Macron réélu ? Il y a des chances si….

Macron réélu ? Il y a des chances si…. – France, élection présidentielle, colonisation française, exactions commises contre la population algérienne, Algériens disparus par milliers,

Le prochain président élu va-t-il pouvoir redorer le blason de son pays en ouvrant, aux historiens et chercheurs, pour la France et pour l’Histoire, en ouvrant les archives de la colonisation française, les opérations de police, de torture, les exactions commises contre la population algérienne, et les Algériens disparus par milliers entre les mains des parachutistes durant la « bataille d’Alger ». Un atout non négligeable pour Macron dans l’entre deux tours pour attirer les bulletins des Franço-Algériens qui voteront au second tour. « Si les Françaises et les Français et le monde entier ont fini par connaître le sort de Maurice Audin, et si Henri Alleg, échappé des griffes de ses bourreaux, a pu faire tant de bruit avec son livre « LA QUESTION », si des juges ont été contraints d’ouvrir des instructions, et si des tribunaux ont pu convoquer des témoins à leur barre, c’est que les accusateurs étaient des Français écœurés, peu nombreux certes, mais courageux, par tant de crimes contre l’Humanité, reconnus par Macron dans une de ses virées politiques en Algérie.

Pensait-il alors à ces milliers de victimes , la pauvre troupe des militants et des anonymes, des suspects et des innocents, des partisans de la juste cause et de ceux qui n’étaient coupables que de s’appeler d’un nom arabe ou d’habiter la Casbah, la triste, longue et innombrable multitude des misérables aux dents brisées et à la tête fracassée, aux poitrines défoncées, au dos déchiré, aux membres disloqués, cette misérable armée d’éclopés et de bancals, abrutis par les humiliations, ces héros de la honte ou ces naïfs que leurs tortionnaires ont rendu enragés?

Pensait-il à ces journaliers de la rue Annibal, les boulangers, les manœuvres et les dockers de l’impasse du Palmier, les comptables et les magasiniers, les bijoutiers et les laitiers de la rue de la Lyre, les conducteurs et les receveurs de trolleybus de la rue Caton, les commerçants, les chauffeurs, les imprimeurs de la rue des Coulouglis, les instituteurs, les maîtres d’internat, les médecins et les infirmiers de la rue de Chartres, les menuisiers et les coiffeurs de la rue Kléber, les cafetiers de la rue Bruce, les jardiniers de la rue du Sphinx, les cordonniers de la rue du Chat, les employés d’administration, les caissiers de la rue Salluste, les chauffeurs de taxi de la rue des Abencérages et de la rue du Divan, les bouchers de la rue du Centaure, les gargotiers, les marchands de légumes de la rue Jugurtha, les cheminots, les épiciers, les brocanteurs de la rue Marengo, les laitiers, les forains, les pâtissiers, les tailleurs de la rue de la Gazelle, les fleuristes, les miroitiers, les camelots et les plombiers de la rue de la Girafe et de la rue des Lotophages, tous ceux que les bérets rouges, les bérets noirs ou les bérets bleus allaient cueillir parfois dans les bains maures ou dans les mosquées, déversaient dans les chiourmes de Beni-Messous et de Ben Aknoun, enfermaient dans les grottes des villas des hauts d’Alger et du Sahel, enchainaient quelquefois par le cou et par les mains les uns aux autres comme des bêtes et interrogeaient pendant des nuits et des nuits avec des tenailles, des électrodes et des cigarettes.

En parlant de crimes contre l’Humanité, Macron avait-il connaissance des quatre-vingt-dix malheureux asphyxiés au printemps 1957 dans des cuves à vin de quelques domaines de la Mitidja, et sait-il comment se nomment ceux qu’on trouvait sur les plages et sur les brise-lames du port, ligotés dans des sacs ?

Peut-il nous dire ce que sont devenus tous ces Abdeddaïn, ces Abou, ces Achache, ces Adder, ces Aït Saada (ce qui veut dire les fils du bonheur), ces Amraoui qu’on a entendu crier toute une nuit, ces Asselah, ces Ayadi et Ben Ali, ces Bachara et ces Benbraham qu’on a ramenés chez eux pour fouiller leur maison, puis rembarqués, ces Barkate et ces Ben Moulay, ces Bendris et ces Baziz, ces Bécha et ces Bouabdallah* et ces Bouchakour, ces Bouderbel et ces Bouzid, ces Chouchi et ces Cheddad, ces Dahmane et ces Djegaoud, ces Diffalah et ces Djafer, ces Djanaddi, ces Douadi dont on a seulement repêché le portefeuille et les papiers, ces Djouder, ces Essghir, ces El Keddim, ces Fadli, ces Gaoua et ces Guenndour, ces Hamdani et ces Hammache, ces Issaadi, ces Kaïm, ces Kadem, ces Kherfi, ces Kherbouche, ces Laghouati, ces Mahieddine et ces Mabed, ces Madjene, ces Mammeri, ces Merouane dont on a volé les économies, ces Mimoun, ces Moktari, ces Nourine et ces Nachef, ces Ouamara et ces Ouaguenouni, ces Rahim, ces Sadfi, ces Sadi, ces Sakani, ces Sifaoui dont les corps ont été arrosés d’essence et brûlés, et tous les Slimi les Taalbi, les Tabarourt, les Tazir, les Touati, les Yaker, les Younsi, les Zouïche, les Zergoug, les Zigara et les Ziane,?

En quel martyrologe figurent-ils puisque la France que vous avez présidée a ordonné que « le secret le plus absolu » devait être assuré en ce qui concernait « le nombre, l’identité et la qualité des suspects arrêtés » ? Les réponses à toutes ces questions sont dans les archives que vous ne voulez pas « libérer ». C’est dans ces archives que vous bloquez au nom d’un prétendu secret d’Etat que nous trouverons tous ces noms, ces métiers et ces adresses qui sont égrenés ici, dans une terrible litanie, et qui ne sont évidemment pas inventés. Les extrait du Cahier Vert, publié en 1959 par Jacques Vergès, Michel Zavrian et Maurice Courrégé. En août 1959, ces avocats, en dépit de l’obstruction policière, avaient recueilli en quelques jours à l’hôtel Aletti quelque 150 « plaintes » de proches de disparus entre les mains des militaires.

La justice française n’en ayant cure, ils adressèrent ces plaintes à la Croix Rouge internationale, qui ne semble pas en avoir fait quelque chose. La plupart de ces disparus réclamés par leurs familles avaient été enlevés par les parachutistes à Alger en 1957. Toutes ces victimes et leurs dossiers sont bien cachés et mis au secret même après 62 ans. C’est pour tout cela que le futur président des Français, pourvu qu’il soit honnête avec lui-même et avec l’Histoire, devrait promettre d’ouvrir les archives de cette guerre ignoble qui a clôturé 132 ans de domination coloniale injuste et odieuse s’il veut augmenter ses chances de victoire. Qu’il autorise l’ouverture de ces archives toujours secrètes, que l’on puisse enfin fermer cette plaie encore béante, et qui empêche les citoyens des deux pays de penser à un avenir plus serein. Dire la vérité sur ce drame et contredire les propos de certains nostalgiques de l’Algérie française, à l’image des Le Pen ou encore du général Massu qui s’était offert, avant de disparaître, « un nouveau moment de gloire médiatique » en publiant un livre, assez drolatiquement intitulé « La Vraie Bataille d’Alger. L’ancien commandant de la 10ème Division Parachutiste prenait ainsi la part qui lui revenait de droit dans l’exploitation d’un juteux filon éditorial français : le mythe d’une « bataille d’Alger » remporté sur « le terrorisme » FLN, héroïsant sans vergogne les acteurs d’une sanglante répression de masse de plusieurs mois.

C’est à cela que pensait Macron en évoquant le crime contre l’Humanité dans l’Algérie coloniale ? Ne pas ouvrir les archives, c’est se faire le complice de Massu, Bigeard, Aussaseres et Le Pen. L’autre promesse que devrait faire Macron s’il veut recueillir les votes des émigrés en droit de voter et dont le nombre n’est pas négligeable, c’est de revoir les relations franco-algériennes qui sont de tous ordres: commerciales, scientifiques, techniques, mais surtout familiales.

Ce qui nous amène à parler des visas. Parler de visas en Algérie quand on vient de France, ce n’est pas juste parler d’un document administratif. C’est parler d’une histoire longue et douloureuse entre deux pays qui sont liés, l’un à l’autre, par des liens anciens et complexes. Revoir la politique d’octroi de visas pour les Algériens est essentiel. Actuellement, les refus de visa ne sont même pas motivés pour la plupart. Dans l’esprit orienté de certains fonctionnaires des ambassades et consulats français en Algérie, un visa est une faveur, non un droit. Alors que chaque famille vivant en Algérie a des proches, vivant en France, avec la nationalité algérienne ou avec la nationalité française. Ces proches, ce sont des cousins, des neveux mais souvent des fils, des filles, des parents, des conjoints aussi. C’est exercer une forme de chantage politique que de faire jouer la carte des visas.

Nous espérons qu’Emanuel Macron, une fois réélu, comprendra qu’il a plus d’intérêts à revoir sa position vis-à-vis de notre pays et répondra déjà à ces deux préoccupations que sont pour nous ces deux thèmes : Ouverture des archives et révision de la politique d’octroi des visas. Et s’il n’est pas réélu, nous n’aurions alors rien à attendre d’une présidente d’extrême droite dont on connaît d’avance le programme et les idées les mêmes que celle d’un Zemmour, dégagé dès le premier tour et qui appelle à voter Marine Le Pen, ce qui nous ferait craindre le pire pour nos compatriotes de l’autre côté de la Méditerranée en cas de victoire de l’extrême droite et des leurs alliances.

par Youcef Dris

Le Quotidien d’Oran, 14/04/2022

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