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Le Maroc renforce ses liens militaires avec Israël, fournisseur de “drones suicide” en plein conflit du Sahara occidental
Le chef de l’armée israélienne se rend pour la première fois dans le pays maghrébin, dans un contexte de tension croissante entre Rabat et l’Algérie.
Francisco Peregil
Le Maroc accueille pour la première fois un chef de l’armée israélienne en visite officielle. Le général Aviv Kohavi, 58 ans, a atterri à Rabat lundi en fin d’après-midi et prolongera son séjour officiel jusqu’à mercredi. L’objectif de cette visite, selon l’armée israélienne, est de renforcer la coopération avec le Maroc, sans préciser davantage de détails sur les ventes d’armes. Kohavi rencontrera, entre autres, le ministre marocain chargé de l’administration de la défense, Abdelatif Loudiyi, et l’inspecteur général des Forces armées royales et commandant de la zone sud, le général El Farouk Belkheir.
Cette visite intervient au moment où le Maroc est engagé dans un conflit armé de faible intensité avec le Front Polisario, dont le principal allié et protecteur est l’Algérie. La tension entre les deux pays du Maghreb a atteint son point le plus sensible en novembre 2021, lorsque la présidence algérienne a publié un communiqué annonçant que trois civils algériens avaient été “lâchement tués” dans un “bombardement barbare” alors qu’ils se rendaient avec leurs camions de la capitale mauritanienne Nouakchott à la ville algérienne de Ouargla. La présidence algérienne a affirmé que “divers facteurs” suggéraient que le massacre avait été perpétré par “les forces d’occupation marocaines au Sahara occidental” à l’aide d'”armes sophistiquées”. Selon les sources du Front Polisario, c’est Israël qui est à l’origine de cet armement de pointe.
Le principal fabricant de drones israélien, Israel Aerospace Industries (IAI), produit les drones suicide Harop, un petit avion sans pilote d’une portée de plus de 1 000 kilomètres, difficile à détecter par les radars et capable de transporter plus de 20 kilos de charge explosive. Cette société a reçu 19,4 millions d’euros du Maroc en 2021, au plus fort du conflit du Sahara occidental, selon le quotidien Haaretz, en accédant aux deux rapports trimestriels que le fabricant israélien a fournis à la Bourse de Tel Aviv. L’État marocain maintient un silence hermétique sur ces questions.
Pendant ce temps, la tension continue de couver au Sahara occidental. Le Front Polisario a publié un communiqué samedi dans lequel il affirme avoir mené une “attaque massive au missile” contre plusieurs positions de troupes marocaines dans le nord et le sud-est du Sahara occidental. Les autorités marocaines ne commentent jamais leurs propres actions militaires ou celles de leurs ennemis au Sahara. Cette fois-ci, ils ont également opté pour le silence, tout en continuant à tisser des liens plus étroits avec l’armée israélienne.
Le Maroc a commencé à normaliser ses relations avec Israël en décembre 2020, un mois après que le Front Polisario a considéré que le cessez-le-feu qu’il maintenait avec le Maroc depuis 1991 était rompu. C’est à l’hiver 2020 que le président américain de l’époque, Donald Trump, a reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental en échange de la normalisation par Rabat de ses relations avec l’État hébreu.
Rabat est devenu le quatrième pays arabe à normaliser ses relations avec l’État juif, après les Émirats arabes unis en août, suivis de Bahreïn en septembre et du Soudan en octobre. Ces pactes de normalisation, négociés par Donald Trump dans sa dernière phase en tant que président, ont été appelés les accords d’Abraham. Les accords n’obligent pas Israël à reconnaître l’existence d’un État palestinien.
“La normalisation est une trahison”.
Les plus grandes manifestations enregistrées depuis des décennies au Maroc sont celles que l’État marocain lui-même encourage chaque année en faveur de la cause palestinienne. Mais depuis ce décembre 2020, tout le monde au Maroc sait que c’est le roi lui-même qui parraine la normalisation des relations. Cela n’a pas empêché la dernière escalade des attaques de l’armée israélienne contre la bande de Gaza en mai 2021 de déclencher des manifestations dans les principales villes du Maroc, où l’on a crié “la normalisation est une trahison”. Mais les deux pays ont continué à tisser des liens inexorablement plus étroits.
La coopération militaire entre Israël et le Maroc existe depuis plus de 50 ans, mais toujours de manière semi-secrète, dans les coulisses. Jusqu’à ce que le chef de la défense israélienne, l’ancien général Benny Gantz, se rende à Rabat en novembre 2021 pour signer un accord militaire sans précédent dans le monde arabe. Une délégation militaire israélienne s’est rendue au Maroc le 25 mars et a signé un deuxième accord, portant sur la participation à des exercices internationaux et la vente d’armes. Aujourd’hui, c’est le chef des forces armées israéliennes lui-même qui s’est rendu au Maroc pour une visite à forte valeur symbolique.
Aviv Kohavi a prêté serment en tant que chef d’état-major des forces armées en 2019. Parmi ses opérations les plus critiquées au cours des trois dernières années figure le bombardement et l’abattage par l’aviation israélienne de l’immeuble de 12 étages abritant les bureaux de l’agence Associated Press et de la chaîne Al Jazeera, le 15 mai 2021. Fin mai, le général Kohavi a déclaré à la télévision israélienne que le bâtiment avait été “détruit à juste titre” et qu’il ne ressentait “pas une once de regret”. La destruction du bâtiment s’est produite au cours d’une escalade de 11 jours qui a fait plus de 250 morts chez les Palestiniens et 13 en Israël.
El Pais, 19/07/2022
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