affrontements contre ces groupes, depuis 2012, en dépit d’une alliance qui a réuni les deux camps au début de l’attaque contre le nord du pays.

Les forces françaises, qui contrôlent effectivement le nord du Mali, s’emploient apparemment à former des éléments des Touaregs pour faire face aux organisations d’Al-Qaïda et de Daech au Sahara. Cependant, cette armée pourrait jouer un rôle dans la séparation de la région du Nord par rapport au gouvernement central de Bamako avec un réel risque de dislocation du pays, en cas d’affrontement avec « Ansar Eddine », et ce soit en raison du recours aux armes ou à cause des liens tribaux et ethniques.

Depuis 2017, Macron s’emploie à retirer les forces de son pays du Mali, mais ne souhaite pas montrer ce retrait comme étant une défaite personnelle, à quelques mois de la Présidentielle française.

Le chef d’Etat français ne souhaite pas rééditer ce à quoi les Etats-Unis ont été confrontés lors du retrait de leurs unités armées de l’Afghanistan en 2021 et du Vietnam en 1975.

Néanmoins, l’armée française pourrait expérimenter le plan de la vietnamisation, en usant d’un subterfuge auquel Washington a eu recours au Vietnam, qui rappelons-le a échoué, à travers la mise sur pied d’une armée à la solde de la France, composée de Touaregs, ce qui inquiète Bamako et l’armée malienne qui n’ont pas d’emprise sur le nord du pays.

Le Chef du gouvernement malien a reconnu que son gouvernement n’est pas en mesure de rallier Kidal actuellement, dans la mesure où cette ville est une zone « isolée » et contrôlée par la France, qui dispose de groupes armés sur place entraînés et instruits par des officiers de l’armée française.

Parmi les facteurs qui ont milité pour l’interdiction faite par la France à l’armée malienne de se déployer dans le nord d pays, il convient de citer l‘accusation d’avoir commis une épuration ethnique contre les Arabes et les Touaregs en 2013, ce qui a suscité les critiques de nombre d’Etats et d’organisations des droits de l’Homme.

– Les illustrations des tensions

Les récentes tensions entre Bamako et Paris sont générées par le refus du coup d’Etat conduit par le colonel Assimi Goïta, le deuxième depuis l’été 2020, sans coordination avec les autorités françaises ni leur aval.

De plus, les officiers qui ont conduit le putsch sont considérés comme étant proches de la Russie, qui dispute à la France l’influence au Mali, ce qui a provoqué la colère de Paris et l’a poussé à suspendre provisoirement ses opérations militaires.

Par la suite, le Président français a décidé de mettre fin à l’Opération « Barkhane » dans la région du Sahel, au mois de juin dernier, et de réduire le nombre des forces de son pays sur place pour les faire passer de 5100 soldats à 3000 éléments. Le pire demeure le retrait total des villes de Kidal, de Tombouctou et de Tessalit.

Bamako a considéré cette décision comme étant un abandon et le Chef du gouvernement malien l’a critiquée au cours d’une interview accordée à RFI le 27 septembre écoulé.
Il s’agit, a-t-il dit, d’une « annonce unilatérale sans coordination tripartite avec les Nations unies et le gouvernement malien ».

Maïga a indiqué que le Mali « regrette » cette décision, dès lors que le principe de concertation et de consultation, érigé en règle entre « les partenaires privilégiés », n’a pas été respecté lors de la prise de cette décision.

La réaction de Bamako a été rapide et imprévue, en prenant attache avec la Russie qui l’a équipé de quatre hélicoptères militaires de type Mi-17, de même que le gouvernement malien est sur le point de conclure un accord avec la compagnie russe Wagner, pour l’envoi de 1000 mercenaires au Mali en contrepartie de fonds et de privilèges dans le domaine minier (or, magnésium).

La France n’a pas accepté ce défi qui lui a été lancé par les nouvelles autorités maliennes, qu’elle considère comme étant « illégitimes, produit d’un putsch et qui ne contrôlent pas de larges parties du territoire du pays ». Paris estime que sans ses forces et les unités africaines et européennes alliées, Bamako tomberait sous les coups et les frappes des groupes terroristes.

De son côté, le Mali demeure insatisfait du fait que la France s’exprime en son nom dans nombre d’instances internationales, feignant d’ignorer les nouvelles autorités et ne respectant pas la souveraineté du pays.

Pour sa part, Paris ne voit pas d’un bon œil l’ouverture par le Mali de canaux de communication avec des groupes considérés comme étant terroristes tels que Ansar Eddine et le Groupe de Libération de Macina, pour les convaincre d’engager un processus de réconciliation nationale, comme cela s’est passé en Algérie il y a de cela deux décennies.

Des médias français, dont le journal La Croix, accusent le gouvernement malien d’exploiter l’animosité historique du peuple malien à l’endroit de la France pour créer de toutes pièces cette crise en vue de détourner l’attention de ses échecs et d’accroître sa popularité, en particulier, après l’annonce faite par Maïga d’un probable report, de plusieurs semaines voire mois, des élections présidentielle et législatives prévues le 27 février prochain, et ce en dépit des engagements offerts par le Conseil militaire à la Communauté internationale.

La visite du ministre algérien des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, à Bamako, est venue pour insuffler un plus grand soutien moral au gouvernement malien, qui a convoqué, le jour même, l’ambassadeur français pour protester contre les déclarations de Macron.

Cette concomitance a donné comme une impression de coordination entre l’Algérie et le Mali pour dénoncer les déclarations de Macron proférées contre les deux pays, d’autant plus qu’Alger a précédé Bamako pour convoquer l’ambassadeur français, ce qui a provoqué un embarras diplomatique pour Paris et une atteinte à son prestige dans ses anciennes colonies.

La situation semble s’orienter vers davantage de complications et d’escalade entre la France et le Mali, qui pourrait trouver dans le soutien russe et algérien une opportunité pour faire face à l’influence française dominante.

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