Sahara : Ross appelle à respecter le droit à l’autodéterminacion

Sahara Occidental, Maroc, Front Polisario, ONU, Christopher Ross,

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Pour ceux qui s’intéressent aux négociations bloquées sur l’avenir du Sahara Occidental, voici un message que j’ai envoyé à la “1ère Journée Européenne d’Amitié avec le Peuple Sahraoui” qui se tient en Italie.

La population indigène du Sahara Occidental a souffert de dislocation et de difficultés depuis la Marche Verte du Maroc en 1975. Certains ont fui l’avancée marocaine en se réfugiant en Algérie, d’autres sont restés sur le territoire que le Maroc a repris. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a calculé que le nombre de réfugiés du Sahara occidental et de leurs descendants vivant dans des camps en Algérie était de 173 600 au 31 décembre 2017. Le nombre restant sous contrôle marocain est à peu près le même. Ceux qui se trouvent dans les camps vivent dans des conditions extrêmement difficiles qui incluent un climat inhospitalier, des conditions de vie misérables et une assistance humanitaire inadéquate. Les personnes sous contrôle marocain vivent sous des restrictions strictes qui punissent toute expression d’hostilité à la présence du Maroc. Les familles sont divisées, certains membres vivant dans les camps et d’autres restant sous le contrôle du Maroc.

J’ai servi en tant qu’envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies de 2009 à 2017 dans une atmosphère d’impasse bien ancrée dans le processus de négociation. Beaucoup m’ont demandé pourquoi j’ai persisté dans mes efforts infructueux pendant huit ans. Pour moi, la motivation était avant tout humanitaire. J’avais visité les camps de réfugiés pour la première fois en 1981 et j’avais constaté de visu les conditions de vie tragiques de la population. J’étais déterminé à faire de mon mieux si l’occasion m’était donnée de contribuer à mettre fin à leurs souffrances et à permettre leur retour dans leur pays dans des conditions honorables. En saisissant l’occasion que m’offrait le Secrétaire général de favoriser les négociations entre les parties, j’étais moins intéressé par le résultat de ces négociations que par l’intégrité du processus de négociation. Pour moi, n’importe quel résultat pouvait être accepté tant qu’il résultait d’un véritable processus de négociation.

En 2007, avant ma nomination, le Conseil de sécurité avait appelé à des négociations sans conditions préalables et de bonne foi entre le Maroc et le Polisario. Leur objectif, selon le Conseil, était – et reste – de parvenir à “une solution politique mutuellement acceptable qui permette l’autodétermination du peuple du Sahara occidental”.

En avril de la même année, les deux parties ont présenté leurs deux propositions – le Maroc pour une large autonomie du Sahara Occidental sous sa souveraineté, le Polisario pour un référendum qui incluait l’indépendance comme option et soulignait les relations étroites qu’un état indépendant aurait avec le Maroc. Ces propositions s’excluaient mutuellement et laissaient peu de place au compromis.

De 2007 à 2019, mon prédécesseur, mon successeur et moi-même avons parrainé 15 sessions entre ces deux parties avec la présence de l’Algérie et de la Mauritanie en tant qu’États voisins. Malheureusement, rien de ce qui pourrait être appelé des négociations n’a jamais eu lieu, et la communauté internationale est en droit de savoir pourquoi. Le Polisario est venu à chaque session prêt à discuter des deux propositions, mais le Maroc est venu avec une condition préalable majeure : qu’il ne discuterait que de sa propre proposition. Inutile de dire que le Polisario a refusé d’accepter ce qu’il considérait comme un diktat, et les négociations ont été mortes dès le début.

Pour sortir de cette impasse, j’ai insisté pour que les discussions portent sur diverses questions en dehors des deux propositions. Il s’agissait notamment des mesures de confiance, des ressources naturelles et des droits de l’homme. Là encore, les parties ont refusé de s’engager de manière constructive.

En l’absence de progrès sur l’avenir du territoire, les droits de l’homme en particulier sont devenus un champ de bataille de substitution, chaque partie accusant l’autre de graves violations. Dans chacun de ses rapports au Conseil de sécurité, le Secrétaire général a demandé une surveillance indépendante des droits de l’homme, mais en vain. Alors que le Polisario s’est déclaré prêt à accepter une surveillance dans les camps de réfugiés en Algérie, le Maroc a refusé de l’autoriser dans la partie du Sahara occidental sous son contrôle, affirmant que cela violerait sa souveraineté autoproclamée.

Le Conseil de sécurité lui-même a également joué un rôle majeur dans la perpétuation de ces 13 années d’impasse en ne parvenant pas à exercer une réelle pression sur les parties concernant la substance d’un règlement en raison des divisions entre ses membres. Certains, notamment la France et ses alliés africains, sont favorables à l’autonomie. D’autres, dont le Royaume-Uni et plus récemment la Russie, plaident pour l’autodétermination. En décembre 2020, comme vous le savez, le président Trump a pris la mesure irréfléchie de reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental – une souveraineté qui n’existe pas et qu’il n’avait pas à reconnaître. L’action de Trump était irréfléchie à trois égards. Premièrement, elle a compliqué le processus de négociation en amenant le Maroc et le Polisario, ainsi que l’Algérie, à durcir encore plus leurs positions.

Deuxièmement, elle a détruit toute perspective d’intégration et de coopération régionales, notamment en matière d’immigration illégale, de stupéfiants, de lutte contre le terrorisme et d’autres questions de sécurité. Enfin, elle a nui aux relations des États-Unis avec l’Algérie, leur autre partenaire important en Afrique du Nord et principal défenseur de l’autodétermination. L’Espagne a imité l’exemple américain en mars 2022, déclarant que l’autonomie est la solution la plus sérieuse, la plus réaliste et la plus crédible et déclenchant une crise dans ses relations avec l’Algérie. Il est instructif à cet égard qu’aucun autre grand pays, pas même la France, n’ait suivi les États-Unis et l’Espagne en déclarant un soutien ouvert à la position marocaine.

Pour résumer, nous avons deux parties incapables de négocier, le Conseil de sécurité divisé, et les États-Unis et l’Espagne qui compliquent les choses. Mais au-delà du fait d’éviter un engagement et une pression substantiels, le Conseil a permis aux parties, en particulier le Maroc, de ne pas tenir compte de ses directives en toute impunité. Le Polisario et l’Algérie ont pour leur part ignoré l’appel du Conseil en faveur d’un recensement officiel des réfugiés, préférant s’appuyer sur les calculs de 2017 de l’UNHR pour répondre à ce besoin. Pendant ce temps, le Maroc a ignoré l’appel du Conseil à éviter les conditions préalables dans les négociations, son appel à examiner la proposition du Polisario, et son appel à permettre à la MINURSO d’accéder librement à tous les interlocuteurs dans sa zone d’opérations.

Quelle sera la prochaine étape alors que le dernier Envoyé personnel, Staffan de Mistura, entame son deuxième voyage en Afrique du Nord ?

Si son mandat doit se limiter à faire la navette d’un endroit à l’autre et à organiser des réunions des parties, comme ce fut le cas pour ses trois prédécesseurs, il sera confronté aux mêmes difficultés qu’eux. Déjà, le Maroc insiste pour que l’Algérie vienne à la table de négociation “ronde” en tant que partie à part entière, et l’Algérie et avec elle le Polisario refusent de procéder sur cette base.

Je pense que la seule façon pour M. de Mistura d’espérer sortir de l’impasse est que le Conseil lui donne un mandat plus large, similaire à celui de James Baker de 1997 à 2004. Au cours de ces années, la recherche d’un règlement était entre les mains de l’envoyé personnel, et non des parties. Baker a présenté plusieurs variantes d’un plan de règlement et s’est engagé avec les parties sur leurs détails. Ses efforts ont échoué parce que chacune de ces variantes a conduit à un référendum d’autodétermination à un moment donné et parce que le Maroc a révoqué son engagement envers un tel référendum après la mort du roi Hassan II en 1999. Dans des discours successifs au fil des ans, le roi Mohammed VI a fixé des lignes rouges : pas de négociations, sauf sur les détails de l’autonomie, pas de référendum incluant l’indépendance, et pas de surveillance des droits de l’homme. On peut se demander comment de Mistura peut réussir.

Que doivent donc faire les membres de la communauté internationale, y compris les gouvernements et la société civile ?

1. Pour permettre la reprise du processus de négociation, ils doivent insister auprès de toutes les parties concernées pour qu’elles évitent toute nouvelle action provocatrice qui pourrait conduire à une escalade des hostilités.
2. Ils doivent soutenir pleinement M. de Mistura dans ses efforts pour relancer le processus de négociation, notamment en incitant les parties, les États voisins et les principaux acteurs internationaux à s’engager pleinement avec lui.
3. Conformément aux directives du Conseil de sécurité, ils devraient s’efforcer de convaincre le Maroc de négocier sans conditions préalables et de s’engager sur la proposition du Polisario sur une base de réciprocité.

4. Si le processus de négociation reste dans l’impasse, ils devraient travailler avec les membres du Conseil de sécurité pour donner à de Mistura un mandat plus large.

5. Conformément aux directives du Conseil de sécurité, ils devraient s’efforcer de convaincre le Maroc de permettre à la MINURSO d’accéder à tous les interlocuteurs dans sa zone d’opérations. En parallèle, ils devraient encourager le Maroc à ouvrir le territoire sous son contrôle aux journalistes, aux universitaires et aux autres parties intéressées. De telles mesures permettraient au monde de mesurer les désirs des Sahraouis vivant sous le contrôle du Maroc. Toute solution qui ne tiendrait pas compte des opinions de cette population serait intrinsèquement déstabilisante.

6. Ils devraient s’efforcer de convaincre le Polisario de reprendre son ancienne habitude de recevoir le RSSG/Chef de la MINURSO à Rabouni, en Algérie, plutôt qu’au Sahara occidental à l’est du mur de sable. Ils devraient également faire pression sur le Polisario et l’Algérie pour qu’ils vérifient l’exactitude du calcul de la population réfugiée effectué par le HCR en 2017 par des moyens appropriés. Comme pour les Sahraouis vivant sous contrôle marocain, tout règlement qui ne tiendrait pas compte des opinions de cette dernière population serait également intrinsèquement déstabilisant.

7. Conformément aux orientations du Conseil de sécurité, ils devraient s’efforcer de convaincre le Maroc d’accepter des mesures indépendantes et crédibles pour assurer le plein respect des droits de l’homme, comme le Polisario reste prêt à le faire sur une base réciproque.

8. Enfin, mais c’est d’une grande importance, ils devraient s’efforcer de mobiliser une aide humanitaire beaucoup plus importante pour les réfugiés vivant dans des conditions misérables dans les camps.

La population autochtone du Sahara Occidental a suffisamment souffert, et son droit de participer à la détermination de son avenir a été perdu dans la poussière du conflit et le brouillard des mots. Il est grand temps de mettre fin à cette souffrance et de restaurer son droit à l’autodétermination dans le cadre de l’accord politique mutuellement acceptable que le Conseil de sécurité a appelé de ses vœux.

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