Diplomatie: Un hacker dévoile la stratégie du Maroc

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Des révélations sur les manœuvres de la diplomatie marocaine tombent régulièrement depuis début octobre 2014 sur le compte Twitter d’un certain @ chris_coleman24 .

Ainsi les détails sur les stratégies et les manigances des diplomates marocains, à New-York et Genève principalement, sont dévoilées.

Ces documents sortis pour la plupart du Ministère des affaires étrangères marocain et souvent marqués « confidentiels» traitent de divers aspects de la diplomatie marocaine et se rapportent à de nombreuses questions comme les activités et le financement du lobby pro-marocain actif jusque dans les plus hautes sphères des institutions onusiennes, les pratiques de trafic d’influence, les stratégies et les plans d’actions marocains pour empêcher la mise en œuvre des résolutions onusiennes (Conseil de sécurité) et des résolutions des rapports des mécanismes spéciaux du conseil des Droits de l’Homme notamment. Dans cette perspective, le Maroc réussit, dit-il, à se faire des « amis » parmi les fonctionnaires des gardes rapprochées des Haut Commissaires, celui des Droits de l’Homme et pour les réfugiés.

La question de la fiabilité de ses sources reste d’actualité. Mais il semble plutôt que les erreurs et les interprétations fallacieuses qui s’y trouvent proviennent des diplomates marocains euxmêmes qui doivent affirmer pour leur propre avenir que toute action favorable à la cause sahraouie (référendum du peuple sahraoui, dénonciations des Droits de l’Homme, conférence de presse, articles de journaux) doit être démentie et étouffée. Quelles que soient les méthodes.

La Suisse concernée

Les documents concernant Genève sont très nombreux. Ils concernent même l’influence de la diplomatie marocaine dans les rouages du pouvoir genevois comme l’invitation par le Maroc du Conseiller d’Etat genevois Pierre Maudet, « grand ami du Maroc ». Selon un document (05 juin 2013) de l’ambassadeur du Maroc auprès de l’ONU à Genève à son ministre des Affaires étrangères, Monsieur Maudet devait être remercié pour ses interventions à Berne qui avaient abouti à ce que le Président sahraoui Abdelaziz ne soit pas reçu comme chef d’Etat lors de son passage en Suisse au printemps 2013. Une fois de plus, la Suisse serait « sous l’influence » du Maroc comme nous le disions déjà dans notre numéro des «Nouvelles Sahraouies » de décembre dernier. Mais le contenu du document « confidentiel » est-il fiable ou est-il, comme nous l’avons vu plus haut une façon pour l’ambassadeur Hilale de montrer à son Ministre les efforts qu’il avait déployés pour que le Président Abdelaziz ne soit pas reçu en Suisse selon le protocole dû à un chef d’Etat? Ce qui n’avait d’ailleurs pas été demandé. Pierre Maudet s’est rendu au Maroc en juin 2014 pour des entretiens sur les questions de sécurité. Affaire à suivre !

Le Haut Commissariat pour les Droits de l’Homme

pour les Droits de l’Homme Ainsi, on apprend par les documents que l’Ambassadeur marocain avait infiltré l’entourage de l’ex-Haut Commissaire, Navi Pillay, et pouvait manipuler toutes ses actions concernant la gestion du dossier des violations des droits de l’homme au Sahara Occidental. Il n’a pas hésité à soutenir financièrement Navanethem Pillay (document du 5 juin 2013) et les membres de son bureau, pour la dissuader de toute action qui peut aller à l’encontre des souhaits du Maroc. Et Madame Pillay semblait être très attentive aux désirs, voire aux ordres, de ses généreux amis marocains. Au bas d’un câble diplomatique à son ministre de janvier 2012, l’ambassadeur Omar Hilale écrit: « Je voudrais rappeler l’impératif de transférer le reliquat de 250.000 dollars, au titre de la contribution du Maroc au Budget du HCDH, pour 2011 et dont la Haut-Commissaire a exprimé, à deux reprises, son souhait de le recevoir. Ce transfert aidera à rendre Mme Pillay plus attentive à nos préoccupations au sujet du contenu de la contribution de son Bureau au prochain rapport du SG de l’ONU sur le Sahara », écrit Omar Hilale dans un câble diplomatique adressé à son ministre en janvier 2012.

La mission marocaine n’a pas seulement eu recours à l’argent, versé sous forme de dons. L’Ambassadeur marocain révèle qu’il a réussi à enrôler de « très bons amis » membres du staff de Madame Pillay. A l’instar du suédois Anders Kompass, Directeur des Opérations sur le terrain, ou encore le Sénégalais, Bacre Waly Ndiaye, Directeur des Procédures Spéciales. Pour Omar Hilale, les deux hommes sont plus que de simples amis. Ils ont montré un zèle sans limite pour servir les plans et manipulations marocaines au Conseil contre toutes tentatives ou possibilités en faveur de l’amélioration des Droits de l’Homme au Sahara Occidental.

Mieux: dans d’autres câbles de l’ambassadeur marocain, nous découvrons comment il a réussi à obtenir des informations cruciales de la part de ses informateurs, Kompass et Ndiaye, deux comparses qui n’hésitent pas à participer a des réunions à huis clos au siège de l’ambassade. Objectif: lui fournir des informations secrètes sur une rencontre entre Christopher Ross et Navanethem Pillay. L’envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU devait convaincre la Haut-Commissaire de visiter le Sahara occidental. Une autre fois, leur réunion était consacrée à la visite que le Président Sahraoui, Mohamed Abdelaziz, devait entreprendre en mai 2013 au Conseil pour rencontrer Navanethem Pillay. Dans les deux cas, l’Ambassadeur et ses deux amis ont manœuvré pour limiter l’impact de ces deux visites et influencé Pillay pour qu’elle ne réagisse pas de façon à nuire aux intérêts du Maroc.

Ils ont notamment agi pour la dissuader d’entreprendre une visite au Sahara Occidental en 2014. Ils ont veillé à ce que la contribution du HCDH au rapport du SG de l’ONU sur le Sahara Occidental soit favorable au Maroc. Ils ont fait pression sur Pillay pour éviter qu’elle fasse des « concessions » au Président de la RASD, M. Mohamed Abdelaziz, lors de leur rencontre à Genève le 23 mai 2013. Kompass a insisté auprés de Pillay afin de mettre en place une mission technique au Sahara Occidental en mai 2014, conduite par lui-même au lieu du Représentant du Haut-Commissariat à New York, jugé hostile au Maroc. Ces révélations dangereuses et compromettantes et qui portent atteinte à la réputation de l’exHaut- Commissaire et aux deux fonctionnaires, prouvent, encore une fois, les méthodes mafieuses appliquées par les représentants de « sa majesté » partout dans le monde. Des méthodes basées sur la corruption de fonctionnaires d’institutions internationales.

Au-delà des scandales financiers et de la corruption qui apparaissent au grand jour grâce à ces fuites de documents (dont le Maroc n’a pas nié l’authenticité), le peuple sahraoui subit les violations de ses droits élémentaires. Combien de victimes sahraouies continuent de vivre ces violations à cause du manque d’intégrité qui règne au sein de l’institution onusienne sensée veiller sur le respect des Droits de l’Homme dans le monde. Et le pire c’est que les responsables de ces manigances restent impunis. Le makhzen leur a-t-il réservé une retraite dorée dans une des oasis du Maroc ?

Lobby pro-marocain auprès des journalistes

Les documents révélés par «Chris Coleman » montrent que les journalistes américains Richard Miniter et Joseph Braud essayaient dans leur « analyse » de transmettre à l’opinion publique américaine que le Front Polisario avait des connexions avec le « terrorisme djihadiste ». Selon «Chris Coleman », les deux analystes ont été recrutés par Ahmed Charaï pour travailler avec la DGED, les services secrets extérieurs du Makhzen. Richard Miniter est un journaliste qui, chaque fois qu’il traite d’une question sur l’Afrique du Nord, calomnie le peuple sahraoui et l’Algérie, faisant toujours des louanges sur le Makhzen. Dans ces documents, on constate que cela coïncide, comme par hasard, avec le fait que Miniter a reçu des milliers de dollars en espèces (60’000 dollars selon un document) ainsi que des invitations à faire des voyages de luxe au Maroc. Quant à Joseph Braud, il a également publié des articles diffamatoires pour les services du Makhzen. Selon les documents révélés par «Chris Coleman », il a aussi élaboré, pour les services marocains, des rapports sur les journalistes américains favorables à la cause sahraouie et sur la manière de les neutraliser Nous découvrons également les rapports qui existent entre le Makhzen et le professeur Henri Louis Védie ainsi qu’avec le journaliste Vincent Hervouet, tous deux français. Henri Louis Védie, est un professeur d’économie étroitement lié à une organisation qui porte le nom cynique de «Association de Promotion des Libertés Fondamentales » créé peu avant le procès injuste des dirigeants du camp de protestation de «Gdeim Izik » dans le but de rédiger un étonnant rapport selon lequel ce jugement était «équitable». Une publication française avait dévoilé, à l’époque, son financement par le Makhzen. Vincent Hervouët, quant à lui, est un rédacteur de la chaîne de télévision française «LC1». Selon ces documents, celui-ci informait le « journaliste » marocain Ahmed Charai, sur les efforts déployés pour que dans sa chaîne de télévision soient transmises des pseudo-informations qui s’en prenaient à l’Algérie (…) ou en diffusant des calomnies sur des prétendus liens du Front Polisario avec le « terrorisme ». Tout cela en demandant des « faveurs » pour passer des vacances au Maroc. Après les révélations faites, à quoi attribuer la grande absence du Sahara Occidental d’une actualité où il pourrait y figurer quotidiennement?

Programme marocain pour la Suisse

Il n’est pas possible de rendre compte ici des 400 documents qui sont déjà parus et nous terminerons par la Suisse, présente dans l’épais dossier sur les propositions d’actions diplomatiques du Royaume du Maroc pour 2014 et 2015. Il s’agit pour le Maroc de relancer plusieurs projets concernant certains accords de coopération, échanges de visites ministérielles, organisation d’un forum économique maroco-suisse au Maroc et échanges de visites de parlementaires. Parmi celles-ci, retenons que le Maroc prévoit la visite d’une délégation des élus des « provinces du sud». Une façon d’affirmer auprès du parlement suisse la « cause nationale marocaine».

Stratégie pour couler le BIRDHSO

Quant à l’action chérifienne auprès du Comité des ONG de New-York, elle a dans sa ligne de mire le Bureau International pour le respect des Droits de l’Homme au Sahara occidental (BIRDHSO) qui se trouve à Genève et avec lequel nous collaborons. Ce dernier a demandé depuis plusieurs années son statut ECOSOC qui lui permettrait d’avoir une plus grande liberté d’action, particulièrement au Conseil des Droits de l’Homme. Le Maroc fait toujours obstruction et nous apprenons par le document sorti par Cris Coleman qu’il a comme objectif de sensibiliser les capitales des pays membres du comité des ONG à New-York afin que le Comité des ONG adopte par consensus le rejet de la demande du BIRDHSO en janvier 2015.

Il nous reste maintenant à répondre à une question difficile: qu’allons-nous faire de ces documents dont jusqu’à présent la presse ne parle pas et qui met en question la probité des diplomates marocains et de leur Etat ?

Règles de déontologie du Secrétariat des Nations-Unies Informations A/69/292

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